ADMIRATION n. f. (préf. ad, vers et lat. mirari, regarder).
Attirance quasi-instinctive vers tout
ce qui est beau et sympathie profonde pour tout ce qui est utile et
vivant. Il sied d'admirer les beaux gestes, les pensées
grandes et élevées. Admirons le courage, la
sincérité et la véritable
indépendance. Admirons, en un mot, tout ce qui est digne
d'être admiré et ne marchandons pas, alors, notre
admiration : accordons-la largement et sans restrictions. Laissons les
si et les mais, les distinguos, les arguties et toutes les
considérations de pacotille aux constipés, aux
pédants, aux pygmées. Ne privons pas de notre
admiration ceux qui la méritent. Mais ne la galvaudons pas,
ne la gaspillons pas sur ce qui est inexistant ; ne la prodiguons pas
sans motifs suffisants. Refusons-la aux pleutres, aux
renégats, aux gouvernants. Faisons un choix dans nos
sentiments admiratifs. Gardons-nous d'imiter, dans cet ordre
d'idées, la foule ignorante, la multitude trompée
par les apparences. Pas d'admiration pour les galons conquis dans le
sang des champs de bataille ; pas d'admiration pour les
"prélats enchasublés" qui ne doivent la
vénération qui les entoure qu'à la
somme d'impostures qu'ils incarnent ; pas d'admiration pour les
millionnaires dont l'opulence se mesure aux privations et aux
humiliations qu'ils ont férocement imposées
à leurs exploités ; pas d'admiration pour les
hommes d'Etat dont chaque pas vers le Pouvoir qu'ils ambitionnent
marque une palinodie, un revirement ou une trahison ; pas d'admiration
pour les faux savants et les faux artistes ; pas d'admiration pour les
"Grands Hommes" fabriqués à coups de grosse
caisse et de réclame tapageuse. Admirons tous les vrais
artistes, tous les poètes prestigieux, tous les esprits
supérieurs, tous les savants sans charlatanisme et toute la
pléiade des flambeaux qui percent et dissipent les
ténèbres de l'ignorance, de la servitude et de la
misère. Admirer, c'est participer à l'oeuvre
admirée, c'est presque créer soi-même
l'oeuvre qu'on admire ; c'est presque s'élever à
la hauteur de celui qu'on admire. Celui qui admire l'oeuvre du
génie s'égale à son auteur et quand
nous applaudissons un beau geste, c'est - moralement - comme si nous
l'accomplissions nous-mêmes.