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BIENFAISANCE n. f. (du latin bene, bien et facere, faire)

Inclination à faire le bien. Action de faire du bien à quelqu'un. La pratique du bien. L'habitude de faire le bien. Vertu qui nous porte à venir en aide à notre prochain. L'homme bienfaisant est celui qui, par ses conseils, ses encouragement, son soutien ou son argent, se porte au secours de ses semblables. Le mot bienfaisance se confond généralement avec les mots Charité et Philanthropie. Les œuvres dites de bienfaisance ont, en effet, la même origine, les mêmes caractères et le même but que les œuvres dites de charité et de philanthropie. Ce que j'ai dit de l'Assistance (voir ce mot) pourrait être répété ici ; car, tout comme l'Assistance, la Charité et la Philanthropie, la Bienfaisance, dans notre milieu social où la misère abonde, n'est, le plus souvent, qu'un cynique calcul ou une abominable hypocrisie : calcul, de la part de ceux qui, riches à millions, donnent ostensiblement quelques centaines de mille francs pour garder leurs richesses et apaiser les justes colères que peut faire gronder chez les pauvres l'insolent étalage de leur luxe ; calcul, de la part de ceux qui, propriétaires endurcis, patrons sans entrailles, financiers et commerçants sans scrupules, achètent à bon marché, pour quelques aumônes bruyamment distribuées, une réputation imméritée de générosité et s'entourent de l'auréole de la bonté ; calcul, chez ceux qui, au cours des rigoureux hivers, sortent de leurs appartements bien chauds, s'emmitouflent de fourrures et, dans des autos confortablement capitonnées et douillettement chauffées, gagnent un lieu de plaisir où ils s'amusent, jouent, flirtent, dansent et soupent jusqu'au matin, donnant à leur amour du jeu, du jazz-band, de la galanterie et de la bonne chère, une apparence de commisération pour les infortunés qui ne savent où reposer leur tête et à qui ils se garderaient bien d'offrir un refuge ; calcul encore, chez ceux qui, croyants ou incroyants, réactionnaires ou démocrates, font de la bienfaisance un des instruments les meilleurs et un des plus fermes soutiens de leur influence politique et morale ; calcul, enfin, chez ceux qui, sous le couvert d'une foule d'œuvres de bienfaisance et de secours, recueillent des êtres sans asile, sans travail, sans pitance, leur fournissent du pain et un gîte en échange d'un travail souvent excessif et, sous le masque d'une honorable philanthropie, réalisent ainsi des bénéfices sur le dos, déjà voûté par le malheur, des meurtris de l'existence.

La véritable bienfaisance fuit ces hypocrisies et ces calculs. Elle n'use pas de ces pratiques ; elle a mille moyens de s'exercer utilement, de façon discrète et désintéressée. Sans qu'il lui soit nécessaire de les chercher, l'être bienfaisant trouve mille et mille occasions de secourir, de seconder ses semblables. Une bonne parole, un geste affectueux, un sage conseil, un encouragement opportun, sont parfois plus secourables et plus efficaces qu'une aumône ; et lorsque cet encouragement, ce conseil, ce geste, cette parole accompagnent le secours en argent, ils donnent à celui-ci un prix inestimable. C'est sous ces formes multiples, que le cœur suggère et multiplie, que se manifestera, dans une société libertaire, la propension à faire le bien, c'est-à-dire à se porter au secours des faibles, des malades, des éprouvés, afin de leur prodiguer l'appui, les soins et les consolations dont ils auront besoin.

Il est vrai que bienfaisance, charité, aumône, philanthropie seront, alors, des expressions ayant une toute autre signification et que tous les sentiments et gestes qu'inspirent aujourd'hui le dénuement matériel et la détresse morale de nos semblables ne trouveront à s'appliquer qu'aux vicissitudes et adversités inhérentes à la nature. Les formes actuelles de la bienfaisance auront disparu ; elles seront remplacées par celles, autrement nobles, de la solidarité. 

― SÉBASTIEN FAURE.