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AUTODIDACTE adj. et n. (du préf. auto et du grec : didaskein, enseigner)

On dit d'une personne qu'elle est autodidacte quand elle s'est instruite elle-même, sans professeur. Dans la société actuelle, c'est un des plus beaux éloges que l'on puisse faire d'un homme de dire que c'est un autodidacte. Car il faut une volonté bien trempée et une intelligence de premier ordre pour triompher des difficultés sans nombre que rencontre celui qui, né de famille humble, veut enrichir son esprit de quelques connaissances humaines. On sait, en effet, la déplorable pauvreté des connaissances que l'École primaire met à la disposition des enfants pauvres. On y enseigne à l'écolier juste assez pour que, devenu homme, il fasse un ouvrier point complètement illettré mais ignorant toutefois des plus passionnantes activités de l'esprit. Celui qui ne veut pas se résigner à rester toute sa vie un outil passif aux mains des classes possédantes, doit donc continuer ― ou plutôt commencer ― à s'instruire au sortir de l'école. Mais il lui faut lutter contre les obstacles d'ordre matériel et contre les obstacles d'ordre moral. Il lui faut disputer les heures d'études aux heures du travail pour le pain de chaque jour, et il lui faut défendre sa personnalité naissante contre le dédain haineux des privilégiés de l'Instruction. Mais aussi, quelle différence avec les mécaniques étudiants, lorsque l'autodidacte a pu arracher quelques-unes des précieuses connaissances ! Désormais, l'autodidacte sera armé pour la lutte des idées et pourra prendre avec succès la défense de ses frères de misère. Il faut que le peuple apprenne à s'instruire par lui-même. Là seulement est son salut. Beaucoup, hélas ! reculent devant l'effort qu'il faut fournir. Mais ils auraient tort de se décourager. L'épreuve est ardue, mais elle n'est pas impossible. Et chaque pays fournit des exemples qui en disent plus long que toutes les exhortations. N'a-t-on pas vu, en France, le jeune J.-H. Fabre, commencer ses études en vendant des oranges sur le marché de Beaucaire ? Armé de son seul courage, il a pu cependant conquérir diplômes et connaissances plus vite que tous les privilégiés des collèges ; et il a pu, par la suite, devenir un de nos plus remarquables savants. En littérature, n'a-t-on pas vu Pierre Hamp, ancien gâte-sauce, devenir un de nos meilleurs écrivains ? À l'étranger, faut-il citer le cas de Jack London, tour à tour débardeur, chercheur d'or, docker, et, finalement, un des plus célèbres romanciers du globe ? Faut-il rappeler la vie mouvementée et miséreuse de Maxime Gorki, en Russie, et de Panaït Estrati, dans les Balkans ? Les exemples ne manquent pas, comme on le voit, d'hommes qui, par leur énergie, sont arrivés non seulement à une profonde culture mais encore sont parvenus à bâtir une œuvre personnelle. Ceux que la destinée a fait naître pauvres ne doivent donc pas désespérer. Avec du courage ils vaincront l'adversité, ils deviendront des hommes dignes de ce nom. Par un labeur régulier et fécond, ils acquerront ― parce que trempés par la vie ― plus de richesses intellectuelles que n'en pourront jamais acquérir toutes les marionnettes de Facultés.

- Georges VIDAL.