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COMMUNISME (LE) n. m. 

Le Communisme - qu'il faut se garder de confondre avec « le Parti Communiste » - est une doctrine sociale qui, basée sur l'abolition de la propriété individuelle et sur la mise en commun de tous les moyens de production et de tous les produits, tend à substituer au régime capitaliste actuel une forme de société égalitaire et fraternelle. Il y a deux sortes de communisme : le communisme autoritaire qui nécessite le maintien de l'Etat et des institutions qui en procèdent et le communisme libertaire qui en implique la disparition...

Le premier se confond avec le collectivisme (voir ce mot), le second n'est autre - plus spécialement sur le terrain économique - que l'Anarchisme. La plupart des personnes qui se réclament de l'esprit anarchlste sont communistes.

Dans une motion adoptée à l'unanimité par les anarchistes, réunis en Congrès, du 11 au 14 juillet 1926, à Orléans, on lit ceci : « Les anarchistes groupés au sein de« l'Union Anarchiste de langue française » se déclarent et sont communistes, parce que le Communisme est la seule forme de Société assurant à tous, sans aucune exception et, notamment aux enfants, aux vieillards, aux malades, aux moins bien doués physiquement et intellectuellement, une part égale de Bien-Etre et de Liberté ». Il ne faut pas perdre de vue que si le principe de liberté est le point central de leur doctrine sociale, les Anarchistes, voulant instaurer un milieu social qui assurera à chaque individu le maximum de bien-être et de liberté adéquate à toute époque, ont conscience qu'ils ne peuvent parvenir à la réalisation pratique de cette volonté qui les anime que par la mise en commun (le Communisme) de tous les moyens de production, de transport et d'échange. Seule, cette mise en commun, placée à la base du régime social, garantira à tous et à chacun le droit effectif et total de participer solidairement et fraternellement à tous les avantages des richesses et produits matériels et des progrès intellectuels et moraux constamment accrus par l'effort commun.

Il y a loin, bien loin, on le constate facilement, de ce Communisme libre, c'est-à-dire anarchiste au Communisme étatique et imposé des Bolchevistes (voir Bolchevisme), de leurs partisans et de leurs imitateurs.

A ce Congrès de l'Union Anarchiste française, tenu à Orléans, du 11 au 14 juillet 1926, certains délégués ont fait observer le discrédit dans lequel est tombé le mot « Communisme » perfidement usurpé et tristement galvaudé par le Gouvernement Bolcheviste et les tenants des divers Partis Communistes organisés nationalement et internationalement. Ces délégués estimaient que cette doctrine sociale « le Communisme » était à ce point disqualifiée, que, pour éviter toute confusion de principe et répudier formellement toute promiscuité avec les exploiteurs et falsificateurs du véritable Communisme, il était préférable que les Anarchistes cessassent de se dire « communistes ». Mais il a été répondu à ces délégués que les mots destinés à exprimer les idées les plus justes, les plus nobles vérités et les sentiments Ies plus généreux, tels que : liberté, justice, fraternité, paix, amour, ont été, eux aussi, et, plus que jamais, sont détournés de leur signification véritable, perfidement exploités et indignement galvaudés. Et, à la suite d'un échange de vues très approfondi, il a été décidé que, bien loin d'abandonner le Communisme à des Partis politiques qui trahissent celui-ci, les Anarchistes continueront à se proclamer Communistes puisque, seuls, ils le sont réellement, et puisque ceux qui composent « le Parti Communiste » ne le sont pas, soit qu'ils ne l'aient jamais été, soit qu'ils aient cessé de l'être. 

- Sébastien FAURE.

COMMUNISTE (LE PARTI) n. m. 

Organisation internationale qui a pour but de remplacer dans le monde entier la société capitaliste où la propriété est individuelle par une société communiste où les produits appartiendront à la collectivité.

Cette société ne peut s'établir que par la révolution ; le parti communiste est donc révolutionnaire. La transition entre le capitalisme et le communisme doit se faire par la dictature du prolétariat, dans laquelle les classes ouvrière et paysanne deviennent classes dominantes.

Le succès du communisme assuré, la dictature du prolétariat s'efface ; l'Etat est supprimé comme inutile ; le Gouvernement des hommes est remplacé par l'administration des choses (Lénine).

Le parti communiste est dirigé par un Comité international (Komintern), qui siège à Moscou ; il comporte un présidium composé d'un nombre restreint de personnes et des délégués de tous les pays qui ont un parti communiste.

Le Komintern dirige effectivement les partis nationaux. C'est lui qui donne le thème tactique (thèses) sur lequel devra porter la propagande. C'est lui qui organise les cadres des partis nationaux ; exclue les leaders dont la politique ne lui semble pas conforme à l'intérêt du parti. C'est à lui qu'en appellent en dernier ressort les leaders exclus par leur parti national. Le parti national n'est qu'une section de l'Internationale Communiste.

Parti communiste russe. - Le parti communiste russe a été fondé en 1903 à la suite d'un Congrès national du parti social démocrate. Les minoritaires se groupèrent à part et prirent le nom des mencheviks, c'étaient les moins avancés ; ils correspondaient à peu près au parti socialiste de France. Les majoritaires formèrent le parti bolchevick de (bolche) plus. Ils formaient la gauche du parti.

Avant la guerre le parti communiste était peu nombreux. Son organisation était entièrement clandestine. Ses chefs, Lénine, Zénoviev, etc., vivaient surtout à Londres, Genève, Paris. Ils parvenaient à fonder des petits journaux tels l'Iskra (L'Etincelle), qu'ils envoyaient secrètement en Russie.

Contrairement au parti socialiste révolutionnaire, le parti bolchevick n'admettait pas la propagande par les actes individuels de terrorisme, c'est pourquoi il semblait, avant la révolution, un parti modéré. Mais il n'en est rien, malgré la violence de leurs moyens, les socialistes révolutionnaires russes ne sont guère plus que des républicains démocrates.

Lorsque les Bolcheviks eurent conquis le pouvoir, le parti communiste devint naturellement nombreux et fort : 600.000 membres en 1921. Les dirigeants pensèrent même que le parti était trop nombreux, ils soupçonnèrent une fraction de ses membres de n'y être entrés que par intérêt. Ils se livrèrent donc à des épurations et réduisirent les effectifs à environ 300.000. De semblables opérations ont lieu de temps à autre et l'entrée dans le parti communise russe est difficile. Il faut en général avoir un passé, pouvoir prouver qu'on a travaillé à la préparation de la révolution, être allé en prison sous le régime tsariste, etc...

Les jeunes gens qui ne peuvent encore avoir de passé entrent aux Jeunesses Communistes.

Les femmes ont une organisation spéciale avec Comité central. Mme Kollontaï a été longtemps la secrétaire générale de cette organisation. Elle l'a quittée pour de­ venir ambassadrice.

L'organisation des femmes a été instituée pour faciliter la propagande auprès des ouvrières et des paysannes qu'il s'agit avant tout de ne pas rendre hostiles au nouvel ordre de choses. Néanmoins les femmes indépendamment de leurs groupes spéciaux peuvent, aux mêmes conditions que les hommes, entrer dans le parti proprement dit.

L'unité de groupement du parti communiste est la cellule. Elle groupe les ouvriers d'un atelier, d'une usine, les employés d'un restaurant ou d'un magasin.

Après la cellule vient le rayon qui comprend un certain nombre de cellules d'une mëme région. Au-dessus sont les organisations centrales.

Les Congrès ont lieu assez souvent ; néanmoins l'autorité vient d'en haut et non de la masse des militants. Les leaders du parti communiste sont de véritables chets ; ils élaborent les thèses qui règlent la propagande et on les impose au nom de la discipline du parti.

Parti Communiste français. - Fondé au Congrès de Tours, en 1920, où s'est effectuée la scission du parti socialiste. La droite composée surtout des leaders, des parlementaires et des intellectuels, a continué l'ancien parti socialiste ; la gauche qui formait la majorité du Congrès, s'est constituée en parti communiste, section française de l'internationale communiste : S. F. I. C.

Cachin et Frossard, rapportaient de Moscou les 28 conditions d'admission du parti socialiste français dans le parti communiste. Ces conditions visaient à débarrasser le parti du réformisme électoraliste et à en faire un parti d'opposition violente qui préparerait la révolution sociale.

Outre les sections on prévit la constitution d'organisations illégales où seraient dressés des militants prêts au besoin à l'action violente. Un appareil de propagande clandestine dans l'armée était aussi en projet.

Aux vingt et une conditions, on en ajouta une vingt­ deuxième par laquelle les adhérents s'engageaient soit à ne pas entrer dans la franc-maçonnerie, soit, s'ils en faisaient déjà partie, à en donner leur démission.

Le parti communiste russe considère en effet la franc-maçonnerie comme une société où se pratique la collaboration des classes et susceptible de détourner le prolétariat de la révolution.

Beaucoup de militants n'avaient pas adhéré sincèrement aux conditions de Moscou. Vieux politiques pour la plupart, habitués des Congrès, des Conseils nationaux, etc., ils espéraient qu'il en serait des vingt et une conditions comme de tant d'autres résolutions ; qu'on les oublierait vite et que le parti communiste pourrait continuer la politique de réformisme et de parlementarisme qu'il pratiquait avant la guerre sous le nom de parti socialiste...

Moscou ne l'entendait pas ainsi. La révolution russe, pour réussir, avait besoin de la révolution mondiale, il fallait donc à tout prix sortir les partis communistes des ornières politiciennes dans lesquelles ils avaient tendance à revenir et en faire des organismes d'opposition révolutionnaire irréductibles aux gouvernements bourgeois.

Le parti russe fit donc savoir sans ambages qu'il entendait diriger les partis communistes du monde entier. La Russie avait la première fait la révolution communiste ; c'était donc à elle qu'il appartenait de commander. Le Komintern n'était plus commme le bureau International du parti socialiste un centre de rapprochement et d'informations, mais un organisme de direction. Les partis nationaux ne devaient plus être, non seulement de nom mais de fait que de simples sections de I'Internationale communiste.

Cette prétention de Moscou à la direction effective mécontenta une partie des militants du parti français et le mécontentement s'exprima d'une manière d'autant plus énergique qu'il était surtout le fait des dirigeants du parti ; Intellectuels, anciens ouvriers vieillis dans l'administration du parti. Ils arguaient que Moscou était trop loin pour donner des directives. Chaque parti national devait être juge de ce qu'il avait à faire, parce que, seul, il connaissait de manière suffisante la politique de son pays. On cria à la tyrannie, au couvent, à la caserne, etc... 

En réalité ce que l'opposition voulait c'était ne pas aller trop à gauche. Elle entendait rester un parti politique et non devenir une organisation de combat. D'ailleurs, l'état d'effervescence des esprits lors des premières années de l'après-guerre s'était calmé partout. Les ouvriers qui avaient accouru en masse (cent mille adhérents) dans les sections communistes, ne reprenaient plus leur carte. L'immense espoir qui les avaient soulevés lors de la prise du pouvoir par les bolcheviks, s'était changé en découragement lorsqu'Ils avaient appris que le communisme n'avait pu, en dépit de la domination bolchevique, s'établir en Russie.

A la révolte des leaders français, Moscou répondit par des exclusions. La plupart des orateurs et des écrivains du parti furent exclus ou se retirèrent pour former des organisations dissidentes. Les cadres furent peuplés de nouveaux venus entrés au parti après la guerre, jeunes pour la plus grande part. Des russes suffisamment versés dans la langue française furent envoyés de Moscou pour occuper les fonctions dirigeantes du parti.

Cependant le Komintern comprit qu'il était allé trop loin et qu'il fallait battre en retraite. A l'intérieur cette retraite se caractérisa par la Nep (nouvelle politique économique) qui permettait l'industrie et le commerce privés. A l'extérieur elle se caractérisa par le front unique. Moscou ordonna aux partis communistes nationaux de se rapprocher des partis socialistes afin de pouvoir faire un front unique contre la bourgeoisie.

Cette politique n'eut pas de succès. Les chefs socialistes répondirent par le dédain aux propositions des chefs communistes esclaves de Moscou. Le mot d'ordre fut alors d'aller aux masses par-dessus les chefs ; mais les masses suivaient leurs chefs ; le parti communiste avec ses velléités de violences leur faisaient peur ; la Russie avait cessé de susciter les espoirs ; pour cette fois encore la révolution ne se ferait pas.

Le Congrès de Bolchévisation se tint à Lyon en 1924.

L'armature du parti fut démolie complètement et le parti français fut organisé à la manière du parti russe : cellules rayons, présidium, etc...

La section qui correspondait à l'arrondissement et était avant la représentation proportionnelle une unité électorale, fut remplacée par la cellule qui organise les ouvriers sur le lieu de leur travail. Les réunions au lieu de se faire le soir après le diner eurent lieu à la sortie de l'usine.

On développa les groupes de jeunesse ; les groupes de pupilles. Les femmes furent organisées à part et eurent un journal spécial, L'Ouvrière.

Le sport ouvrier eut pour mission d'attirer les jeunes gens par l'attrait des exercices de plein air. Le Secours Rouge se donna le but d'aider les militants mis en prison pour la cause communiste.

Enfin on établit des cartes de sympathisants, organisant ainsi une sorte d'anti-chambre du parti pour les personnes qui, tout en ayant l'idéal communiste, ne croyaient pas devoir s'engager dans les liens de la discipline du parti. 

Toute cette organisation très bonne en théorie avait le défaut de manquer d'âme. Pour engager résolument le parti dans les voies, de la préparation de la révolution, Moscou avait dû exclure toute la droite réformiste. Mais il se trouva que cette droite était formée des hommes les plus intelligents et les plus instruits. On avait « découronné » (Longuet), le parti.

Or, les masses n'étaient pas assez intelligentes pour pouvoir suivre avec persévérance une idée sans des hommes qui l'incarnent. De ces hommes il y en avait bien encore, mais peu.

Les leaders avaient été remplacés par des fonctionnaires, qui, en exposant la doctrine du parti, faisaient avant tout un métier ; la personnalité leur manquait complètement.

Les cellules des grandes usines réussirent assez bien.

Mais nombre de petits ateliers ne pouvaient grouper dans la cellule que quelques camarades ; les séances manquaient de vitalité, ils cessèrent d'y venir et les effectifs du parti diminuèrent beaucoup (30.000). A plusieurs occasions (transfert des cendres de Jaurès au Panthéon, élections) le parti communiste s'est rapproché des autres partis, notamment pour mettre en échec la réaction fasciste.

On peut prévoir qu'un rapprochement plus accentué se fera. Peut-être reviendra-t-on sur la scission du Congrès de Tours pour réunir à nouveau le parti communiste au vieux parti socialiste. 

- Doctoresse PELLETIER.

PARTI COMMUNISTE (BOLCHEVISATION DU)

Pour débarrasser définitivement le parti de ses tendances parlementaires et lui donner une attitude définitive d'opposition irréductible à tout gouvernement bourgeois, il fut décidé de consacrer le Congrès national de 1924 tenu à Lyon à la bolchevisation du parti.

La bolchevisation consista à organiser le parti français à la manière du parti russe.

La section n'était guère qu'un Comité électoral. C'était pendant les élections que se faisait le plus fort recrutement, et nombre d'adhérents qui prenaient leur carte à la faveur de l'agitation électorale, cessaient ensuite de donner signe de vie. Les sections des circonscriptions où le parti avait un élu étaient toujours les plus nombreuses. Nombre de gens y adhéraient sans être nullement communistes, pour le seul avantage de coudoyer un député ou un conseiller municipal dont ils escomptaient des faveurs éventuelles.

A vrai dire le remplacement du scrutin d'arrondissement par la représentation proportionnelle et de l'arrondissement parisien par le secteur, avait modifié cet état de choses très sensiblement.

La cellule greffée sur une usine comme un ver rongeur, représentait bien l'opposition irréductible. Le groupe était non plus politique mais de subversion sociale. Dans l'atelier la cellule représentait la révolution et non plus l'élément d'une vague opposition parlementaire.

En entrant dans le parti on ne faisait plus seulement que payer une cotisation et prendre une carte rouge, on avait des devoirs. Devoir de prendre part aux manifestations, devoir de distribuer des tracts, d'amener au parti de nouveaux adhérents, etc... Le secrétaire de cellule, le délégué du rayon, n'étaient plus des mandataires toujours en coquetterie avec leurs mandants, c'était des chefs, il fallait leur obéir.

L'épithète de caserne détachée par les dissidents était un peu justifiée. Le parti bolchévisé prenait de la caserne la brutalité et aussi l'indifférence. L'idéal n'apparaissait plus, masqué par le fonctionnarisme et l'esprit de coterie. Si on avait marché à la révolution, on aurait passé sur tous ces frottements inhérents à toute collectivité, mais la révolution ne se faisait pas.

La bolchevisation, à l'usage, fit voir ses inconvénients.

De nombreux camarades que leur genre d'occupation ne permettait pas d'incorporer à une cellule furent rattachés à une cellule composée de camarades de profession différente. Dans certaines cellules, le nombre des rattachés était plus grand que celui des membres réguliers, ce qui faisait que la cellule perdait son caractère d'organisation de combat à l'usine. On créa donc des cellules de un ou de groupes de maisons, c'était revenir à la section. 

- Doctoresse PELLETIER.