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CONDAMNATION n. f.

Décision judiciaire par laquelle un tribunal contraint un individu à se soumettre et à subir une peine qui lui est infligée, en vertu de l’application de la loi.

Une condamnation est toujours arbitraire et ridicule. Arbitraire, parce qu’il n’appartient à personne, le droit de juger son prochain ; et ridicule, car il est impossible de déterminer la somme de souffrance et de peine qui peuvent réprimer un crime ou un délit.

Il est vrai que la loi bourgeoise prétend ne pas s’inspirer du talion, et que son désir n’est pas d’infliger au coupable une douleur égale à celle subie par sa victime, mais de rappeler à celui qui enfreint la loi, l’observation de ses devoirs sociaux ; elle ajoute que l’isolement du reste du monde est salutaire au coupable et que la réflexion et la méditation le guérissent de l’envie de fouler à nouveau les lois de la « Justice ».

Or, il a été maintes et maintes fois démontré que les condamnations à une détention plus ou moins longue, ne guérissaient pas un coupable et que, bien au contraire, une fois subie, la première peine était suivie d’autres délits et d’autres peines, et que par conséquent les bienfaits de la condamnation ne se manifestaient jamais.

Il y a diverses catégories de condamnations ; d’abord celles de droit commun et celles d’ordre politique. Les unes comme les autres sont infligées en vertu d’infractions à la loi bourgeoise, et c’est ce qui explique que les prisons ne sont peuplées en majorité que par de pauvres bougres, car ceux qui détiennent, ne serait-ce qu’une parcelle du Capital, ne subissent jamais de condamnations criminelles ; il leur arrive parfois d’encourir des condamnations civiles, qui ne sont jamais bien pénibles.

Dans le domaine du droit commun, la condamnation recrute ses victimes parmi les « voleurs », les « meurtriers » et encore parmi les ouvriers en révolte, qui, en vertu des libertés républicaines, se permettent de descendre dans la rue pour réclamer leur « droit à la vie ».

Dans sa brochure « Pourquoi j’ai cambriolé », Jacob souligne que celui qui possède la fortune n’a jamais besoin d’user de procédés illégaux pour arriver à vivre, et que par conséquent il ne peut jamais être condamné comme voleur. En effet, on ne s’explique pas pour quelles raisons M. de Rotschild ou M. Loucheur iraient cambrioler. Il en est de même pour le meurtre, qui, deux fois sur dix, a le vol pour mobile ; quant aux meurtres passionnels, qui ont quelquefois pour théâtre le terrain de la bourgeoisie, on connaît l’indulgence des tribunaux vis-à-vis des inculpés. Pour les grèves, ce sont encore les ouvriers qui en sont les victimes, et c’est sur eux que retombent toutes les responsabilités. On peut donc conclure en disant que ce n’est jamais la classe privilégiée qui subit les condamnations, mais les hommes issus de la classe opprimée.

Quant aux condamnations politiques, il arrive de temps en temps un accident aux représentants de la bourgeoisie, mais c’est excessivement rare, et en général ce ne sont que les révolutionnaires de gauche qui peuplent les prisons.

La condamnation est donc une arme bourgeoise, inutile en soi, car elle ne change absolument rien et ne maintient même pas l’ordre bourgeois, et son unique utilité serait peut-être de nourrir une armée de parasites qui ne sauraient que faire si on leur retirait le pouvoir de condamner.