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COMÉDIEN n. m. 

Celui qui joue la Comédie sur un théâtre public. Le travail du comédien consiste à s'imprégner du rôle que joue, dans la pièce, le personnage qu'il interprète, à mettre en action toutes ses capacités pour copier ses vices, ses mœurs, ses travers ou ses qualités, afin de les présenter au spectateur aussi exactement et naturellement que possible. Il doit savoir faire naître l'émotion, la joie ou la tristesse, la gaîté ou la terreur. Il doit attacher et intéresser le public à la comédie qu'il représente, et tour à tour déchainer les rires et les pleurs. Un bon comédien est généralement un grand artiste et son art exige de réelles qualités d'adaptation.

De nos jours, le comédien est admiré et adulé, mais il n'en fut pas toujours ainsi, et il y a peu de temps encore il était écarté du reste dé la société, et ce ne fut qu'en 1789 qu'ils furent admis à jouir de leurs droits civils et politiques. Même à l'époque du Grand Molière, qui fut cependant admis à la table de Louis XIV, les comédiens étaient victimes d'une sourde hostilité, et n'étaient considérés que comme des bouffons chargés d'amuser l'aristocratie. La Révolution de 89 a effacé cette injustice, et ce fut un bien pour l'art théâtral. Libre, le comédien s'est perfectionné et est arrivé à traduire de façon parfaite l'œuvre éclose dans le cerveau du poète ou de l'écrivain. Certains acteurs ont acquis une célébrité mondiale vraiment justifiée. De notre temps, ceux qui ont eu le plaisir et la joie d'entendre Sarah Bernhardt, Réjane, Lucien Guitry ou le grand De Max (nous nous excusons de ne parler que de la scène française) en ont gardé un souvenir ineffaçable.

Malheureusement, le comédien ne se rencontre pas uniquement sur la scène du théâtre ; on en rencontre également à chaque tournant de la vie, qui n'est peut-être, elle aussi, qu'une grande comédie dont nous sommes les acteurs. Mais tous les acteurs ne sont pas sincères, et il en est qui se masquent et qui jouent avec une perfection remarquable le rôle qu'ils se sont eux mêmes attribué. Ces comédiens-là sont dangereux, d'autant plus dangereux qu'ils n'avouent pas être des personnages fictifs, mais qu'ils cherchent à convaincre leur public de leur réalité, alors que tout en eux n'est que convention et mensonge. Et de ces comédiens, on en rencontre partout ; ils pullulent dans les parlements, dans les cours judiciaires et jusque dans les organisations sociales et syndicales. Avocats, députés, magistrats, autant de comédiens qui jouent si bien leur rôle que le peuple se laisse prendre et qu'il est continuellement berné, malgré les conseils et malgré les exemples. Si l'acteur, par son art, agrémente notre vie et nous fait oublier parfois la tristesse et les difficultés de l'existence, s'il nous permet de nous éloigner de la triste réalité pour nous bercer un peu dans le rêve, s'il occupe nos loisirs et nous repose de la lutte quotidienne aride et féroce, s'il a droit en conséquence à toute la considération des hommes, le comédien politique et social est un être malfaisant dont il faut s'éloigner et qu'il importe de combattre de toute notre énergie.