CONFESSION n. f. (du latin : confessio, aveu)
Déclaration par laquelle on reconnaît un
fait, on avoue quelque faute. C’est dans ce sens qu’on dit confession
sincère, confession franche, confession ingénue, confession volontaire
ou forcée, confession générale, confession publique ou privée,
confession judiciaire ou extrajudiciaire, etc... La confession qui nous
intéresse ici, et de laquelle il est séant qu’il soit fait mention et
parlé explicitement, c’est celle que le prêtre entend au tribunal de la
Pénitence ; c’est celle que le pécheur, repentant de ses fautes, vient
faire au représentant de Dieu, en sollicitant du ministre de Dieu et de
son Église, l’absolution de ses péchés.
« La confession fut établie au IIIe siècle, abolie au Ve pour cause
d’abus et de scandale, puis définitivement adoptée par l’Église
catholique au XIIe siècle. » (Dictionnaire Bescherelle, Tome I, page
729.)
La confession est un des moyens les plus sûrs, - peut-être même le plus
puissant, mais assurément le plus perfide - par lesquels l’Église
catholique, apostolique et romaine acquiert, garde et fortifie la
domination totale à laquelle elle tend avec un esprit de suite
prodigieux et une incomparable habileté. Dans le jeu savant des
Sacrements à l’aide desquels l’Église catholique oblige les fidèles à
entretenir avec le clergé, des relations régulières et fréquentes,
celui de la Pénitence, qui s’exerce par la confession, occupe une place
spéciale par le fait seul que, tandis que le baptême, la confirmation,
le mariage, l’extrême onction se donnent une fois pour toutes ou, pour
le moins, très rarement, la Pénitence et l’Eucharistie sont imposés
durant toute la vie et ramènent le catholique fréquemment aux pieds des
autels ! Et encore, même de ce point de vue, le Sacrement de
l’Eucharistie doit-il céder le pas à celui de la Pénitence, car
l’Église fait obligation au catholique qui veut communier, de se
confesser pour ne se présenter à la Sainte Table que pur de toute faute
et indemne de toute souillure, tandis que le fidèle qui a reçu, par le
Sacrement de Pénitence, l’absolution de ses péchés n’est point tenu de
communier. Les Sacrements ! Rappelons-nous que l’Église les proclame de
fondation divine et que, pour le catholique véritablement soucieux de
son salut éternel, ils sont d’étroite obligation : obligatoire, le
Baptêmequi, lavant le néophyte des souillures du péché originel, lui
confère la qualité de chrétien, l’admet dans l’Église militante et lui
ouvre les portes du Ciel ; obligatoire, l’Eucharistie, que le
catholique doit recevoir au moins une fois l’an, à Pâques ;
obligatoire, la Pénitence, qui permet au pécheur, par l’aveu de ses
fautes, le repentir qu’il en ressent et le ferme propos qu’il forme de
n’y plus retomber, d’obtenir l’absolution et la rémission complète de
ses péchés ; obligatoire, le Mariage, pour l’homme et la femme qui
désirent s’unir et consommer, sans offenser Dieu ni commettre un péché
mortel, l’œuvre de chair et donner la vie à des enfants légitimes ;
obligatoire, l’Extrême-Onction pour tout catholique qui, se sachant ou
se croyant en danger de mort, a le devoir d’appeler un prêtre et de
recevoir les derniers Sacrements qui lui assurent l’état de grâce et le
préservent de la damnation éternelle.
Chaque sacrement, cela va de soi, a une signification spéciale et un
but précis ; tous s’imposent au catholique a un moment donné de sa vie
et s’adaptent à une circonstance particulière de son existence. Sans
entrer, ici, dans le détail et sans nous arrêter trop longtemps à
chacun de ces sacrements, il me paraît utile de jeter sur tous un coup
d’œil d’ensemble, afin de montrer la chaîne solide et ininterrompue
que, rapprochés, ils forment. Ce coup d’œil provoque une observation
aussi intéressante qu’originale. Cette observation consiste à faire
remarquer que, dans leur ensemble, ces sacrements s’appliquent à
chacune des époques décisives de la vie et que, certains ayant un
caractère régulier et fréquent, l’Église catholique, grâce aux dits
sacrements, ne perd pas de vue le fidèle, le tient constamment sous sa
coupe, le rappelle sans cesse à ses obligations envers Dieu, et
acquiert, de la sorte, sur lui un empire qui, commençant au berceau,
s’étend et se fortifie sans solution de continuité, jusqu’à la tombe.
Je m’explique : L’homme vient au monde, il a quelques jours à peine ;
il est encore physiquement d’une extrême fragilité, intellectuellement
dans les ténèbres et moralement dans l’inconscience. I1 est donc de
toutes façons incapable d’un mouvement, d’un geste, d’une parole qui
soit l’indice d’une conscience ou la marque d’une volonté. Qu’à cela ne
tienne : ses parents décident pour lui et, voulant en faire un
catholique, ils le fontbaptiser. Désormais, l’enfant appartient à
l’Église, et celle-ci prendra des dispositions pour ne le point lâcher.
L’enfant a grandi ; il est âgé d’une douzaine d’années. Son corps a
pris un développement qui ne tardera pas à le conduire à la puberté et
à faire de lui un jeune adulte ; son esprit a reçu quelque culture ; sa
conscience commence à discerner ce qui est bien de ce qui est mal ; ses
actes témoignent d’un état moral qui n’en est encore qu’au tâtonnement,
mais est en voie de se former. Il est à cette période de la vie où,
sous tous les rapports, l’enfant, sans avoir totalement cessé
d’exister, tend à disparaître pour faire place à l’adolescent qui
commence à poindre. Il est à cette phase de l’existence où la mémoire
commence à se peupler de souvenirs et d’impressions, où l’intelligence
s’ouvre à la compréhension des faits, où le jugement, tenté de
comparer, d’apprécier, de résoudre, hésite à le faire, et finalement
s’y décide, où l’imagination devient plus fougueuse chez les uns et
plus pondérée chez les autres ; où, le sang et les nerfs étant en proie
aux agitations et à la fièvre de la croissance, la chair commence à
ressentir l’aiguillon du désir sexuel, encore vague ; où, d’accord avec
les sens qui s’éveillent, le cœur se sent agité de sentiments
affectueux et tendres. L’heure est venue, pour l’Église, de frapper un
grand coup, d’impressionner fortement, de bouleverser profondément
cette enfance parvenue au seuil de l’adolescence et de graver dans son
souvenir des empreintes durables. Cet enfant fait sa première communion
; pour la première fois, il reçoit le sacrement de l’Eucharistie. Il
est préparé avec soin à cette auguste cérémonie ; il y est entraîné,
les derniers jours surtout, par des apprêts de toutes sortes. Le grand
jour arrive : l’Église a pris un air de fête, elle s’est ornée de ses
plus belles parures ; le communiant n’a jamais été vêtu d’ajustements
plus soignés ; toute sa famille est à ses côtés ; il est le centre de
toutes les impressions éprouvées, de toutes les salutations et paroles
échangées. Fût-il le moins imaginatif et le plus froid des enfants, il
est ému et troublé ; il règne tout autour de lui un empressement
inaccoutumé il vit, durant vingt-quatre heures, dans une atmosphère
spéciale et ce concours de circonstances le conduit, sans qu’il sache
trop pourquoi, peut-être même sans qu’il songe à se le demander, à
considérer cette première Communion comme un des événements les plus
marquants de son existence. J’ai connu des hommes - et surtout des
femmes - qui, parvenus à un âge déjà avancé, avaient conservé un tel
souvenir de cette journée que les moindres détails s’en étaient gravés
en traits indélébiles dans leur mémoire et qu’ils ne pouvaient en
parler sans une vive émotion.
Mais voici que l’adulte a remplacé l’adolescent. La fillette est
devenue jeune fille, le jeune garçon s’est transformé en homme ; il a,
maintenant, vingt-cinq à trente ans ; il est dans toute la force de
l’âge. Son tour est venu de se créer un foyer, de fonder une famille.
Instant grave, heure décisive et capitale : du choix qui sera fait
dépendra le bonheur ou le malheur attaché à une heureuse ou à une
mauvaise union. Le choix est fait. Voici les deux époux. I1 est venu,
le jour qui d’eux va faire le mari et la femme ; ils ne cessent de se
contempler ; leur cœur est doucement agité ; l’amour le plus vif brille
dans les regards qu’ils échangent. A dater de ce jour, leur existence
va changer, le sort va leur devenir commun ; appuyés l’un sur l’autre,
ils communieront dans la peine comme dans la joie ; échecs et
réussites, revers et succès, aisance et privations, larmes et sourires,
craintes et espérances, tranquillité et agitation, entre eux tout sera
commun et partagé : moins lourdes à porter seront les tristesses et
doublées seront les joies. Puis, viendront les enfants et on revivra
dans ces êtres chéris. - Oh ! de quels soins, ils seront l’objet ! De
quel amour et de quelle sollicitude ils seront entourés ! Pourvu qu’ils
soient sains, robustes, beaux, intelligents et bons ! Et les deux époux
unissent leurs projets d’avenir et leurs rêves, comme ils unissent
leurs mains et leur lèvres. Ils devraient être laissés tout entiers à
la passion qui les transporte, à l’amour qui les unit, aux douces
perspectives que l’avenir ouvre devant eux. Quel est donc cet intrus
qui se faufile auprès d’eux et, solennel, baragouinant un mauvais
latin, bredouillant quelques formules sacramentelles, les déclare, dans
un jargon qu’ils ne comprennent ni l’un ni l’autre, irrévocablement
unis par le Sacrement du Mariage ? Cet intrus, c’est le prêtre, encore
le prêtre et toujours le prêtre.
Quand vous aviez quelques jours, jeunes époux, c’est le prêtre qui vous
a baptisés, quand vous aviez douze ans, c’est le prêtre qui vous a
donné, pour la première fois, l’Eucharistie. Aujourd’hui, c’est le
prêtre qui bénit votre union et vous déclare légitimement mariés.
Cessera-t-il de s’attacher à vos pas, de s’acharner à votre poursuite ?
Non ! Il vous a attendus au seuil de la vie ; il vous escortera
jusqu’aux portes de la mort.
Autre date solennelle et fatidique ! Heure à laquelle, se sentant
gravement malade, le patient que guette la mort, embrasse d’un coup
d’œil toute sa vie, remonte le cours de ce fleuve jusqu’à sa source et
en examine les eaux avant qu’elles ne se jettent définitivement dans le
gouffre. Ce moribond sait ce qu’il était, ce qu’il faisait, où il se
trouvait il y a dix, vingt, quarante ans. Il ne sait ce qu’il sera, ce
qu’il fera, où il sera, demain ; il s’affole à l’appréhension de ce
redoutable inconnu. Toutes les frayeurs le harcèlent ; toutes les
terreurs que la religion a jetées dans son imagination et que les
agitations de la vie avaient écartées de lui et tenues à distance, se
rapprochent, grossissent, prennent des formes fantastiques. Spectres
pleins de menaces, ces folies ne lui laissent plus un instant de repos
; elles attisent sa fièvre, elles alimentent son délire. Ces
hallucinations tournent à, l’obsession : c’est l’idée fixe de l’enfer
et de ses inexprimables tourments qui met l’esprit du malade à la
torture. Mais voici le prêtre ; il est porteur des saintes huiles ; il
pratiquera sur le moribond, les onctions qui calment et purifient ; il
administrera les derniers sacrements, il prononcera les dernières
prières ; il exorcisera Satan ; il murmurera les paroles de suprême
consolation, de pardon, d’espoir et de confiance, à l’oreille de
l’agonisant qui a déjà perdu toute connaissance, mais qui doit pourtant
à l’assistance du prêtre l’apaisement in extremis des terreurs dont
celui-ci a peuplé sa pauvre cervelle depuis son enfance et qu’il y a
soigneusement entretenues durant toute sa vie.
Baptême, Eucharistie, Mariage, Extrême-Onction, l’homme d’Église ne
suit-il point le fidèle pas à pas, du premier souffle au dernier soupir
? N’est-il pas à ses côtés à toutes les dates importantes, à toutes les
heures graves, à toutes les minutes solennelles de son existence, comme
pour lui dire : « Quand tu es bébé, je te baptise ; quand tu es enfant,
je te fais communier ; quand tu es homme, je te marie ; quand tu vas
mourir, je t’administre les derniers sacrements. Sans cesse tu
m’appartiens ; à chaque phase décisive de ta vie, tu es à moi ! que tu
viennes au monde ou le quittes, que tu naisses ou que tu meures, que tu
sois jeune ou vieux, bien portant ou malade, je suis toujours là, à tes
côtés, tout près de toi. Je t’ai sous la main constamment ; tu es sous
ma dépendance toujours et partout. »
L’Église est insatiable. Il ne lui suffit pas que le fidèle lui
appartienne au cours des événements qui font époque dans son existence
; elle entend qu’il ne puisse à aucun moment, se soustraire à
l’envoûtement dont il est la victime ; elle veut qu’il soit dans la
nécessité de recourir périodiquement aux Ministres du Culte catholique,
qu’il soit tenu de prendre, assez fréquemment pour ne jamais avoir le
temps de l’oublier, le chemin qui conduit à l’Église. Il fallait donc
qu’au Baptême, au Mariage, à l’Extrême-Onction, sacrements dont
l’administration ne s’opère pas périodiquement, vinssent s’ajouter
d’autres sacrements- un au moins - dont le fidèle serait dans
l’obligation de faire un usage régulier, périodique, assez fréquent.
L’Eucharistie s’impose au catholique au moins une fois chaque année, à
l’occasion des fêtes pascales. Une fois tous les douze mois, c’est
assez, il et vrai, pour que le catholique n’oublie pas complètement sa
religion et les devoirs qu’elle lui prescrit ; mais c’est peu, bien
peu, trop peu, beaucoup trop peu, pour le tenir suffisamment en haleine
et le garder, ainsi qu’il est utile, sous la domination de l’Église. Le
sacrement de Pénitence est celui que l’Église a institué dans le but de
rapprocher d’Elle constamment toutes les brebis du troupeau sur lequel
Elle a, dit-elle, reçu le mandat de veiller. Elle en est, prétend-elle,
responsable devant Dieu et le bon Pasteur a le devoir de ne laisser
jamais trop s’éloigner ses ouailles, s’il ne veut s’exposer à en perdre.
Sébastien FAURE.