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BARRICADE n. f. (rad. barrique)

Espèce de retranchement, composé de toutes les matières pouvant opposer une résistance : barriques, paniers, sacs remplis de terre, arbres, meubles, etc... Les barricades sont des fortifications improvisées, dont on se sert dans les combats de rue. La possibilité de rencontres entre soldats et émeutiers a amené les militaires à étudier et enseigner toute une science des barricades. Le manuel à l'usage des gradés, des chefs de section, etc..., que l'on se procure facilement dans le commerce sont particulièrement instructifs. La guerre de 1914-18 a permis de mettre au point l'art de disposer des petits sacs remplis de terre, de façon à établir un rempart mettant le combattant à peu près à l'abri des balles. Des matelas protègent aussi parfaitement. Mais ces ouvrages traitent surtout de la stratégie des barricades ; de la façon dont on doit disposer les armes à tir rapide : fusils mitrailleurs et mitrailleuses, afin d'avoir devant soi le champ de tir le plus étendu et de se garantir mutuellement, par des feux croisés, contre l'attaque de l'adversaire.

Destinés à l'armée, ces livres sont étudiés et commentés par les Révolutionnaires sérieux.

Les barricades furent, à l'origine, de simples chaînes qu'on tendait le soir à l'extrémité des rues, à l'heure du couvre-feu ; elles devaient préserver les citadins des voleurs. En 1358, Étienne Marcel, prévôt des marchands, transforma les chaînes des rues en un ensemble de fortifications, destinées non seulement à préserver les bourgeois des voleurs, mais aussi à sauvegarder leurs franchises. Elles leur furent enlevées en 1383 par les ducs d'Anjou, de Bourgogne et de Berri, oncles du roi Charles VI qui les fit déposer au château de Vincennes, d'où les retira Jean Sans Peur pour les restituer aux Parisiens et capter leur confiance. Ils s'en servirent d'ailleurs en 1436 contre la garnison anglaise qui occupait Paris, et la chassèrent. Nous retrouvons, désormais, dans l'histoire, le sens et le caractère actuels des barricades, à chaque mouvement. De moyen défensif au service de la police, elles deviennent un instrument nécessaire de la révolte contre le pouvoir.

En 1588, le 12 mai, Paris se couvre de barricades et chasse Henri III.

Le 26 août 1648, Anne d'Autriche ayant fait arrêter les conseillers Blancmesnil, Charton et Broussel, le peuple de Paris dressa des barricades dont quelques­ unes étaient si hautes ― disent les historiens ― qu'il fallait des échelles pour les franchir, et obtint la libération des conseillers qui avaient eu le seul tort de dire ses vérités à la Régence. Ce mouvement porte dans l'histoire le nom de Première Fronde. Elle fut d'ailleurs suivie peu après de la Deuxième Fronde, qui mit le trône à deux doigts de sa perte.

La Fronde fut un mouvement intéressant en ce sens, que le peuple de Paris dressa les barricades pour des revendications politiques encore mal définies, mais qui annonçaient déjà 1789.

La Grande Révolution, elle, s'accomplit sans barricades, et ce n'est que le 13 Vendémiaire, sous le Directoire, qu'on les vit se dresser dans le quartier Saint­ Honoré et de l'Église Saint-Roch. C'étaient les royalistes insurgés sous le commandement du général Darrican et qui furent foudroyés par l'artillerie républicaine que dirigeait le jeune Bonaparte.

Les 27, 28 et 29 juillet 1830, des barricades se dressent dans tout Paris ; les insurgés, après avoir battu les Suisses, pénètrent au Louvre et aux Tuileries. Le peuple y était déjà entré le 10 août 1792, il devait y entrer en février 1848 et en septembre 1870 ; chacune de ces visites fut la chute d'une monarchie. Les journées des 27, 28, 29 juillet 1830 portent dans l'histoire le nom des « Trois glorieuses ».

Sous Louis-Philippe, les barricades s'élèvent à maintes reprises pour protester contre la royauté, et le 24 février 1848, le roi abdiquait. La République fut proclamée. Les idées socialistes avaient éclos, le peuple réclamait d'autres droits que ceux fictifs de la Déclaration de 1789. La République eut aussi ses barricades et le Gouvernement Républicain fit mitrailler les ouvriers. « La République est morte », disait Lamennais au lendemain des journées de juin. ― « Je suis navrée, écrivait Georges Sand. Je ne crois plus à l'existence d'une République qui commence par tuer ses prolétaires. »

Des femmes s'étaient battues sur les barricades de juin 1848. Des femmes se battent encore en mai 1871 : 10.000, nous dit Louise Michel, qui en était. Elles avaient leur barricade, et elles moururent fièrement, sous les coups de Galliffet, de Thiers premier président de la 3e République Française.

Dernières en date, les barricades de la Commune furent les plus sanglantes : 35.000 Parisiens massacrés, et les plus belles par l'héroïsme des Communards et la valeur de leurs revendications. 

― A. LAPEYRE.