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COMMISSAIRE n. m. 

« Il vaut mieux avoir à faire à Dieu qu'à ses Saints » dit un vieux proverbe. Ce proverbe pourrait s'appliquer admirablement au Commissaire de police, qui, bien que placé au premier échelon de la magistrature, n'en est pas moins le plus redoutable et le plus dangereux des fonctionnaires. En apparence ses pouvoirs sont restreints et ses possibilités de nuire assez réduites ; en réalité, ils sont énormes car c'est lui que l'on voit apparaître en premier lieu, lorsque par malheur on se laisse prendre entre les griffes de la « Justice ». Examinons donc quels sont les « droits et les devoirs du commissaire de police ». Laissant de côté ceux d'importance secondaire, nous nous attacherons particulièrement à ceux qui en font de véritables autocrates contre lesquels il est presque impossible de se défendre.

« Ils sont chargés du maintien de l'ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes. Ils ont le soin de réprimer les délits ou les contraventions contre la paix publique, tels que les rixes et disputes accompagnées d'attente dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'Assemblée publique, les bruits et attroupements qui troublent le repos du citoyen ».

Ce n'est déjà pas mal et nous sommes payés pour savoir de quelle façon le commissaire accomplit ce que, par ironie sans doute, on appelle ses « devoirs ». En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés et pour maintenir l'ordre, nous assure-t-on, le commissaire de police a le droit de pénétrer dans toutes les assemblées publiques, d'assister à tous les meetings ou conférences et comme c'est lui qui est chargé d'établir le rapport signalant les incidents qui se sont produits au cours de cette réunion, l'orateur et les assistants sont entièrement à sa merci. Que de fois agissant par ordre de ses chefs, et pour se débarrasser d'un militant considéré comme dangereux pour la « sécurité » publique, avons-nous entendu le commissaire de police lui prêter des propos jugés subversifs, alors qu'il était sincèrement démontré que celui-ci ne les avait pas prononcés ! Mais un commissaire de police ne se trompe pas et, étant assermenté, c'est-à-dire que légalement il est incapable d'un mensonge. On sait où tout cela nous entraîne.

« Ils exercent les fonctions de ministère public près le tribunal de simple police, et sont, en cela, de véritables substituts de procureurs généraux. Ils sont tenus, lorsqu'ils sont informés d'un crime ou d'un délit, de dresser des procès-verbaux tendant à constater le flagrant délit ou le corps du délit, encore qu'il n'y ait pas de plainte déposée. Ils peuvent dans ce cas décerner des mandats d'amener et retenir les inculpés à la disposition du procureur dont ils sont les auxiliaires ». Voilà qui est mieux et le commissaire de police peut se vanter d'avoir, avec ses mandats d'amener, qui ne sont qu'une forme modernisée de lettre de cachet, fait d'innombrables victimes. Les révolutionnaires savent, lorsqu'ils sont pris dans une manifestation et qu'ils ont à subir la brutalité de la police, que ce n'est jamais, malgré le témoignage de centaines d'individus, celui ou ceux qui sont responsables, qui sont inquiétés ou arrêtés par le commissaire de police.

Ce n'est pas simplement sur le terrain social ou révolutionnaire que le commissaire de police est un être malfaisant. Il est également chargé de la délivrance des pièces nécessaires à l'obtention d'un permis de chasse, d'un passe-port, de certificats ouvriers ; c'est lui qui a pour fonction d'enquêter sur « l'honorabilité » des habitants de son quartier, et si, pour une raison ou pour une autre, ou encore sans raison aucune, il ne lui plaît pas que vous vous déplaciez, que vous alliez en Angleterre ou en Allemagne, il vous refuse purement et simplement les pièces demandées et vous n'avez qu'à vous incliner. Sur les déclarations fantaisistes ou réelles, de voisins intéressés, il vous permet de travailler ou vous oblige au chômage en fournissant sur votre compte des renseignements presque toujours inexacts et se fait l'auxiliaire de la bourgeoisie en pénétrant dans la vie la plus intime des individus et en dévoilant les secrets de votre existence. En un mot le commissaire est le bras qui exécute la plus basse des besognes pour le compte du capitalisme. Il y a, dans la magistrature, d'autres commissaires encore, mais leurs fonctions tout en étant aussi répugnante, sont particulières et seront traitées au mot « police ».

Dans certaines organisations on emploie le terme de « commissaires » pour désigner les membres chargés d'assurer lors des manifestations le bon ordre et la discipline et dans certains pays ce mot est synonyme de « ministre ».