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CHAMBRE (LA) n. f. 

Diminutif par lequel on désigne une des deux assemblées législatives. Il y a en France deux Chambres: la Chambre Haute et la Chambre Basse. La Chambre Haute ou Sénat est composée de membres élus au suffrage restreint, et la Chambre Basse, ou Chambre des députés, qui tient ses assises au Palais Bourbon, est composée de membres élus au suffrage universel. Cette assemblée politique a porté, selon les époques, des noms différents. Après les Etats généraux de 1789, elle se dénomma Assemblée nationale, puis Assemblée constituante, ensuite Corps législatif et Chambre des représentants et, en dernier lieu, Chambre des députés. Si, dans les Etats despotiques, le pouvoir législatif appartient au monarque ou au chef du gouvernement; dans les Etats démocratiques le pouvoir appartient aux Chambres législatives. C'est donc à la Chambre des députés et au Sénat qu'incombe la charge de faire les lois. En vertu même des principes qui régissent les démocraties et qui sont puisés dans les domaines de l'illusion, la Chambre ou Parlement (voir Parlement) agit au nom du peuple qu'elle représente et par qui elle est nommée; elle est supposée défendre et soutenir, par l'intermédiaire de ses composants, les désirs de la majorité de la population, - ce qui serait déjà une erreur car les minorités seraient sacrifiées - mais en réalité elle est subordonnée à une infime minorité qui tire les ficelles et anime les pantins que sont les députés.

Notre ami Bertoni, dans son étude sur l'Abstentionisme (voir Abstentionisme) a signalé, d'une façon claire et précise, les raisons qui militent en faveur des thèses soutenues par les Anarchistes qui refusent de participer à la formation de ces repaires d'hommes indélicats et roués, que sont les assemblées législatives.

Et même, en supposant qu'au point de vue doctrinal, la Chambre soit vraiment issue du peuple, au point de vue pratique, au point de vue des faits, l'expérience a démontré l'inopérance d'une assemblée législative, et son incapacité à résoudre un problème social quelconque. Composée d'avocats sans cause, de médecins sans clientèle, de charlatans à la recherche d'une situation,d'êtres incapables et ambitieux, elle offre le spectacle de luttes oratoires stériles, où les représentants se déchirent en apparence, mais où tous sont d'accord pour tromper et leurrer le pauvre peuple. Il suffit d'avoir assisté quelque peu à des séances de la Chambre pour se rendre compte de son incapacité. En outre des lois qu'elle a le pouvoir de promulguer, c'est la Chambre qui à la charge de trouver les ressources de l'Etat et de contrôler les dépenses des gouvernements. On sait trop comment elle accomplit son devoir. Ce n'est pas elle qui nomme les gouvernants, mais ceux-ci, en vertu d'une coutume, qui fait force de loi, ne s'imposent jamais à une assemblée législative, et se retirent s'ils n'obtiennent pas un vote de confiance. Au nom de la république des camarades, elle fait et défait les ministères, afin que chacun de ses membres puisse, à tour de rôle, prendre place autour de l'assiette au beurre. Si la Révolution française déclara que « la loi est l'expression de la volonté générale, et que tous les citoyens ont le droit de concourir, personnellement ou par LEURS REPRÉSENTANTS à sa formation », elle ne se doutait pas que, par les vices mêmes qui sont à la base du régime démocratique, les représentants du peuple trahiraient et la loi et le peuple. Bien qu'ignorante des intérêts et des besoins de la collectivité, la Chambre entend s'occuper, non pas seulement politiquement, mais économiquement, de tout ce qui compose le domaine social. Elle discute, parlemente, légifère, avec la même impudence sur toutes les questions qui lui sont soumises. Jamais elle ne se déclare incompétente. Elle sait tout, elle connaît tout. En agriculture ou en pédagogie, en matière d'armement ou d'hygiène, elle ne se contente pas d'émettre un avis ou une opinion, elle se prononce, elle décide, et c'est ce qui explique qu'elle est toujours obligée de faire et de refaire des lois, qui ne répondent jamais aux nécessités sociales. Elle exerce parfois ses pouvoirs d'une façon tyrannique. C'est la Chambre servile de 1815, dénommée « Chambre introuvable » qui vota le bannissement des conventionnels ; c'est la Chambre de 1894 et 95 qui, par peur et par lâcheté, vota les ignobles lois « dites scélérates ». C'est la Chambre de 1914, qui se mit à plat ventre devant les conquérants ; c'est la Chambre de 1922 qui, durant 26 mois, se courba sous l'autorité du petit homme Poincaré ; c'est la Chambre de 1924 - Chambre rouge pourrait-on dire - qui est incapable de redresser une situation née du dernier cataclysme. La Chambre, c'est tout le mensonge, c'est toute l'erreur, c'est toute la corruption, toute la bassesse d'un régime qui se réclame du peuple et ne cherche qu'à l'asservir.

Et pourtant, elle est l'endroit sur lequel l'homme porte les yeux. C'est de là qu'il espère voir apparaître un jour, la liberté et la fraternité ! Par quelle aberration, par quel illogisme, l'individu peut-il encore croire en la valeur de ces assemblées qui ont donné des preuves suffisantes de leur inutilité? Depuis plus de 75 ans que le peuple français nomme des députés, et qu'il est supposé diriger la chose publique ; depuis le temps que le parlement fait des lois qui devaient assurer son bonheur, qu'a-t-il obtenu de cette Chambre toute puissante, qui continue à régner en maîtresse, et n'apporte que des désillusions et des déboires?

Combien de temps encore le peuple devra-t-il être trompé pour comprendre que la Chambre est une institution au service de la bourgeoisie et du haut capital, où se débat les intérêts d'une faible minorité qui spécule sur la bêtise des masses? Il n'y a pas lieu pourtant de désespérer ; chaque jour la Chambre se discrédite un peu plus, et la confiance populaire se détache des assemblées législatives. Le nombre grandissant des abstentionnistes en est une preuve. Les temps sont proches où, balayés par le vent des révolutionnaires, les Chambres ne seront plus qu'un souvenir et les hommes conscients, éduqués se chargeront eux-mêmes de traiter leurs affaires.