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BANQUE

Établissement public ou privé où s'effectuent les opérations d'argent nécessitées par les transactions commerciales. Il y a diverses sortes de banques : banques de dépôt et de virement, banques d'escompte, banque de circulation, banques d'émission, banques territoriales ou hypothécaires, banques agricoles, banques populaires ou d'avances et banques coopératives, banques de spéculation ou d'affaires.

Il y a enfin, dans chaque pays, une banque Nationale placée sous le contrôle de l'État, dont la direction est nommée par lui. C'est l'Institut d'émission des billets et monnaies dont le chiffre de circulation est fixé par la loi.

Les banques ne sont apparues que vers la fin du XVIIIe siècle. Elles ne prirent vraiment pied qu'au commencement du XIXe siècle. Elles découlent de la conception que Saint Simon avait du crédit des changes. Les premières firent faillite et ce n'est qu'après un temps qu'elles s'imposèrent définitivement et conquirent la faveur des commerçants et industriels.

De nos jours, chaque ville, si petite soit-elle, possède une et parfois plusieurs banques. Peu à peu, les banques ont augmenté leur sphère d'action et d'influence. Aujourd'hui, réunies en Cartels nationaux ou internationaux, elles dominent le monde. Ce sont les plus formidables puissances que nous ayons connues jusqu'à ce jour.

Leurs opérations sont multiples, le chiffre en est énorme.

Les banques sont administrées par un Régent ou gouverneur s'il s'agit d'une banque d'État, et par un Conseil d'administration s'il s'agit d'une banque privée.

Elles occupent un personnel nombreux : Directeur, sous-Directeurs, Fondés de pouvoir, Chefs de service, Employés de toutes sortes, encaisseurs, garçons, etc..., qui dirigent ou effectuent les opérations spéciales qui découlent de leurs attributions particulières.

Banque de dépôt et de virement. ― Une banque de cette nature borne son rôle à accepter des dépôts des particuliers, à exécuter sous forme de virement de compte, les ordres donnés par ses clients. Cette opération évite aux clients d'une même banque de se verser des fonds.

Banques d'escompte. ― Les banques d'escompte font des prêts aux particuliers : commerçants et industriels lorsque ceux-ci peuvent garantir le prêt par le dépôt d'un titre ou d'un effet représentant une opération de commerce : traite, billets à ordre, etc... La banque déduit du montant total d'une traite qui lui est présentée en dépôt l'escompte ou intérêt du capital jusqu'à échéance. Elle perçoit en outre un droit de commission et, s'il y a lieu, un droit de change si le titre est payable sur une autre place ou à l'étranger.

En général, on n'admet à l'escompte que les titres et effets dont les tirés sont connus solvables. Les banques d'escompte exigent en outre deux signatures, dont une de garantie.

La Banque de France, qui escompte aux autres banques et aussi aux particuliers, exige trois signatures, dont deux garanties. Si l'effet revient impayé, le tireur est tenu d'en rembourser le montant, ou, à son défaut, son ou ses garants. Les garants s'appellent en général : cautions.

Banques de circulation. ― Les banques de circulation sont des Établissements dont les effets sont payables à vue et remis, moyennant un intérêt, aux commerçants contre les effets de commerce garantis par la solvabilité ou une caution.

Banques d'émission. ― Les banques d'émission sont des Établissements qui, en vertu, d'un privilège légal ou d'un droit commun reconnu, émettent des billets de banque. Elles font en général l'escompte et le dépôt.

En outre, on donne le nom de banques d'émission aux banques qui émettent des titres : actions ou obligations pour le compte de Sociétés ou Entreprises privées, après inscription à la cote de la Bourse aux valeurs. Ces banques sont, aussi appelées, banques de lancement. Elles touchent une commission ou prime pour placer ces actions ou obligations dans le public.

Banques territoriales ou hypothécaires. ― Ces banques font des avances sur biens-fonds ou sur hypothèques. Elles avancent généralement jusqu'au 1/3 ou la 1/2 de la valeur du gage.

Ces avances peuvent être remboursées par le prêté avec un intérêt minime en principe. Leurs réserves sont constituées soit par des immeubles ou des terrains provenant de leurs opérations.

Banques agricoles. ― Ces Établissements, dont le nombre est assez restreint, font des prêts ou avances aux agriculteurs suivant intérêt et sur garantie pour l'achat de matériel ou d'engrais, etc. Leur rôle est peu important.

Banques de spéculation et d'affaires. ― La principale opération de ces banques consiste à acheter ou à vendre des actions et obligations soit dans l'intérieur du pays, soit à l'extérieur. Elles sont de plus en plus nombreuses et puissantes. Elles s'intéressent surtout au lancement des grandes affaires, finançant les grandes entreprises industrielles. Elles portent aussi le nom de banques d'affaires. On rencontre leurs membres du Conseil dans une foule d'affaires dont ces banques possèdent une partie ou la majorité des actions. Cela s'appelle exercer, à une ou plusieurs banques, le contrôle, c'est-à-dire, diriger, être maître d'une affaire.

Les banques d'affaires sont les vrais maîtres des entreprises métallurgiques, des mines de charbon, des exploitations pétrolifères. Elles exercent leur hégémonie sur le monde, font battre les peuples pour assurer le triomphe de leurs intérêts. Elles constituent, associées, la féodalité de l'argent.

Banques populaires ou d'avances. ― Banques fondées par les Sociétés coopératives en vue d'ouvrir des crédits à découvert aux membres de cette société. Les banques coopératives font les mêmes opérations que les autres banques en ce qui concerne les coopératives qui les ont constituées et dont elles sont l'agent de transaction avec les autres banques ou les particuliers.

OPÉRATIONS. ― Les opérations des banques sont extrêmement complexes. Parmi les plus connues, relevons : l'ouverture de crédit, le crédit en blanc, le crédit documentaire, la lettre de crédit ou de change ; l'émission, l'achat, la vente et l'échange des actions et obligations ; les prêts sur titres : obligations, actions, hypothèques, l'achat de devises pour le commerce extérieur, le change, le service des marchandises, les lancements d'emprunts, les virements et dépôts.

Crédit. ― Le crédit préside aux transactions commerciales ou industrielles. Les instruments de crédit sont le billet à ordre, la lettre de change ou le billet de banque. Le dépôt en banque de ces divers titres par un particulier lui donne la faculté de retirer de l'argent par chèque ou virement jusqu'à concurrence du montant de son dépôt. Si on a confiance en lui, si son affaire est solide, on peut lui consentir un crédit supérieur à sa garantie. C'est d'ailleurs très rare. On ouvre aussi un crédit en blanc à quelqu'un qui n'a ni titre, ni dépôt, mais dont les affaires en cours s'annoncent prospères ou sont susceptibles de le devenir. On ouvre encore, surtout depuis la guerre, une autre sorte de crédit : le crédit documentaire qui consiste à avancer à un commerçant ou un industriel tout ou partie de la valeur d'une marchandise expédiée, contre remise du récépissé d'expédition ou du connaissement. Dans ce cas, c'est la Banque qui se charge directement ou par l'intermédiaire de ses correspondants, d'encaisser, auprès du destinataire, le montant de la valeur des marchandises. Elle ne remet récépissé de destination que contre paiement de cette valeur. Elle prend naturellement commission et intérêt.

Lettre de crédit et de change. ― La lettre de crédit est délivrée à commerçant ou industriel qui se rend généralement à l'étranger et qui possède un dépôt ou une garantie dans la Banque qui l'émet. Cette lettre permet à celui qui la reçoit de retirer une somme d'argent, dont le montant est fixé, dans les Établissements étrangers, auprès desquels la Banque qui délivre la lettre lui ouvre un crédit. ― La lettre de change n'est autre chose qu'une traite payable à vue, à la personne qui la possède, soit par banque, soit directement.

Émission, achat, vente, échange de titres : actions ou obligations. ― Les banques d'émission et de spéculation se chargent de ces diverses opérations, soit pour leur propre compte, soit pour le compte de leurs clients. Elles perçoivent pour cela des commissions. Ces opérations se font en Bourse par l'intermédiaire des agents de change, coulissiers et remisiers.

C'est dans ces opérations que les banques réalisent les plus gros bénéfices. Elles donnent lieu à de nombreuses combinaisons plus ou moins honnêtes. Il n'est pas rare de vendre des titres qu'on ne possède pas et de les revendre aussitôt avec bénéfices.

Ces opérations ne sont pas pour le profane. Il ne doit pas chercher à s'y aventurer ou, s'il le fait, il risque de s'y ruiner.

Achat, vente de devises. ― Les banques se chargent aussi des devises, effets, chèques ou monnaies, etc..., sur les transactions avec l'étranger, soit pour l'importation, soit après exportation et réalisation de la valeur en monnaie du pays d'origine ou de destination.

Là encore, la spéculation sur les changes et sur les cours de bourse est une opération fructueuse.

Service marchandises. ― Depuis la guerre et pendant la guerre, certaines banques, les plus fortes, ont installé des services marchandises. Elles se chargent de garantir aux expéditeurs le paiement de leur marchandise par le destinataire auprès duquel la Banque encaisse la valeur de cette marchandise.

Les banques consentent aux expéditeurs des crédits partiels ou totaux sur cette valeur avant l'encaissement et contre remise des titres d'expédition.

Ce service prend, dans les banques, une extension de plus en plus grande. Bientôt, toutes les transactions internationales s'opèreront de cette façon.

Lancements d'emprunts. ― De la même façon que les Banques lancent des actions ou obligations pour le compte des sociétés privées, elles lancent aussi des emprunts pour les gouvernements.

Pour ce faire, elles touchent une commission. Elles se chargent de la publicité, recueillent la souscription publique et délivrent les titres aux acheteurs.

Ce sont, pour elles, des opérations fructueuses, quel que soit le succès de l'emprunt.

Portefeuille. ― On donne le nom de Portefeuille à l'ensemble des effets publics ou de commerce que possède un Établissement bancaire. Le Portefeuille occupe une place particulière dans le bilan.

Dépôt, Virement. ― Voir banques de dépôt ou de virement.

Chèque. ― Le chèque n'est autre chose qu'un mandat délivré par quelqu'un qui possède un dépôt dans une Banque. Il permet d'effectuer un paiement sans manipulation de fonds. Il suffit à la personne à qui le chèque est délivré de se présenter à cette Banque pour obtenir le paiement de la valeur qui est inscrite sur le chèque, après vérification du compte de l'émetteur.

Il y a plusieurs catégories de chèques : le chèque à vue, le chèque barré, le chèque postal, le chèque-contribution.

Le chèque à vue est payable sur simple présentation, après vérification de compte.

Le chèque barré n'est encaissable que par quelqu'un qui possède un compte en banque. Il peut être présenté à n'importe quelle banque à condition que le preneur ait un compte dans cette banque. C'est cette dernière qui se charge de l'encaissement et le porte au compte de son client après encaissement.

Le chèque postal. ― Toute personne peut faire ouvrir à son nom un compte à la Poste. Celle-ci se charge alors des paiements ou encaissements pour le titulaire de ce compte, à condition, toutefois, que le dépôt garantisse les opérations. Il y a le chèque nominatif qui permet de prélever de l'argent pour soi même. Le chèque d'assignation qui permet les paiements aux tiers. Le chèque de virement qui est utilisé quand le débiteur et le créancier ont chacun un compte postal. Le dépôt de garantie est de 5 francs.

Le chèque-contribution. ― Est utilisé pour le paiement des impôts et par avance. Il permet aux contribuables qui utilisent ce mode de paiement de bénéficier d'une certaine exonération dans certaines conditions.

Chèque sans provision. ― Il y a, enfin, le chèque sans provision. Il est de plus en plus utilisé par les débiteurs pressés par les créanciers ; les fils de famille, dont le disponible est englouti, n'hésitent pas non plus à utiliser le chèque sans provision. L'émission du chèque sans provision est sanctionnée par la loi bourgeoise. Comme toujours, le fils de famille s'en tire à bon compte, et le pauvre diable est fortement condamné.

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Les banques se classent en trois catégories : les grandes, les petites, les moyennes.

Toutes sont unies entre elles nationalement, les petites et les moyennes sont généralement des banques régionales qui, réunies en Cartels, accaparent toutes les opérations dans des régions déterminées, tout en laissant aux grandes banques leur rôle particulier.

Les grandes banques, elles, en raison même du caractère de leurs transactions, de l'étendue et de la diversité de leurs intérêts, sont unies entre elles nationalement et internationalement. Elles ont des succursales ou des correspondants dans tous les pays de la terre.

Si les banques étaient restées dans leur rôle essentiel, c'est-à-dire des instruments d'échange, de transaction, elles eussent été un système qui a sa place marquée dans le cadre de la société, pour laquelle elles étaient devenues une nécessité, un organisme nécessaire.

Elles ne se sont pas enfermées, et il s'en faut, dans ce rôle. La puissance acquise rapidement par elles les poussa sur le chemin des affaires de spéculations.

Bientôt, elles devinrent, dans chaque pays et dans l'univers entier, les vrais maîtres du Pouvoir. Tenant en main tout l'appareil commercial et industriel, les mines de toutes sortes, ayant domestiqué les grands capitaux du négoce et de l'industrie, elles sont devenues de formidables puissances. Les Parlementaires, ministres, rois, empereurs, présidents de République, ne sont que les exécuteurs de leur volonté. Elles décident de la paix ou de la guerre, suivant leurs intérêts.

Les rois du pétrole, du charbon, du fer, de l'acier, de la conserve ou de l'or sont, en réalité, les banquiers. Ce sont ceux ci qui commandent aux Consortiums, aux Trusts, aux Cartels, aux Konzern, dans tous les pays.

Les concessions pétrolifères du globe sont arrachées à prix d'or par les groupes rivaux. Et lorsqu'il y a conflit aigu entre ces groupes, les banquiers font déclarer la guerre à leurs gouvernants pour assurer la prédominance de leurs intérêts. Les banques sont les facteurs qui dirigent l'impérialisme et exacerbent les nationalismes dont elles tirent profit.

Elles tiennent les gouvernements prisonniers. Elles dominent les États. N'a-t-on pas vu, à Londres, lorsque fut établi le fameux plan Dawes, les banquiers anglais et américains imposer toutes leurs volontés aux gouvernants et ceux-ci se courber sous le joug ? Elles commandent la presse et font l'opinion.

Aux colonies, elles jouent un rôle prépondérant. Il n'est pas un conflit colonial qui ne soit l'œuvre d'un groupe bancaire ou le résultat de l'antagonisme de groupes rivaux qui ont en vue d'accaparer les richesses des pays visés, d'y bénéficier de monopoles, d'exploiter gens et choses, d'y conquérir un droit exclusif d'émission.

Le conflit actuel du Maroc met en lumière le rôle joué par les groupes français, américains et espagnols qui se disputent, avec la suprématie territoriale, la possession des richesses immenses que renferment les montagnes du Riff.

Partout, en toute occasion, on trouve à l'origine des conflits entre peuples des banques. On les trouve aussi dans chaque pays, à l'origine de tous les conflits sociaux. Elles soudoient et paient sans compter pour empêcher la réalisation des améliorations que les Pouvoirs publics sont contraints de faire sous la poussée des ouvriers, parce que l'évolution les y oblige.

Il n'est pas, non plus, un scandale où ne se trouvent une ou plusieurs banques. Entre elles, elles se font aussi une guerre sourde. Pour se débarrasser d'un groupe rival, il n'est pas de sacrifices devant lesquels reculera le groupe adverse.

Elles dominent les Bourses des Valeurs et de Commerce. Elles spéculent sur l'argent comme sur le pain. Tout pour elles est matière à profits, à combinaisons.

La finance domine le monde. Elle le domestique, l'asservit à sa loi. Ce règne marque d'ailleurs le dernier stade de l'évolution capitaliste. C'est de l'excès des Banques, des guerres qu'elles provoqueront, des misères qu'elles engendreront, que sortira la révolution sociale. 

―Pierre BESNARD.