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BOIS 

Préhistorique et dans l'ancienne Égypte. ― La chose commune végétale que l'on dénomme le bois est la structure qui compose surtout l'arbre, il en est la partie dure et fibreuse. Nous ne traiterons pas ici ce sujet dans ses nombreux détails scientifiques, végétation, flore, etc.

Ce qui nous intéresse, c'est le travail du bois dans l'évolution de notre espèce animale et comment les humains des premières époques l'employèrent.

De très fortes civilisations précédèrent celles de l'Égypte, mais pour l'énumération technique des choses en bois nous sommes obligés, faute de documents, de ne point parler de l'Inde et de la Chine, où de puissantes civilisations existèrent. De ce qui se fit en bois dans ces pays rien ne nous reste, c'est le vague des siècles trop reculés ; tandis que des documents en pierre, que le temps n'a pas détruits, ornent les musées et attestent de grandes sociétés de travailleurs et d'importantes agglomérations d'individus.

Par le peu de vestiges qui nous restent, il est difficile de préciser les premiers objets en bois, dont nos ancêtres firent usage. Le primitif de l'Asie logeait dans les cavernes et dans le tronc des gros arbres il était en luttes continuelles contre les animaux et les intempéries de la nature. Il chercha d'abord à s'abriter et à se garantir. Nomade, il n'avait pas besoin de meubles ; fatigué, il s'asseyait à terre ; s'il voulait un lit moelleux, il le faisait avec des herbes séchées et des peaux d'animaux qui furent aussi ses premiers vêtements. Sa nourriture consistait surtout en végétaux, herbes, racines, fruits, plus tard en poissons et gibiers. Les premiers abris étaient des arbustes que ces primitifs réunissaient en faisceaux qu'ils recouvraient de branchages et de peaux de bêtes.

Si on possède des documents en granit, en pierre et et marbre sur les premiers âges de l'homme constructeur, il n'en est pas de même des choses faites en bois. Le bois pourrit à l'humidité, se ronge et tombe en poussière sous l'action de l'air, de la pluie et du soleil.

Avant de parler des premiers travaux en bois, il est nécessaire, d'examiner avec quels instruments ils furent exécutés. Procédons par quelques utiles descriptions : le premier âge de la pierre est l'époque que l'on nomme paléolithique, parce que les documents que nous possédons de ce temps ont été trouvés et découverts dans les alluvions des rivières.

L'homme vivait alors avec des animaux dont les espèces sont éteintes comme le mammouth, et peut-être aussi avec le tigre des cavernes également disparu. Il se nourrissait de végétaux, de pêche et de chasse, son instinct le poussa à se munir d'outils en pierre, en os et en corne. Les outils très bruts de cette époque étaient des éclats de silex cassés, dont on se servait à la pointe et au tranchant pour tailler des os ou du bois, pour faire des flèches, des harpons et pour couper les peaux d'animaux. Dans l'époque qui suit, qui est l'âge néolithique, c'est-à-dire la période récente de l'âge de la pierre, les outils sont, suivant les nécessités, des éclats ou des silex entiers, qui sont pointés, aplanis, ou percés d'un trou de part en part, pour y mettre un manche et pour servir de hache. Les silex sont façonnés en outils par l'usure, autrement dit par un ponçage ; c'est la pierre dite polie.

À la fin de cette période, l'homme devient constructeur ; certaines cités lacustres, entre autres celle de Robenthausen dans le canton de Zurich, datent de l'époque néolithique. C'est pour se préserver des animaux féroces que l'homme enfonça des pieux en bois dans un lac. Sur ces pilotis il mettait un plancher rudimentaire avec des petits arbres qu'il couchait et attachait avec des branches, se trouvant de cette manière préservé des animaux terrestres. Ce fut l'origine de la pirogue qui était un gros arbre creusé. Quand notre lointain aïeul prit en main une pierre pour creuser le roc et s'y abriter, dès ce moment il sortait de l'animalité instinctive et commença à penser. Avec ses seules ressources physiques, il satisfit d'abord aux nécessités matérielles et instinctives de son animalité ; avec l'outil, il prit le goût moral et intellectuel.

On constate que l'homme vraiment animal est très antérieur à la période paléolithique de l'âge de la pierre, car de ce temps, nous le répétons, nous avons des outils qui furent trouvés un peu partout, et partout relativement identiques. Ce qui prouve que les peuplades migraient d'un endroit à un autre. On en découvrit dans les grottes de Kent près Torquay, dans celles de Creswell Crags et à Torbryan en Angleterre ; on en découvrit en Espagne, en France à Saint-Archeul près d'Amiens, dans les grottes du lit de la Vézère dans la Dordogne, dans les cavernes de Bruniquel dans l'Aveyron ; en Belgique, en Syrie, en Palestine, en Égypte, etc. Les outils primitifs servirent à travailler la pierre, le bois, la corne et l'ivoire. Ils s'obtenaient en cassant dans le sens de la longueur de gros galets de silex ; suivant la façon de les briser on obtenait des outils ou longs, ou plats, ou de toutes autres formes, offrant toujours des angles très aigus. Encore très bruts à l'époque paléolithique, ces outils se tenaient dans la main pour taillader un arbre en creux, pour faire une barque, pour aplanir des branches qui servaient de rames ; on s'en servait également pour creuser un rocher ou un gros arbre pour s'y abriter. Dans la seconde époque de l'âge de la pierre, dans celle dite néolithique, les mêmes outils sont moins rugueux, mieux façonnés et polis, ils s'adaptent mieux dans la main. Outre ceux de silex, il y en eut en cristal de roche, en corne et en ivoire. Il est intéressant de passer en revue cet outillage primitif, bien antérieur aux anciennes dynasties égyptiennes qui sont de l'âge de bronze ; il nous faut les décrire avant d'en arriver aux travaux en bois des égyptiens.

Les outils de l'âge de la pierre peuvent se diviser ainsi :

1° Pierres dans la main, dans le poignet. 2° Pierres emmanchées dans des cornes (bois de cerf). 3° Pierres attachées et liées à des branches coupées. 4° Pierres percées emmanchées de bois. Les premières ont une forme qui s'ajustait dans la paume de la main et qui se terminait par une partie coupante et plate, quelquefois pointue, suivant les travaux auxquels on les affectait. Elles mesuraient de 10 à 15 centimètres de longueur, sur 6 ou 7 de largeur et environ 3 d'épaisseur ; elles tranchaient ou coupaient, c'étaient les ciseaux primitifs. De ces périodes, nous voyons le harpon qui était arrangé aussi en scie. Il était composé d'un éclat de silex de 10 à 18 centimètres de longueur, mince d'un demi centimètre ; l'angle aigu est denté par des cassures successives très régulières. Un autre morceau de silex comme le précédent non denté était le couteau. Le canif plus fin était fait de morceaux cassés quelquefois à un ou deux millimètres d'épaisseur et plus court que le couteau. La hache était de silex ou de granit, plus longue que les autres outils, plus large au tranchant, elle se tenait à poignée et non dans la paume de la main. Le burin était une brisure de silex très effilée devant servir de pointe pour piquer les peaux, comme l'alêne du cordonnier ; il servait aussi à tracer et à graver. Les pierres emmanchées dans des cornes, c'est-à-dire dans les bois du renne ou du cerf, jouèrent un grand rôle dans l'outillage néolithique, ce fut l'innovation des manches adaptés à l'outil en pierre. Des bois de cerfs très curieux furent découverts dans la vase des lacs suisses, de Neuchâtel, de Bienne, de Constance, etc. Dans la partie la plus grosse du bois, celle qui est la plus proche de la tête, on enfonçait le morceau de silex qui servait de hache ; quand il s'employait comme hache, le bois était percé d'un trou cylindrique pour recevoir un manche fait d'une branche d'arbre. Avec la hache on équarrissait ou creusait le bois, la pierre, etc. La grosse partie du bois de cerf était employée pour les haches. Les pics à roc et les marteaux avaient à peu près la même monture composée des trois pièces : le manche, le bois de cerf et le silex. Les ciseaux sont emmanchés dans des sections du bois animal, longues de 5 à 7 centimètres. Plus tard, ces mêmes sections sont percées d'un trou comme pour la hache, emmanchées perpendiculairement d'une branche. On en a trouvé de toutes les formes, avec des silex pointus, à biseaux, etc. Dans des bois, le silex est attaché avec des lisières ou des lanières de peaux, des cordes et des herbes, certains y sont scellés avec un mortier spécial. On possède quelques objets de bois de cerf ; pris aux extrémités, dans la partie pleine, ils sont percés d'un trou et traversés d'un manche. Ici, remarquons que le bois ou corne généralement effilé sert lui-même d'outil ; on suppose que c'était pour travailler des matières plus tendres que le bois végétal et la pierre, peut-être pour creuser la terre. Les bois de cerf, étant très durs, ont pu être usagés pour des bois mous.

De ces époques on a des os d'animaux, effilés et biseautés qui servirent de burins, de ciseaux, de gouges creuses, de pointes à tracer, etc. Il en existe dans la collection du British-Museum, à Londres, qui ont la finesse des aiguilles à laine ; percées d'un trou ce sont les plus anciens documents qui servirent à coudre et à tisser. De petits morceaux de bois du cerf, montés avec de petits silex, étaient faits pour se tenir dans la main ; quelques uns ont déjà l'aspect des manches des sculpteurs actuels.

Il y eut encore une autre manière de fixer le silex comme petite hache et comme marteau : une branche d'arbre dont le bois est flexible était fendue en deux, les deux extrémités d'une de ces parties étaient ramenées ensemble à joindre à plat, on mettait le morceau de silex dans la partie ployée que l'on serrait très fortement avec des cordes et très près de la pierre. Un autre mode se pratiquait avec des branches coupées et seulement un peu fendues dans un bout, où on intercalait le silex il était encore serré avec des cordes ou des lisières de peaux. Notons aussi quelques curieux silex plats attachés par le même procédé, mais dans la section d'une autre branche et presque toujours à 90 degrés. Cet outil qui servait à planir, ressemble à l'herminette des charpentiers actuels. Enfin, il y eut la pierre percée pour recevoir un manche de bois. En granit ou en silex, elle a toutes les formes des outils pour façonner le bois, la pierre et plus tard le bronze. En plus gros elle ressemble au marteau moderne, à la masse du sculpteur, du forgeron ; certaines ont une partie tranchante ou pointue ou en fermoir, etc. C'est l'âge de la pierre polie perfectionnée.

En bois, rien ne nous reste nous montrant ce que l'on pouvait faire avec les outils en pierre de la période paléolithique ; tout au plus de la période néolithique a-t-on découvert des troncs d'arbres et des morceaux de bois pétrifiés qui attestent qu'ils furent taillés à la hache ; les coups portés le prouvent de toute évidence. De cette période, dans les gisements ossifères de la Madeleine dans la Dordogne, on découvrit de l'ivoire, des os et des cornes ou bois de bêtes, sculptés et gravés primitivement ; un de ces morceaux d'ivoire, très bien conservé mesure 20 centimètres de long sur 10 de large et 3 d'épaisseur ; il est gravé d'un dessin représentant un mammouth, ce dessin qui n'accuse que la ligne du contour est régulier et sans rature ; par la rectitude de la ligne je crois pouvoir affirmer qu'Il fut exécuté en poussant le tranchant du silex plutôt qu'en grattant.

Dans le même lieu, on mit à jour des cornes sculptées de torsades et des os gravés représentant des chevaux ; ailleurs, on découvrit des pierres sphériques, de la grosseur d'une noisette, percées d'un trou ; elles durent servir de colliers, certainement les outils qui percèrent ces pierres percèrent aussi le bois, mais le bois est pourri et la pierre nous reste. À Bruniquel, dans l' Aveyron on trouva encore des pierres et des os gravés de dessins représentant des cerfs et des vaches ; on en trouva aussi dans les Pyrénées à Aurensan ; de même, certaines pierres des dolmens du Morbihan étaient gravées ; des manches trouvés au Dahomey sont sculptés en relief de figures fantaisistes. On peut dire en pleine sûreté qu'avec les outils en pierre on fit déjà des peignes en os ; des os sont taillés pour servir de flèches ; de petits silex sont effilés pour les pointes des lances, pour des harpons de pêcheurs en os et en pierre, quelques-uns sont finement exécutés. De même, avec les outils en pierre, on effila et perça des os qui servirent d'aiguilles. Des poteries de ces époques ont aussi été découvertes ; par leurs saillies, elles laissent penser que leurs moules furent sculptés et gravés. Les outils de pierre servirent à creuser les premiers moules dans lesquels on coula ceux en bronze que nous verrons ensuite.

Les outils en bronze nous font entrer dans le néo-développement de l'art et au commencement de celui de l'humanité dans le domaine de la science. Dans la période du bronze, ce métal ne donnant pas toujours la résistance nécessaire, on continua à se servir simultanément des outils en pierre et en bronze. Au début le cuivre fut employé pur, plus tard on lui allia l'étain pour obtenir plus de rigidité. Des objets et des outils en bronze furent découverts à Jubbelpore et dans la vallée de l'Indus, dans les tumulus de Nilgiri (Sud des Indes), à Gungéria (Indes centrales), en Égypte, en Chine, en Perse, en Grèce, au Cambodge, à Java, un peu dans toute l'Europe, surtout dans les lacs de la Suisse.

On se servit donc usuellement des premiers outils en bronze comme de ceux en pierre. Ce fut d'abord le simple morceau de cuivre biseauté d'un bout qui se tient dans la main, ils furent de tous les modèles, à plat comme le ciseau, épais comme le bédane, étroits comme le burin, etc. Les formes plates étaient les plus communes, elles s'utilisaient à la fois en se tenant dans la main, comme hache, ciseau ou herminette ; elles mesuraient en moyenne 10 centimètres de long, 5 de large et 6 à 10 millimètres d'épaisseur. Puis, il y en eut dont la tige avait de 40 à 50 centimètres de longueur et qui se tenaient à deux mains ; c'est la figure primitive de la bisaïque aiguisée d'un seul bout. Plus tard, au lieu de tenir le métal dans la main, on l'attacha et on l'entailla à l'extrémité d'un morceau de bois ; il servit ainsi aux mêmes usages, mais avec plus de facilité ; avec le bronze on retrouve des manches semblables à ceux de la pierre. Vinrent ensuite les manches en bois ; le couteau entrait dans un manche, le même couteau denté servait de scie, le manche avait une petite courbure pour en faciliter l'usage. Le ciseau en bronze était pareillement emmanché dans du bois, mais aucune buttée n'existait à la tige pour l'empêcher de s'enfoncer dans le manche. Une forme nouvelle appliquée aux gouges, le bois du manche entrait dans l'outil et s'y trouvait virolé comme les gros ciseaux actuels.

Beaucoup d'outils en bronze étaient percés d'un trou dans lequel s'enfonçait le manche comme à nos marteaux. En Grèce, on découvrit des haches et des serpes percées d'un trou ; une scie en bronze trouvée dans l'Ile de Chypre est entrée dans le bois et rivée comme nos égoïnes ; en Espagne, on découvrit, presque pulvérisée, une lame de scie en bronze ; en Sibérie et en Chine on mit à jour des couteaux faits d'une seule pièce de bronze. De tous les outils fondus dans des moules en pierre, le plus curieux c'est la hache à ailerons qui fut fondue dans des moules à coquilles. L'une d'elles a été trouvée dans le lac de Bienne, d'autres ont été découvertes dans divers endroits, dans les lacs de Bienne, de Neuchâtel et du Bourget, dans la vallée de la Meuse, en Belgique, au Danemark, etc. Dans le type moyen de la hache à ailerons, une extrémité est à biseau tranchant, l'autre ronde en goutte de suif ; au milieu sont deux ailettes assez minces pour se reployer sur le manche que l'on consolidait avec des fils de bronze ; un petit anneau sous la tête de la hache permettait de l'attacher au manche en faisant un triangle qui solidifiait l'outil ; c'est le spécimen le plus intéressant des outils préhistoriques en bronze. D'autres haches, avec le bout tranchant, avaient une buttée qui s'entaillait dans le manche et étaient retenues avec des fils en bronze, c'est la hache celtique que l'on trouva dans l'Isère, en Suisse, aux Pays-Bas, en Irlande, etc.

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Avec la période du bronze, nous entrons dans cette Égypte qui fut le berceau de l'art et des premières connaissances scientifiques dont nous constatons l'existence. Nous précédons encore de 4.000 ans l'ère chrétienne. Déjà, les outils en bronze prennent toutes les formes, les ciseaux et les gouges sont des tiges fondues avec, au tranchant, le pas désiré : creux, rond, plat, en héron, en burin, etc. Afin de supporter le choc du maillet quelques tiges sont renflées à la tête. D'après les collections, on voit la plupart des outils emmanchés dans un bois arrondi ressemblant aux manches modernes. Des ciseaux, il en est de larges, d'étroits et en bédanes ; il en est de même du poinçon effilé qui était la pointe à tracer ; la vrille affutée en grain d'orge grattait pour percer. On trouva en Égypte une vrille en bronze dite « queue de cochon » ; elle est sans doute le type original dés mèches du même nom que nous avons aujourd'hui en acier ; il est probable que cette dernière vrille ne fut pas très utilisée, le bronze ne conservant pas sa rigidité. Ce qui porte à conclure que la vrille à grain d'orge fut couramment employée pour percer le bois. On ne constate pas encore l'emploi de l'archet, ni d'un autre vilebrequin ; c'est ainsi que la vrille avait un manche en bois. Deux sortes de haches furent en usage dans l'ancienne Égypte : la hache commune et l'herminette, qui étaient des morceaux de bronze plats assujettis dans des branches et attachés avec des lianes ; la scie ressemble en tous points à celle déjà décrite. Le British-Museum possède aussi deux maillets en bois qui datent de 3.700 à 3.600 avant J.-C. ; l'un servit aux tailleurs et aux sculpteurs de pierres, l'autre à notre aïeul le charpentier. Le maillet et le manche ne sont qu'un seul morceau pris dans la masse, la forme est circulaire et l'usure produite autour par les chocs donnés sur l'outil prouve que l'ouvrier frappait plus sur le bronze que sur le manche en bois. On présume que c'est le type original du maillet en bois avec masse et manche.

Pour les outils arrêtons-nous là et continuons par la description des objets et des meubles des dynastie égyptiennes, commençant par l'ancien empire qui eut son centre sur les bords du Nil vers Memphis, où furent construites les premières pyramides dans lesquelles on retrouve beaucoup d'objets de cette époque.

La civilisation s'accentuant, les égyptiens remontèrent le fleuve, et le moyen empire eut son centre vers Thèbes. On y découvrit l'obélisque qui est sur la place de la Concorde à Paris et celui qui est sur le quai à Londres. (Travail d'ensemble, beau à sa source et dans son climat ; que la civilisation meurtrière des européens emporte de force pour le mettre par morceau isolé, comme un chien dans un jeu de quilles, sur une place moderne d'un tout autre style). À Thèbes on mit à jour des palais et des tombeaux des rois du genre artistique égyptien qui aujourd'hui étonne notre imagination, on découvrit des trônes et des sièges en bois incrustés de bronze et d'ivoire.

Enfin, le nouvel empire qui fut celui de la décadence de ce grand pays fut centralisé dans le delta formé par l'embouchure du Nil.

On comparera combien notre pauvre société est relativement en retard, en voyant où en étaient arrivés les égyptiens adorateurs du Soleil, ce qui n'était pas inférieur à l'adoration d'un dieu suprême, et puisse cette description faire sentir à/chacun l'amour qUI) nous ressentirons pour le grand et le beau, quand nous ne voudrons plus être des esclaves.

Dans l'antiquité, les métiers se classifiaient suivant les matériaux : il y eut ceux du bois, les restes que nous possédons le prouvent ; ceux de la pierre, du granit ,du marbre, des métaux, de la terre ; enfin les pasteurs, les chasseurs et les guerriers. Les plus vieux documents en bois que nous possédons ont été retrouvés dans de grands sarcophages en marbre et en granit dans lesquels on ensevelissait les rois et les grands ; au-dessus, s'élevaient de gigantesques monuments, sous lesquels nos modernes archéologues ont découvert, assez bien conservés, beaucoup d'objets qui témoignent, un développement artistique très marqué. Quand un haut personnage mourait, on l'embaumait, puis on l'enroulait fortement avec des bandes de toile qui atteignaient pour une seule momie jusqu'à 350 mètres de longueur sur 12 centimètres de largeur ; ainsi bandé, on l'enduisait de bitume, de gomme et de carbonate de soude ; cet ensemble formait une cristallisation qui empêchait la perméabilité. Cette opération terminée, la momie était couchée sur le dos, et l'ouvrier du bois apparaissait pour exécuter la bière, coffre ou cercueil. Il commençait par découper les calibres des contours afin que la momie entrât dans le coffre comme dans une gaine. L'extrémité du coffre, avec les galbes atténués, avait à peu près le contours de l'intérieur. Ce premier coffre était placé dans un autre plus grand, plus rectiligne et mieux décoré ; ensuite il était mis dans un sarcophage en granit comme on en voit au Louvre et dans différents musées.

Enfin le tout était transporté dans un caveau définitif sur lequel les égyptiens élevèrent des monuments comme les pyramides, qui aujourd'hui défient encore le temps. Un des plus antiques coffres de ce genre est à Londres, au British-Muséum. Il fut découvert en 1837 sous la troisième pyramide à Gizeh j il contenait les restes de Mem-Kau-Rà ou Mycérinus, roi d'Égypte, il date de la IVe dynastie (3633 avant J.-C.). Pour comble de malheur le navire anglais qui transportait ces précieux restes, essuya une tempête et perdit plusieurs morceaux ; le sarcophage en granit et des parties de la momie furent perdus en mer. Mais par les portions du tour et du dessus on peut aisément reconstituer et décrire le coffre. Les courbes des, côtés et les galbes du couvercle accusent le chantournement de la momie décrite ci-dessus. Le bois, qui parait être du sapin, a une moyenne de 3 à 5 centimètres d'épaisseur. La partie de la tête du coffre est assemblée par des queues d'aronde, qui après le montage furent chevillées en biais. La partie des pieds est en feuillure dans les côtés et tenue par des chevilles en sens contrariés. Le couvercle est mis sur la boîte, guidé par des clés ou faux-tenons carrés ajustés dans les mortaises ; le scellement est fait par des chevilles qui traversent en biais du dessus aux côtés. La partie supérieure du couvercle donne les saillies de la tête, des seins et des pieds. Les saillies sont des morceaux rapportés comme nos collages mais, au lieu de colle, ils sont tenus avec des chevilles en sens opposés. L'endroit rond presque uni, des seins aux pieds, est gravé d'écritures régulières franchement coupées, des savants en donnent la traduction : « Osiris, roi du Nord au Sud, Mem-Kau­ Rà vivant pour toujours, etc ».

Le bois de tout le coffre fut réglé à la gouge et au ciseau en bronze et aussi avec les outils en pierre. Il est d'une régularité qui dénote d'habiles ouvriers, qui connaissaient comme on vient de le voir les assemblages à queues, à clés et à chevilles. Il faut constater que l'évidement des mortaises est très net. De même que, pour percer les trous à chevilles de 10 à 15 centimètres de profondeur sur 7 à 8 millimètres de diamètre, ils utilisaient de bonnes mèches. Un magnifique coffre rectangulaire qui fut construit entre 3.500 et 2.500 ans avant l'ère chrétienne, va de suite donner une idée sur le travail du bois à ces époques. Il fut rapporté de Thèbes, il est long de deux mètres, large de 65 centimètres, haut de 80, l'épaisseur est de 9 centimètres en bois de sapin. Les quatre côtés sont faits chacun de deux morceaux assemblés à plats-joints, tenus par des clés en mortaises, chevillées au travers. Sur champ, les angles sont coupés à l'onglet jusqu'à environ trois centimètres du dessus afin de laisser un flottage qui est arasé sur les parties des bouts ; le flottage est percé d'un trou qui traverse jusqu'à la queue, dans lequel est enfoncée une cheville verticale qui maintient les onglets. Sur la hauteur à 45° c'est-à-dire perpendiculairement à l'onglet, cinq trous à chevilles traversent de part en part pour consolider ; les chevilles ont 15 millimètres de diamètre. Le fond mis dans une feuillure intérieure est tenu par des chevilles qui traversent perpendiculairement les côtés. Le dessus fait en deux morceaux, parfaitement plan et d'épaisseur, est consolidé par deux tasseaux intérieurs, chevillés en biais contrariés ; ils forment arrêts en longueur et en largeur quand le dessus est sur le coffre. Pour clore le tout, d'autres chevilles traversent les extrémités du coffre et pénètrent dans les tasseaux. Avant d'être monté, l'intérieur fut complètement gravé d'une magnifique écriture. L'extérieur est couvert par des caractères hiéroglyphiques ; deux yeux de double grandeur que nature sont incrustés sur le dessus ; par sa conservation, le blanc de l'œil paraît être en ivoire ; au centre la pupille est en bois noir ou en corne. C'est peut-être dans le bois, les premières incrustations et une manifestation de marquette rie ; enfin c'est le plus antique document incrusté.

À part les écritures, jusqu'ici les formes des objets en bois n'ont pas encore la tournure du style égyptien, ce n'est que dans un millier d'années que l'on verra des sarcophages, des sièges, des trônes, etc., ayant un caractère original, quand il s'affirme comme art et que, comme école, il impose pour les mêmes objets de semblables dispositions de goût. Après, l'art est flegmatique, parce qu'il s'est trop reposé sur quelque chose qui fut bien, mais qui n'est pas l'idéale perfection (vers laquelle on doit toujours se diriger sans jamais l'atteindre; néanmoins c'est la seule route de la Vérité et du Bonheur).

Le châtaignier fut beaucoup employé dans les coffres égyptiens. Il existe, au British-Muséum, une statue en bois de chêne ou de châtaignier de demi grandeur naturelle ; elle fut trouvée dans le caveau d'une tombe de la IVe dynastie (3.700 ans av. J.-C.). D'après les écrits, elle représente le maire de Sakkara, ville au Sud de Memphis. Le physique de la figure n'a rien du type égyptien. Son modelé indique que l'ouvrier du bois qui la tailla était un artiste savant. A part sa vétusté cette statue passerait facilement pour avoir été faite de nos jours. Si nous pensons aux outils de pierre et de bronze d'alors, on conçoit qu'il fallut beaucoup de temps pour mettre au point et finir un aussi fort bloc de bois.

De l'ancien empire, c'est-à-dire jusqu'à 2.466 ans avant J.-C., les coffres ou cercueils se ressemblaient en dessin et en assemblage, seules les épaisseurs des bois varient suivant le rang des personnages à y placer. Ainsi, récemment, le président Carnot, Léon le treizième, et d'autres furent vidés de leurs tripes et embaumés, puis mis dans des cercueils en plomb et dans un autre en chêne décoré pompeusement. Voilà bien une preuve que nous n'avons guère progressé depuis 4.500 ans. Les égyptiens adoraient le Soleil et un grand nombre d'européens adorent un bonhomme tout nu, sculpté, et fixé sur deux bouts de bois.

Dans les dynasties qui suivirent, on employa le platane, le châtaignier, le chêne, le marronnier, le sapin, le sycomore, bois à la fois solides et imperméables. Deux curieux coffres qui datent de 2.600 et 2.500 ans avant J.-C. sont construits de deux uniques pièces de bois ; une partie est le dessous, l'autre est le dessus. Un plat-joint est au milieu, les deux parties sont assemblées avec des clés ou faux-tenons de chaque côté. L'un de ces cercueils a reçu les restes du roi An-Antef. La partie inférieure est creusée intérieurement d'après le se contours de la momie, arrangée et bandée comme il a déjà été dit. L'extérieur aux courbes plus allongées conserve le découpé de l'intérieur. Le dessus qui forme couvercle affleure le dessous, creusé aussi en dedans de toutes les saillies de la face du corps momifié. La partie supérieure du dessus est régulièrement sculptée et réglée. La tête rend, en bois, la première conception du type adopté pour les sphinx : large front, grands yeux qui sont ici des incrustations d'ivoire, de bois noir ou de pierres pour les prunelles ; lèvres à arrêtes marquées, grandes oreilles, coiffure carrée au-dessus avec revers qui descendent sur les épaules et sur la poitrine ; la partie du corps moins détaillée a le contour d'un demi cylindre qui va diminuant jusqu'aux pieds qui accusent une très forte saillie. La gravure représentant des oiseaux et d'autres signes a jusqu'à cinq millimètres de profondeur ; le tout est recouvert par une claire couche de goudron, ensuite des peintures très vives en rouge, bleu, blanc, jaune et du doré finissent la décoration intérieure et extérieure. Les couleurs sont pures, unies, l'on n'y voit pas d'ombres ; les dessins sont réguliers et ont tous une signification. La dorure qui recouvre et qui tient encore en beaucoup de places non désagrégées, a un ton beau et éclatant. Ne voulant pas sortir de notre sujet, on ne traversera pas l'isthme pour mentionner de nombreuses petites statuettes en bronze de Babylone en Chaldée, représentant des rois et des hauts dignitaires ; notons les en passant car elles datent de 3.200 à 3.300 avant J.-C:, et intéressent les fondeurs, ciseleurs et monteurs en bronze qui verront que leur métier existait à ces époques. Le bronze, l'ivoire, le bois, les pierres servaient à l'ornementation et furent travaillées par les mêmes artisans qui n'étaient pas spécialisés et se confondaient. Les égyptiens façonnèrent de belles gaînes funéraires pour divers animaux. Dès les premières dynasties, à Memphis, le bœuf Apis était la divinité animale sacrée ; il était noir et avait au front une tâche blanche triangulaire ; quand il vieillissait on le noyait et il était embaumé comme les rois et les hauts personnages. Le chat, le crocodile et divers animaux furent aussi sacrés pour les égyptiens et avaient des funérailles spéciales. Le plus grand nombre des gaînes de nos musées ont renfermé des chats ; leur aspect est curieux et joli.

L'intérieur a la forme de l'animal assis sur son séant, droit sur les deux pattes de devant et la tête haute. La gaine se sépare au milieu verticalement en deux parties semblables et chacune creusée dans le bois massif. L'extérieur est sculpté d'un chat proportionnellement plus gros de l'épaisseur laissée au bois et qui varie de trois à quatre centimètres. Les yeux sont souvent des incrustations d'ivoire et de pierres ou diamants transparents. Le tout est laqué en couleurs et en dorure. Ce travail de l'ouvrier du bois exigeait des gouges coudées pour le creusement intérieur. De même que pour les cercueils, la jointure est à clés chevillées au travers de chaque partie.

Au moyen empire, on trouve dans les cercueils des blocs en bois qui servirent d'oreillers pour les têtes des momies, ils sont gravés des noms des personnages qui y reposent. Il en est de toutes sortes, les plus anciens sont de petits blocs massifs un peu creusés à la partie supérieure pour y adapter la tête. Plus tard on les construisit en trois pièces : le haut, la tige, le socle, ressemblant un peu aux porte-chapeaux. L'assemblage consiste en un petit tenon à chaque bout de la tige, lequel est chevillé. Quelques autres supports sont d'un seul morceau, le contour est octogonal, rond ou galbé. A la fin du moyen empire vers 1.400 avant J.-C., ils prirent le style égyptien en découpage et en sculpture, puis on en fondit en bronze, ornementés et ciselés. Nous voici aux instruments qui servaient de palettes, porte-pinceaux et godets aux artistes qui peignaient les écrits hiéroglyphiques et les histoires de l'Égypte. La plus ancienne palette connue est du milieu du moyen empire, 1.700 ans avant J.-c., elle est faite d'un seul morceau de bois plat, de 25 centimètres de long, 35 millimètres de large et un centimètre d'épaisseur. Une rainure en sifflet de un centimètre sur un demi de profondeur est pratiquée au milieu pour les pinceaux qui y sont retenus par une barrette qui traverse la rainure au dessus et au milieu de la longueur. En général les palettes sont en bois fin non spongieux, je les suppose en pommier ou en poirier il en est en ivoire et en marbre. De chaque côté de la rainure aux pinceaux, sont creusées des petites cavités ou godets dont le nombre varie de deux à quatorze, suivant le genre de travail du peintre ; quelques palettes sont gravées du nom de l'artiste. J'en ai noté deux qui sont de 1.500 avant J.-c., l'une d'un nommé Ra-Méri, l'autre d'un Pa-aha, Une autre palette en ivoire, gravée, date de 1.300 avant J.-C. La remarque que font les modernes ouvriers du bois, est que ces palettes sont correctement exécutées et qu'aucun éclat n'existe dans le bois. Ce qui veut dire que ceux qui les exécutèrent avaient une grande pratique dans les petits travaux en bois et en ivoire. Les pinceaux sont des fines tiges du papyrus, lequel croit en roseaux sur les bords du Nil. Le papier qui en porte le nom était l'écorce déroulée et préparée. L'extrémité de la tige qui servait de pinceau était brindillée pour sponger la couleur. Les encres et les couleurs étaient surtout des produits végétaux. Des palettes sans godets ne contenaient que les pinceaux, d'autres n'avaient que des godets. Tous ces genres se sont maintenus jusqu'à la fin du dernier empire.

La plupart de ces notes furent prises à Londres, à Bruxelles et à Paris. Quoique incomplète, cette énumération facilitera les camarades avides de savoir, qui visiteront les musées.

Par la suite, le Bois se confondra dans l'historique des métiers de Charpentiers, Huchiers, Menuisiers, Ébénistes, Charrons, etc., et sera continué dans leurs descriptions. 

L. GUÉRINEAU.

P.S. On trouva en Égypte : de 2.600 avant J.-C. une statue en bronze ; de 2.000 à 1.370 des figures et divers objets en bois ; de 1.333 une statue en bois de Ramsès II ; de 1.200 à Thèbes, une porte de tombe en bois ; de 2.000 à 1.200 des objets de toilette, des poupées et des petites cabines de bateaux, des tablettes sépulcrales gravées à la fin du dernier empire, des poulies, des sièges, un trône.

L. G.