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AMELIORATION n. f. 

Léger progrès apporté dans l’état de quelque chose. Lorsque la classe dirigeante s’aperçoit que son oppression intransigeante va faire éclater une révolution, elle se décide à apporter quelques améliorations dans l’état de choses afin de calmer les esprits. Pour la bourgeoisie les améliorations constituent une sorte de part du feu destinée à faire croire aux cerveaux échauffés que les patrons sont humains et désirent le bien-être des travailleurs. Mais pour accorder ces améliorations, les possédants attendent toujours que l’heure soit grave. Tant que le peuple ne montre pas les dents, ils continuent à l’exploiter sans vergogne. Certains se contentent largement de ces aumônes que sont les améliorations. Ce sont les réformistes. Ils repoussent l’idée d’une révolution et préfèrent mendier aux oppresseurs de la classe ouvrière la centième partie de leurs droits. C’est là une méthode que les anarchistes ne sauraient accepter. On ne mendie pas ce qui doit nous revenir de droit. On ne réclame pas comme une aumône les biens dont on nous a frustrés. Des améliorations et des réformes ne sauraient nous satisfaire. Seule, la Révolution Sociale pourra remettre les choses à leur place et compenser les injustices.

AMELIORATION

Ce mot ne nous intéresse qu’à la condition d’y ajouter le qualificatif : « social ». Autrement, il serait pour nous, sans signification véritable... Il n’aurait, par conséquent, pas sa place ici...

Nous lui donnerons donc la signification suivante : Meilleur aménagement de la vie sociale, en précisant que sa valeur, dans les faits, est extrêmement relative. Bien entendu, dans notre esprit, l’amélioration sociale n’est obtenue que pacifiquement, par l’entente des classes. Nous en excepterons les conquêtes d’ordre moral qui mettent toujours en péril l’édifice capitaliste et que l’adversaire ne concède que par la force. La loi de 8 heures en est la preuve.

L’amélioration sociale ne vise donc pas à transformer la structure de la société capitaliste. Elle modifie seulement, dans le détail, les rapports de classe à classe. Elle concède généralement à la classe la plus défavorisée un peu plus de bien-être. Elle n’est que relative, plus apparente que réelle. C’est toujours un palliatif et souvent une tromperie. L’adversaire social qui concède une amélioration a soin de reprendre de la main gauche ce qu’il donne de la main droite. L’amélioration ne tarde jamais à être annihilée par une mesure correspondante prise par le patronat.

L’augmentation des salaires est l’amélioration-type. Plus qu’aucune autre, elle en montre l’inanité, l’inutilité même au point de vue social. Elle n’augmente que rarement le pouvoir d’achat de l’ouvrier et, dans tous les cas, la capacité d’achat n’est que fort peu, et pour un temps très court, supérieure à ce qu’elle était auparavant.

L’augmentation des salaires ne se produit que lorsque la loi d’airain est faussée, lorsque l’ouvrier qui a des charges moyennes ne reçoit plus dans un milieu donné, un salaire moyen correspondant à ces charges. La rupture de l’équilibre au détriment de l’ouvrier oblige celui-ci à réclamer une augmentation de salaire qu’il obtient le plus souvent. Cet équilibre ne sera toutefois rétabli que pour une courte durée. D’autres ouvriers, d’autres corporations se trouveront, à tour de rôle, dans le même cas. Les augmentations générales du coût de la vie répondront aux augmentations partielles des salaires et l’équilibre sera toujours rompu pour l’ensemble. C’est le cercle vicieux.

Donc, rien à attendre en fait de l’augmentation des salaires, de l’amélioration-type. Il en est de même pour toutes les autres.

Les autres améliorations concernant l’hygiène de l’atelier, du chantier, du bureau, de l’habitation, celles qui sont relatives au perfectionnement de l’outillage à une meilleure utilisation de la main-d’oeuvre, à l’emploi plus intensif des forces mécaniques et électriques, à l’utilisation raisonnée de ces forces sont le fait de l’évolution des sociétés qui doivent suivre le rythme de la vie, la transformation des moeurs et tenir compte des progrès scientifiques et techniques appliqués dans les industries rivales ou les pays voisins.

L’amélioration sociale peut, dans les autres cas, être un palliatif qui permet su patronat de conserver ou d’asseoir ses privilèges. Elle est la plupart du temps une tromperie qui fait prendre le mirage pour la réalité et laisse, en vérité, les choses en état. Elle modifie à peine quelques aspects, quelques contours, elle ne vise à aucun renversement des valeurs. Elle peut, dans certaines circonstances graves, constituer urne lourde hypothèque sur l’avenir et faire reculer très loin des transformations possibles.

C’est aussi un leurre qui permet au patronat d’endormir la conscience ouvrière, d’émollier son énergie et, parfois, de circonvenir personnellement les défenseurs des ouvriers s’ils n’y prennent garde ou s’ils ne sont pas assez bien trempés pour résister aux tentations dorées des maîtres habiles à les présenter.

Ravaler l’action de classe à la conquête des améliorations sociales, c’est la conduire sur le chemin des abdications qui mène tout droit à la pratique du réformisme social, de la collaboration des classes. C’est tourner le dos aux buts poursuivis par le prolétariat pour son affranchissement.

Si la poursuite de l’amélioration de classe est, malheureusement, une nécessité inévitable, on ne peut en recommander la pratique érigée en système. Elle doit d’ailleurs, pour être durable, être fortement étayée par une action utile et continue de la classe ouvrière. Ceci suffit à en déterminer le caractère exact, la valeur restreinte et l’usage qu’il convient de faire de cette arme émoussée. Elle n’a point sa place dans l’arsenal d’attaque du prolétariat. Bien qu’elle soit d’une pratique quotidienne, elle n’intervient qu’à titre secondaire, subsidiaire dans la véritable lutte sociale. (Voir Réformisme économique et social ).

Pierre Besnard