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COÉDUCATION n. f. 

L'éducation en commun des garçons et des filles a, depuis longtemps, été l'objet de controverses passionnées et bien qu'elle ait gagné du terrain, surtout ces dernières années, n'est pas encore pleinement réalisée.

« Ce fut au XVIIIe siècle, en Écosse et en Amérique, que les filles furent, pour la première fois, admises à des écoles de garçons. Sur le continent, Coménius avait, dans la « Grande Didactique » (1630), proclamé le droit de tous, filles et garçons, à une instruction intégrale en commun. Par contre Fénelon (1680), insistant sur les besoins différents des deux sexes, souligna l'idée qu'il faut à chacun d'eux une éducation spéciale.

Le mérite d'avoir mis en honneur la coéducation revient à Pestalozzi. Sa conception : « l'École doit être l'image de la famille et par suite grouper filles et garçons », est un argument encore cher aujourd'hui aux partisans de la coéducation. Il l'appliqua à Stanz et en partie aussi à Berthoud ; à Yverdon, nous voyons filles et garçons des deux écoles différentes fraterniser, le soir, durant leurs loisirs. Son influence fut grande surtout dans les pays anglo-saxons.

J.-P. Richter s'attacha aux avantages moraux de la coéducation et écrivit ces mots restés célèbres : « Pour garantir les mœurs, je conseillerai la coéducation des sexes. Deux garçons suffisent à préserver douze jeunes filles ; deux jeunes filles, douze garçons. Mais je ne garantis rien dans les écoles où les jeunes filles sont élevées à part, encore moins dans une école où il n'y a que des garçons ». Enfin vers 1840, Horace Mann inaugura le régime de la coéducation dans les écoles américaines ». Hil. Deman, La Coéducation des sexes. Pour l'Ère Nouvelle, avril 1922.


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L'Église catholique s'est toujours opposé à la coéducation.

La religion catholique qui a inventé l'histoire du péché originel, qui considère la femme comme un être inférieur, « os surnuméraire », disait dédaigneusement Bossuet, qui a ordonné le célibat des prêtres et condamné l'« œuvre de chair », ne pouvait qu'être favorable à une rigoureuse séparation des sexes.

Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir toute la réaction en lutte contre toutes les entreprises coéducatives.

L'une des plus attaquées en France fut celle de Robin à Cempuis. Elle dura de 1880 à 1894. Mlle Félicie Numietska rappelle la lutte qu'elle eut à subir, dans un numéro spécial de l'Œuvre de décembre 1905.

La Patrie attacha le grelot en 1894 au nom de patriotisme ; Le Temps lança un mot qui fit fortune : « La Porcherie de Cempuis » ; La Libre Parole assura que « La pudeur naturelle à tous les animaux n'existe pas à Cempuis ».

« Les épithètes les plus amènes sont prodiguées aux orphelins, aux maîtres et par dessus le marché au système de la coéducation, « système contraire à tous les principes de la morale ». « Robin contamine les enfants du peuple en les initiant aux théories préconisées par Épicure et le marquis de Sade » ; cet ignoble polisson a converti l'orphelinat Prévost en maison de tolérance » ; « Tas de pourceaux » ; « L'aquarium de Cermpuis » ; « École municipale de Cythère » ; « Abominable fripouille dont la méthode soit-disant philosophique consiste à faire des expériences lubriques sur des petits innocents sans défense, sans appui, sans protection, etc... »

« N'est-on pas édifié par la vertueuse indignation de ces âmes pures ? Au fond, la morale est leur moindre souci. Ils sentent, et avec raison d'ailleurs, quel coup terrible le système de la coéducation, victorieux, porterait à la domination de l'Église ». F. Numietska : La Coéducation.

Une enquête fut ordonnée. « Enfin le 30 août 1894, le ministre de la Justice, M. Guérin, dont le fils fréquente l'école des frères, 44, rue de Grenelle-Saint-Germain » et M. Georges Leygues, qualifié en la circonstance comme ayant fait des études spéciales sur les dangers et... les charmes de la promiscuité, signent la révocation de Robin ». F. Numietska : La Coéducation.

À quelques années de là, la lutte des forces cléricales devait être plus violente encore contre Ferrer.

Il est vrai que ce fut à Barcelone, dans la catholique Espagne, qu'en mai 1901 Francisco Ferrer ouvrit « L'École Moderne » avec douze fillettes et dix-huit garçons. « L'École Moderne » grandit ; cinquante écoles analogues furent créés en cinq ans.

L'attentat de Morral contre Alphonse XIII fut le prétexte de la fermeture de ces écoles et de l'emprisonnement de Ferrer. Après treize mois de prison préventive, et à la suite de vives protestations qui se firent entendre par toute l'Europe, Ferrer, innocent, fut remis en liberté ; mais, à la suite de l'insurrection de Barcelone, à laquelle il n'avait cependant pris nulle part, il fut fusillé le 13 octobre 1909 à Monjuich. La réaction ne désarme et ne pardonne jamais.


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Malgré l'opposition réactionnaire, et surtout sous l'influence des nécessités économiques, la coéducation a fait de sérieux progrès.

Aux États-Unis, elle est appliquée dans tout l'enseignement primaire avec un personnel féminin de 89 p. 100, à 95 p. 100 et des écoles moyennes officielles avec un personnel féminin de 73 p. 100. Certains pédagogues se plaignent des résultats obtenus dans ces écoles ; mais, selon d'autres pédagogues, la faute en serait à la trop faible proportion du personnel masculin et au fait que garçons et filles sont astreints à suivre un programme identique et trop encyclopédique.

La coéducation est également généralisée dans les pays du Nord : Norvège, Suède, Danemark, Écosse, mais le nombre des écoles mixtes diminuerait en Suède où l'on aurait constaté que les jeunes filles se surmènent. Ici encore la faute en serait à l'encyclopédisme et à l'uniformité des programmes.

En Russie, où les étudiants fraternisèrent toujours avec les étudiantes et où Tolstoï introduisit la coéducation intégrale dans son école de Jasnaïa Poliana, la coéducation est devenue obligatoire malgré quelques difficultés de début.

En Hollande et en Finlande, la coéducation est à peu près générale.

En Angleterre, en Allemagne et en Suisse l'enseignement primaire officiel est mixte à un pourcentage élevé, les jeunes filles peuvent accéder dans les écoles secondaires de garçons et à l'Université.

En Belgique, en France et en Australie, il y a un nombre de plus en plus élevé d'écoles mixtes.

En Italie, les écoles primaires rurales sont mixtes depuis 1911 et 90 pour cent des écoles secondaires sont ouvertes aux filles.

En Espagne, à Madrid, une école secondaire mixte est très florissante, les lycées de Madrid comptent 25 pour cent de jeunes filles.


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La coéducation progresse, elle est soutenue par les partis avancés et les groupements féministes. La « Ligue Internationale pour l'éducation nouvelle » en a fait un de ses principes de ralliement.

Cependant elle a toujours des adversaires : réactionnaires de toutes sortes et aussi, qui l'eût cru, parfois des éducatrices.

Déjà en 1905 F. Numietska écrivait : « Une directrice d'école primaire, adressant un rapport officiel au Ministre de l'Instruction publique sur les Écoles d'Amérique, émet cette crainte que le garçon, répondant parfois moins bien en classe que telle ou telle fillette, ne se trouve devant elle en mauvaise posture, et que la future autorité du mari ne s'en trouve compromise ».

Mlle Loizillon qui présentait ce rapport a encore aujourd'hui des émules et c'est ainsi que Mlle Petitcol, sous-directrice, pour les jeunes filles, du collège mixte de Sarrebruck, soutient dans sa Revue Universitaire de décembre 1925, que l'institution des classes mixtes dans l'enseignement secondaire est regrettable, car, dit-elle, « les hommes sont faits pour agir, les femmes, pour subir. À voir les choses en gros, je dirai que, pour les uns, la « moelle », extraite à leur usage des belles œuvres, doit constituer une sorte de morale de l'action ; pour les secondes, une morale de soumission ».

Ainsi, pour Mlle Petitcol comme pour Mlle LoizilIon, le régime de la coéducation est mauvais, parce qu'il favorise l'émancipation de la femme.


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Avant de prendre parti pour ou contre la coéducation et, le cas échéant, pour ou contre certaines formes du régime coéducatif, il est indispensable que nous précisions notre idéal éducatif :

« Nous voulons éduquer l'enfant pour qu'il puisse accomplir la destinée qu'il jugera la meilleure de telle façon qu'en toute occasion il puisse juger librement de la conduite à choisir et avoir une volonté assez forte pour conformer son action à ce jugement ».

Ceci veut dire que nous sommes respectueux de la personnalité de chaque enfant ; que nous nous refusons à préparer des croyants d'une religion, des citoyens d'un État et des doctrinaires d'un parti. Il en résulte évidemment que notre idéal n'est pas de modeler des enfants selon l'idée que nous nous faisons d'un enfant modèle, mais d'aider à l'épanouissement de chaque individualité enfantine en tenant compte de ses intérêts et de ses capacités.

Nous sommes donc contre l'école qui sépare les sexes pour pouvoir préparer les jeunes filles à la soumission, mais nous sommes aussi, pour la même raison, contre tout régime scolaire, même coéducatif, qui ne tient compte ni des différences entre les sexes, ni des différences individuelles entre les enfants du même sexe.


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L'école actuelle, avec ses programmes surchargés, avec ses méthodes collectives, est loin d'être cette « école sur mesure » que réclament certains pédagogues. Cependant, si des difficultés réelles ne permettent pas d'envisager une adaptation parfaite de l'école à chaque enfant, il serait possible, en réduisant les programmes à un minimum, d'y faire place à quatre sortes d'activité :

1° Le travail individuel standardisé ;

2° Le travail collectif organisé ;

portant sur le programme minimum imposé à tous.

3° Le travail individuel libre ;

4° Le travail collectif libre : travail librement choisi et exécuté en coopération par des groupes d'élèves librement formés.

Une telle organisation de travail scolaire ne laisserait plus de place à certaines critiques fondées sur les différences qui existent entre les deux sexes. Si, d ailleurs ces différences sont indéniables et justifient l'opposition à un enseignement entièrement uniformisé, il ne faut pas oublier que les différences individuelles entre enfants du même sexe ne sont pas moindres et que logiquement les partisans de la séparation des sexes devraient défendre une séparation des enfants de chaque sexe en de nombreuses catégories.

L'organisation scolaire que nous venons de recommander permet d'économiser bon nombre de ces catégories. Elle ne sera cependant pleinement satisfaisante qu'à la condition d'y adjoindre une organisation scolaire spéciale pour les surnorrnaux et pour les anormaux, c'est-à-dire pour un petit nombre d'enfants, qui profiteraient mal de l'enseignement collectif donné aux élèves moyens et parfois pourraient être une gêne pour ceux-ci. Par suite nous pensons qu'il sera nécessaire de conserver quelques écoles unisexuelles pour certaines catégories d'anormaux auxquels la coéducation ne convient pas.

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Ainsi sauf de très rares exceptions, tous les enfants devraient être soumis au régime coéducatif.

Nous avons indiqué sommairement comment le régime scolaire pourrait respecter l'individualité enfantine et par conséquent tenir compte des différences individuelles.

Il nous reste à fournir quelques détails complémentaires sur ce sujet en remettant cependant à une étude sur l'enseignement ce qui ne concerne que l'adaptation scolaire aux différences individuelles.

Il ne faut pas oublier pourtant que la coéducation est aussi bien une question familiale qu'une question scolaire.

Trop souvent, dans certaines familles, les garçons sont favorisés par un régime spécial : on fait plus de sacrifices pour leurs études, on tolère leurs escapades, tandis que de toute façon on prépare l'épouse soumise de demain.

Si quelqu'un s'étonne de voir le garçon courir et s'amuser alors que la fillette aide la maman aux soins du ménage, de voir interdire à la sœur les livres qu'on permet au frère, plus d'une mère même ne comprend pas que la vie de famille doit préparer l'égalité entre les deux sexes, qu'il est bon que la jeune fille s'amuse aussi, qu'il est juste que le garçon prenne sa part des travaux ménagers et que ceci s'explique d'autant mieux que la femme d'aujourd'hui travaillant souvent au dehors comme son compagnon, devrait être plus largement aidée à la maison par ce dernier.


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Félicie Numietska écrivait en 1905 : « Tout le monde admet, ne fût-ce qu'en théorie, que le garçon doit être vigoureux : il lui faut une poitrine large et des poings robustes. Chez la fille, au contraire, par une séculaire aberration, on s'applique à cultiver la gracilité, on lui inculque un idéal de beauté artificielle et « distinguée », les pâles couleurs de la chlorose, un air penché, une taille de guêpe. Si ces folies n'étaient contraires qu'à l'esthétique, il faudrait déjà les dénoncer, mais le mal est plus grand. Au risque d'être accusée de paradoxe, j'oserai soutenir que la femme, tout comme l'homme, a besoin de force et de santé. N'en faut-il pas pour subir l'épreuve de la maternité ? ».

Heureusement on discute moins aujourd'hui sur la nécessité de l'éducation physique de la femme, mais les adversaires de la coéducation y trouvent une raison nouvelle en faveur de la séparation des sexes.

Or il faut remarquer que la gymnastique d'aujourd'hui n'est plus athlétique comme autrefois et que la plupart des exercices d'assouplissement, de développement, et d'endurance conviennent également aux deux sexes. Il ne faut pas oublier non plus qu'il est des fillettes qui, à un âge égal, sont plus fortes, plus souples que Ides garçons du même âge et qu'en éducation physique comme en éducation intellectuelle, nous voulons nous rapprocher autant que possible de l'idéal de l'enseignement sur mesure.

Quelquefois on invoque contre la coéducation la violence que les garçons mettent parfois en leurs jeux, mais cette violence se constate bien moins souvent chez les garçons qui ont toujours été soumis au régime de la coéducation. On ne songe pas non plus aux tout-petits. La plupart de ceux-ci, jusque vers sept ans, et parfois plus tard encore, préfèrent jouer avec les fillettes et plus d'une fois nous avons vu des fillettes de douze ou treize ans se faire leurs protectrices, ce qui ne pouvait nous déplaire.

Dans-une des plus fameuses écoles coéducatives d'Angleterre, à Bédales, de peur de surmenage, on s'efforce d'éviter toute compétition directe entre les deux sexes dans les jeux et la gymnastique. C'est, croyons nous, une mesure un peu trop radicale et qui ne tient pas compte des avantages que la pratique commune des sports présente d'un autre côté. Un auteur anonyme écrit :

« Aussi la combativité que la femme acquiert dans la pratique des sports lui servira à faire accepter par son mari des droits que celui-ci pourrait être amené à lui contester. Et cette combativité, si elle se manifeste dans les préliminaires du mariage, convaincra le candidat de la valeur morale de celle dont il veut faire sa compagne. Cette épreuve sera décisive. S'il ne souhaite que l'épouse asservie des temps révolus, il ira chercher fortune ailleurs ; si au contraire il admet cette alliance loyale où aucun des alliés n'a le pas sur l'autre, il sera heureux d'avoir trouvé l'associée digne de lui.

Certains sports, en facilitant ainsi la fréquentation des jeunes filles et des jeunes gens, constituent un utile prélude à l'accord conjugal. Si le sport n'est encore qu'un prétexte pour les deux sexes à se rapprocher sans arrière-pensée, il contribue à ce que la jeune fille se familiarise avec l'élément masculin. Si l'on a vu autrefois tant de jeunes filles s'amouracher trop facilement d'un homme avec qui elles firent par la suite mauvais ménage, c'est que souvent cet homme était le premier qu'on leur ait permis d'approcher. Il représentait donc forcément l'homme en qui se cristallisaient aussitôt ses rêves cachés. Pour qu'une jeune fille puisse faire au contraire le libre choix de celui avec qui elle s'unira, il faut qu'elle ait la faculté de faire ce choix par comparaison ». (Les Cahiers anonymes : L'Accord conjugal).


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L'un des griefs les plus souvent invoqués contre la coéducation est le danger où serait l'innocence des jeunes filles et celle des jeunes garçons. Aussi, certains qui admettent le régime coéducatif pour les petits le repoussent-ils pour les grands.

Des psychologues vous expliqueraient qu'au contraire, le rapprochement des sexes sublime l'instinct sexuel qui se trouve déformé par une séparation antinaturelle.

Les praticiens, mêmes hostiles à la coéducation, reconnaissent le peu de valeur des critiques adressées à la coéducation au nom de la morale. C'est ainsi que Mlle Petitcol écrit : « La morale, certes, n'est pas plus en danger qu'ailleurs dans une classe mixte... »

Marro, dans La Puberté chez l'homme et chez la femme, écrit :

« La trop longue séparation des jeunes gens des deux sexes dans des pensionnats spéciaux est au plus haut degré favorable au développement des tendances contre nature, et est nuisible au développement moral normal de l'un et l'autre sexe. Il est nécessaire que le caractère demeure dûment exposé à l'influence de tous les agents naturels qui concourent à sa formation et le plus puissant d'entre eux est certainement celui exercé par la présence des individus de sexe différent ».

Le pédagogue américain Stanley Hall, qui reproche à la coéducation de faire des abeilles ouvrières mais point de reines et lui est hostile à divers points de vue, affirme que la coéducation « favorise les idées saines du sexe, elle prévient d'une part les imaginations souterraines et basses, et, de l'autre une sentimentalité morbide ».


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Si nous pensons que le régime coéducatif est plus favorable aux bonnes mœurs que le régime unisexuel, nous n'ignorons pas que le mal appliqué à la coéducation peut, à cet égard, présenter quelques dangers qu'il est assez aisé d'éviter :

1° La coéducation n'est pas un dogme et les quelques élèves anormaux auxquels elle ne convient pas doivent être élevés dans des écoles spéciales, ainsi que nous l'avons déjà fait observer.

2° Les enfants déformés par le régime unisexuel s'adaptent mal au régime coéducatif lorsqu'on leur impose ce régime aux approches de la puberté. Il est donc prudent de ne pas introduire dans les écoles coéducatives de grands élèves ayant fait un long séjour dans d'autres écoles.

3° Il faut tenir compte des instincts des enfants ou des jeunes gens soumis au régime coéducatif. Il est un âge où les garçons ne se préoccupent que des individus de leur sexe et pendant une certaine période, au moment de la crise de la puberté, les jeunes filles se détournent instinctivement des garçons. Il n'est point besoin cependant de revenir au régime unisexuel et de séparer les sexes. Le contact journalier ramènera plus tard un rapprochement que l'on compromettrait par cette séparation. Il serait d'ailleurs difficile de réaliser une organisation scolaire séparatiste pour cette seule période de crise qui est loin de commencer à un âge précis et dont la durée varie également suivant les individus. On compromettrait aussi le rapprochement futur si, pendant cette période, on voulait l'imposer en ne laissant plus aux jeunes gens la liberté de se grouper autrement qu'auparavant pour leurs jeux et certains de leurs travaux collectifs.

Si nous défendons la coéducation, nous y mettons donc toujours ces deux conditions : le régime coéducatif sera individualisé autant que possible et il sera, autant que possible également, un régime de liberté.


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Aux deux conditions, que nous venons de rappeler, la coéducation ne peut avoir que de bons résultats en ce qui concerne l'éducation intellectuelle et l'éducation manuelle.

Certes les aptitudes et les intérêts des jeunes filles diffèrent de celles des jeunes garçons, et nous aurons l'occasion d'en reparler plus tard, mais les différences individuelles entre enfants du même sexe sont plus importantes encore et l'individualisation de l'enseignement serait presque aussi nécessaire dans les écoles unisexuelles que dans les écoles coéducatives.

Les faits prouvent suffisamment la supériorité du régime coéducatif à cet égard pour nous éviter de longs développements.

En Angleterre, les élèves des écoles mixtes obtiennent de meilleurs résultats aux examens que ceux des écoles où les sexes sont séparés.

En Amérique, l'installation du régime coéducatif a amélioré la quantité du travail intellectuel.

En France, Mlle Petitcol, hostile, ainsi que nous l'avons vu, parce qu'elle veut des femmes soumises, reconnaît que : « Les études, bien loin de souffrir, puisent dans son atmosphère un stimulant nouveau ».


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Enfin, on ne manque pas de faire valoir que l'école, devant préparer à la vie, doit être différenciée comme l'est le travail des deux sexes.

Cet argument a quelque peu perdu de sa valeur depuis que de nombreuses carrières soi-disant masculines sont occupées par des femmes.

Si d'ailleurs les écoles doivent être différenciées pour préparer à des métiers différents, cette différenciation doit se faire d'après la spécialisation et non d'après le sexe.

On peut aussi songer à la différenciation du travail de l'homme et de la femme au foyer domestique. Incontestablement cette différenciation existe. Elle n'existe souvent que trop et généralement aux dépens de la femme. On oublie que, là surtout où la femme travaille à l'atelier, l'homme peut et doit l'aider aux travaux ménagers. Il faut également penser aux célibataires, aux veufs et aux veuves, aux maladies, enfin à tous les cas où il est bon que l'homme soit capable de faire des travaux féminins et à ceux où la femme doit pouvoir exécuter une besogne d'homme.

Rien n'empêche cependant, que pour certaines études, plus utiles généralement à un sexe, on sépare exceptionnellement les sexes. Si par exemple on donne des leçons de puériculture aux jeunes filles seulement, cela ne mettra pas la coéducation en péril et n'ôtera pas toute valeur au rapprochement habituel des sexes.

La coéducation n'est pas un dogme et le rapprochement des sexes ne doit pas être une nouvelle tyrannie.

En éducation, ce qui importe le plus, c'est de favoriser le libre épanouissement des individualités et la coéducation bien comprise ne peut que contribuer à l'obtention de ce résultat. 

― E. DELAUNAY.