CONFESSIONNAL
(Le) n. m.
On donne le nom de confessionnal à un meuble ayant la forme d’une
guérite, meuble occupant d’ordinaire, un coin discret et obscur dans
une Église ou une Sacristie, et dans lequel le prêtre reçoit la
confession du pénitent ou de la pénitente. J’ai dit, au mot Confession,
que la Pénitence est, de tous les sacrements institués par l’Église,
celui qui met le fidèle le plus fréquemment et le plus régulièrement en
contact avec le clergé catholique. C’est, en effet, le sacrement qui
fait prendre au catholique 1e chemin de sa paroisse, l’abîme dans
l’humilité et le repentir de ses fautes, le contraint à verser dans
l’oreille du prêtre, l’aveu de ses péchés et la confidence de ses
tentations et de ses faiblesses, lui prescrit de dévoiler au confesseur
ses pensées les plus cachées et ses plus secrètes intentions, frappe
son esprit par le rappel du pouvoir surhumain dont dispose l’Église
dans la personne de ses plus modestes représentants.
Tels sont les résultats qu’un rapide et superficiel examen du Sacrement
de la pénitence met en pleine lumière. Ces résultats sont
incontestablement précieux ; ils favorisent et consacrent avec force le
pouvoir du clergé sur les adeptes de la religion catholique. Ils ne
sont rien, cependant, auprès de ceux que révèle une observation poussée
plus loin. Ils ne touchent que le fidèle lui-même. Le catholique zélé,
scrupuleux, convaincu, vient au confessionnal pour y chercher naïvement
l’apaisement de sa conscience bourrelée d’inquiétudes, la rémission de
ses péchés et le ferme propos de ne plus retomber dans les mêmes
égarements. De la part du catholique sincère et fervent, il n’y a là
qu’un acte de foi, l’accomplissement d’une pratique religieuse et d’un
devoir qui lui sont imposés ; mais, de la part du père spirituel, du
directeur de conscience à qui il ouvre son cœur, il y a beaucoup plus ;
car la confession ne se limite presque jamais au seul fidèle ; elle le
dépasse ; elle s’étend à sa famille, à son entourage, à ses relations,
à ses intérêts, matériels à tout ce qui, directement ou indirectement,
concerne sa vie. Ici, c’est la femme qui répond aux questions qui lui
sont posées sur son mari ; là, c’est l’enfant qui est interrogé sur ce
qui se passe dans sa famille ; ailleurs, c’est le père ou la mère qui
ont à parler de leurs relations ou de leurs affaires, de leurs
embarras, de leurs préoccupations, de leurs revers et de leurs succès,
de leurs appréhensions, de leurs espérances et de leurs projets. Et tel
homme, telle femme, tel enfant qui se garderait bien de se confier à
qui que ce soit, n’hésite pas, au tribunal de la Pénitence, à révéler
tout ce qu’il sait ou suppose, non seulement parce qu’il croit que le
secret en sera scrupuleusement observé, mais encore parce qu’il est
persuadé qu’il ne doit rien cacher au prêtre, parce qu’il éprouve un
certain soulagement à s’ouvrir et parce qu’il est convaincu que, s’il
manquait de sincérité, en une circonstance aussi grave, il commettrait
une grosse faute et ne manquerait pas d’en être puni.
Oh ! L’inégalable institution de surveillance et de police que le
Confessionnal met aux mains du Clergé ! Que, dans chaque paroisse, il y
ait seulement quelques dizaines de pénitents assidus et rien ne restera
ignoré, par le curé et ses vicaires, de ce qui se passe au sein de la
population tout entière. Que d’affaires se traitent, que d’associations
se forment, que de mariages se concluent et aussi que de désaccords
surgissent, que de conflits éclatent, que de méchancetés se commettent,
dont il suffirait, pour en découvrir l’origine, de remonter aux
confidences que les pénitents font quotidiennement à leur confesseur !
Du Sacrement de pénitence, je viens de dire : « institution de
surveillance et de police ». Ce n’est point assez ; j’ajoute : «
merveilleuse officine de délation ». Car l’exercice de la surveillance
nécessite de la part de ceux qui s’en acquittent des démarches, de la
prudence, des ruses, des travestissements ; la pratique de la police
implique quelque danger et de multiples efforts. Le confesseur, lui,
n’a pas besoin de se déranger, d’enquêter, de surprendre, de
surveiller, de s’exposer. Il lui est suffisant d’attendre, dans l’ombre
discrète du confessionnal, la venue du délateur bénévole et d’arracher
à sa dévotion et à son aveuglement toutes les confidences,
indiscrétions et mouchardages dont il n’aura plus qu’à faire son
profit. Au tribunal de la Pénitence, le prêtre est tout-puissant ; le
fidèle lui appartient en totalité, il est à sa merci. Le confesseur en
fait ce qu’il veut, et c’est en toute confiance et joie intérieure que
le confessé s’abandonne à lui et lui livre candidement ses parents, ses
amis, ses relations et ses intérêts les plus chers. Peut-il cacher quoi
que ce soit à cet homme illuminé de la grâce, investi d’une fonction
sacrée, exerçant un ministère divin, qui peut lui refuser l’absolution
et qui détient les clefs du paradis ? N’est-il pas venu chercher auprès
de ce représentant du Souverain Maître la purification, la paix et le
réconfort dont son âme éprouve le besoin ? On s’est étonné bien des
fois de la connaissance parfaite que possède le clergé de l’état d’âme
de toutes les personnes qui composent une population ; on s’est
demandé, comment le parti-prêtre parvient à être si exactement
renseigné sur les sentiments et opinions, sur la situation sociale, sur
les secrets de la vie privée, sur les projets des uns et des autres.
Grâce au confessionnal, chaque paroisse possède ses informateurs et la
fiche de chacun est constamment tenue à jour.
Sébastien FAURE.