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ANATHEME n. m. (du grec anathêma, chose mise à part, séparée, le plus ordinairement offrande réservée à quelque divinité)

Chez les Païens comme chez les premiers Chrétiens, le mot « anathème » a été pris dans un sens favorable et dans un sens odieux. Dans un sens favorable, chez les Païens : victimes, offrandes consacrées aux dieux du ciel, de la terre et de la mer. Les anathèmes étaient ou des animaux, ou des fleurs, parfois même des productions artistiques. Chez les premiers Chrétiens, toutes sortes d'offrandes, principalement celles qu'on suspendait, dans les églises, en souvenir de quelque grâce reçue du ciel. Dans un sens odieux : chez les Païens, victimes consacrées aux divinités infernales ; chez les Chrétiens primitifs, toute personne ou objet, destiné à la destruction.

En droit ecclésiastique, l'anathème est une sentence prononcée par un haut dignitaire de l'Eglise ou par un Concile, qui rejette hors du sein de la Société religieuse ceux qui en sont atteints et les voue aux flammes de l'enfer. On dit : « prononcer, fulminer, lancer l'anathème ; frapper d'anathème ; dire anathème à quelqu'un, lever l'anathème, s'exposer aux anathèmes. Par extension, anathème signifie réprobation, blâme solennel : « tout le monde jette l'anathème à l'assassin. » L'anathème et l'excommunication ne doivent pas être confondus. Ce sont deux mesures bien distinctes : l'excommunication interdit au Chrétien l'accès de l'Eglise et la communion ; l'anathème fait plus : il le retranche de la Société des fidèles. L'excommunication ne peut toucher les hérétiques, puisqu'ils sortent volontairement de la communion ; c'est l'anathème qui leur est réservé, ainsi, du reste, qu'aux grands criminels dans l'ordre politique et moral. Ces mots : anathème, excommunication qui, de nos jours, laissent indifférents les uns et font sourire de pitié les autres n'ont plus qu'une valeur historique ; mais, durant des siècles et aux époques de l'hégémonie catholique, ils possédaient un immense et terrible retentissement. Nul Chrétien n'osait les prononcer, ni même y songer, sans éprouver un indicible frissonnement. Au moyen âge, celui qui avait encouru l'anathème (voir moyen-âge, excommunication) était, de son vivant, en proie aux tourments de l'enfer. Pour lui, plus de repos, plus de tranquillité, plus de sommeil ; ses amis, ses proches le fuyaient comme un maudit, un lépreux ou un pestiféré. S'il ne se repentait pas publiquement, s'il ne faisait pas amende honorable, s'il n'était pas admis à résipiscence, il ne trouvait de calme que dans la mort. Souvent, l'anathème frappait des hérétiques de haute intelligence, de vaste culture et de puissante énergie ; ceux-ci, forts de leurs croyances, bravaient superbement la sentence d'anathème qui faisait trembler les autres et ils subissaient héroïquement le martyre plutôt que de se soumettre. Armand de Brescia, Jean Huss, Jérôme de Prague, nombre d'autres encore furent ainsi torturés, brûlés, après avoir été anathématisés. Si ces procédés monstrueux ne sont plus usités à notre époque, ce n'est pas que l'Eglise catholique les ait réprouvés et y ait renoncé d'elle-même ; c'est, uniquement, parce que l'Eglise, ayant perdu en partie sa prestigieuse puissance, ne pourrait se permettre de tels crimes sans soulever contre elle la réprobation et la révolte.

S. F.