CONGRÈS
n. m.
Assemblée de délégués dont les mandataires ont eux-mêmes examiné les
questions à traiter par le Congrès et, indiqué les solutions qui leur
paraissent les meilleures.
Le délégué au Congrès a charge de défendre le point de vue adopté par
ceux qui l’ont mandaté, de faire tous ses efforts pour le faire
triompher ou de se rallier a un point de vue à peu près analogue à
celui qu’il a exposé. Le Congrès est le pouvoir législatif des
Syndicats, Coopératives ou Associations diverses d’intérêts matériels
ou moraux. Les décisions des Congrès, que ceux-ci soient syndicaux,
politiques, coopératifs ou scientifiques, sont appliquées, exécutées,
par une Commission exécutive ou administrative. C’est le pouvoir
exécutif des organismes. L’application des décisions des Congrès, les
actes ou actions qui en découlent sont contrôlés par des Comités
nationaux ou internationaux. C’est le pouvoir de Contrôle. Si chacun de
ces rouages fonctionne bien, s’il remplit le rôle qui lui est dévolu,
le groupement ou les groupements réunis atteignent presque toujours à
la prospérité et font d’excellente besogne. C’est d’ailleurs assez
rare. On voit le plus souvent l’exécutif ne pas tenir un compte
suffisant des décisions législatives, et plus encore, on enregistre la
défaillance du Contrôle, qui donne trop facilement un blanc-seing à ce
même exécutif, ou accepte ses explications et ses thèses sans les
contrôler ni les vérifier. C’est bien la pire des choses et souvent les
Congrès ne légifèrent, ne décident que d’après les explications de
l’exécutif, qui se targue d’un Contrôle inexistant ou défaillant. Il ne
faut pas chercher ailleurs la cause des erreurs doctrinales, des
rectifications de tir, des changements de tactiques qu’un exécutif
habile arrive toujours à expliquer ou à masquer, lorsqu’il, a quitté la
ligne droite et prépare quelque conversation qui va le plus souvent à
rencontre de l’intérêt général des travailleurs, coopérateurs ou
associés de tous ordres.
Dans le mouvement ouvrier, il y a différentes sortes de Congrès, ce
sont : les Congrès régionaux ou départementaux, les Congrès de
Fédérations d’industrie ou fédéraux, les Congrès nationaux de toutes
les Fédérations ou Congrès confédéraux, les Congrès qui réunissent par
industrie les représentants de divers pays, ou Congrès fédéraux
internationaux, et enfin les Congrès qui réunissent les représentants
nationaux de toutes les Corporations, ou Congrès internationaux des
Centrales syndicales. Il en est de même sur le plan coopératif ou
politique. C’est dans les Congrès de toute nature que se confrontent
les thèses doctrinales, que se vérifient les expériences faites et que
sont tracées les directives de l’action à mener. Les Congrès se
tiennent soit tous les ans soit tous les deux ans, suivant les statuts
des organismes.
Les Congrès voient généralement des tendances se former pour défendre
des thèses en présence. Ces thèses sont défendues avec vigueur et
parfois avec parti-pris. De l’exposé des thèses surgit presque toujours
une résolution, une motion, un ordre du jour les condensant et sur
lesquels les délégués ont à se prononcer par un vote qui donnera à la
thèse ainsi consacrée le caractère d’une décision qui constitue pour un
ou deux ans, la ligne de conduite, de propagande et d’action des
groupements affiliés à l’organisation qui a tenu ce Congrès. Ce sont là
des principes généraux que suivent tous les groupements, qu’ils soient
ouvriers ou patronaux ; ces principes constituent une sorte de
jurisprudence consacrée par l’usage et passée dans les mœurs. On
retrouvera ce terme dans l’exposé général du syndicalisme.
Il y a aussi d’autres sortes de Congrès. Dans l’ordre religieux, il y a
les Conciles qui ont charge d’examiner les thèses de l’Église, de
surveiller l’intégrité du Dogme et de condamner réformateurs et
iconoclastes. Jean Huss, précurseur de la Réforme, fut condamné à être
brûlé vif par le Concile de Constance, et exécuté en 1415. On retrouve
d’ailleurs, le motConcile, à son ordre, dans cette encyclopédie. Les
Conclaves sont des Congrès de prélats portant le titre de cardinaux,
qui ont charge d’élire le pape lorsque le successeur de St-Pierre vient
à décéder. On retrouve également ce mot à son ordre. Il y a enfin les
Congrès de Parlements. En France, les deux Chambres : députés et
sénateurs se réunissent en Congrès, à Versailles, pour élire le
président de la République, ou pour modifier la Constitution. Il en est
de même aux États-Unis, en Suisse.
Il y a encore des Congrès de la Paix, qui, généralement, préparent la
guerre. Celui de la Haye fut le plus fameux. La Société des Nations,
avec ses séances trimestrielles et mensuelles, tient elle aussi, des
Congrès où sont pris des engagements aussi solennels que vite oubliés.
Ce qu’il faudrait souhaiter, c’est que toutes ces parlotes inutiles et
vaines de gens qui ne sont là que pour mentir et tromper les peuples
soient remplacés par un Congrès des Peuples, où ceux-ci fixeraient
leurs rapports et enterreraient définitivement la guerre, le
capitalisme et son exécrable régime. Mais ce jour n’est pas encore
venu. Ce jour-là, les Congrès ouvriers auront, eux aussi, plus
d’intérêt qu’en ce moment. Ils auront aussi de plus graves
responsabilités à prendre.
Pierre BESNARD.
* * *
CONGRÈS
Assemblée de gens ayant pour mission de
délibérer sur des intérêts communs. Les Congrès se différencient des
Assemblées ordinaires, de ce fait qu’ils ne sont convoqués qu’à des
périodes indéterminées et assez éloignées les unes des autres. Un
Congrès ne siège jamais en permanence. Il y a plusieurs catégories de
Congrès, et leur importance est relative aux questions qui y sont
traitées et aux sujets qui y sont débattus. Nous avons tout d’abord les
Congrès diplomatiques, dont les acteurs sont les représentants de
différentes nations ayant des conflits à régler. Les représentants des
dites nations ont ordinairement comme mandat, de défendre les intérêts
généraux de leur pays, et de chercher un terrain de conciliation pour
éviter les ruptures qui sont les prémices de 1a guerre ; c’est du moins
ce que l’on dit au peuple ; mais, en réalité, les diplomates et les
ambassadeurs s’acquittent de leur besogne, sans s’inquiéter aucunement
des intérêts généraux de la nation, mais simplement de ceux d’une
infime minorité qui tire les ficelles de la politique. Lorsque ces
Messieurs de la diplomatie ont du temps à perdre, ils s’attaquent
parfois à des questions d’ordre sentimental ; c’est ainsi qu’au Congrès
de Genève, en 1863, ils accouchèrent d’une convention internationale
neutralisant les blessés en temps de guerre et que en 1878, le Congrès
de Saint-Pétersbourg prononça l’interdiction de l’emploi des balles
explosives. Nous savons comment ces conventions furent respectées, et
le cas que l’on fit, entre 1914 et 1918, des décisions de Genève et de
Pétersbourg. En France, on appelle également « Congrès », la réunion de
la Chambre des députés et celle du Sénat, lorsqu’il faut élire un
nouveau président de la République, ou modifier la constitution. Ce
Congrès se réunit au Palais de Versailles. Mais il se tient d’autres
Congrès que ceux d’essence politique et diplomatique, et, bien
qu’ignorés du public, ils offrent cependant un intérêt autrement
appréciable que les premiers. Ce sont les Congrès de savants, qui
enregistrent les découvertes récentes et dans lesquels les hommes de
science se concertent pour étudier les phénomènes de la nature et, en
unissant leurs connaissances, arriver à poursuivre l’oeuvre de
civilisation ; ce sont les Congrès de médecins, dans lesquels on
travaille pour alléger et abréger les souffrances physiques de
l’individu et ce sont, enfin, les Congrès ouvriers, où le travailleur
cherche son orientation et les moyens utilisables pour lutter contre le
capital et l’abolir. Nous dirons donc, s’il nous faut donner une
définition, de ce qu’est un « Congrès » : que c’est la réunion de
délégués d’une nation, d’un parti politique, d’une organisation
syndicale ou philosophique ; et que son rôle est d’enregistrer le
travail accompli dans le passé, de souligner une situation de fait et
de déterminer une situation et un travail d’avenir.
Quelles que soient les imperfections, dues plutôt à la manière qu’à
l’esprit dans lequel il est organisé, le Congrès est l’unique forme de
représentation en usage dans les organisations de réforme sociale, et
si les résultats que l’on pouvait en espérer ont souvent été négatifs,
c’est que, même dans les associations d’avant-garde, on ne s’est pas
encore libéré des pratiques politiques, que la « manœuvre » y est d’une
pratique courante et que l’on cherche trop souvent à satisfaire son
petit orgueil par une victoire oratoire, sans songer aux intérêts
profonds de la classe ouvrière.
Il y a, en France, deux importantes organisations prolétariennes : la
Confédération générale du Travail et la Confédération générale du
Travail unitaire. La ligne de conduite de ces organisations est
déterminée par le Congrès, qui se réunit tous les deux ou trois ans, et
plus souvent, si la nécessité s’en fait sentir. Il est évident qu’il
serait préférable que ces Congrès nationaux fussent convoqués à. des
dates plus rapprochées les unes des autres ; mais on sait les frais qui
sont occasionnés par le déplacement de centaines de délégués ; nous ne
devons pas oublier que nous sommes en régime capitaliste, et que les
caisses des organisations ouvrières sont plus souvent vides que
pleines. Les délégués à ces Congrès sont désignés par l’Assemblée
générale de leur organisation particulière, et y sont également
représentées les diverses fédérations d’industrie ou de région ; ces
fédérations n’ont pas voix délibératives, mais consultatives. Nous
pouvons donc considérer que dans son esprit, la représentation est
assez logique, et qu’il serait difficile de faire mieux dans la
situation présente de l’organisation ouvrière et sociale. Les délégués
au Congrès doivent s’inspirer des désirs de leurs mandants, pour
approuver ou désapprouver le travail et la politique du bureau qui,
ordinairement, fut désigné par le Congrès précédent et qui accepte,
secondé par une Commission exécutive, la responsabilité de
l’organisation, durant la période qui sépare deux Congrès ; d’autre
part, les représentants des organisations ont à charge, toujours en
s’inspirant de l’esprit des organisations qui les ont mandatés, de
déterminer la ligne de conduite future de l’organisation nationale.
Nous avons dit plus haut, que la façon dont sont organisés les congrès
ouvriers n’était pas exempte de critiques. Il est, en effet,
regrettable de constater qu’il arrive fréquemment que des « chefs »
d’organisation usent du pouvoir et de l’autorité dont ils disposent
pour s’imposer à la masse, et manœuvrent de telle manière qu’il est
impossible de les déloger des fonctions qu’ils occupent et qu’ils
entendent conserver indéfiniment. Ce sont des travers qui ne seront
vaincus que par l’éducation des travailleurs qui, prenant leurs
responsabilités, n’attendront pas leur libération de la venue d’un
messie quelconque. Sans remonter bien haut dans l’histoire
prolétarienne de la France, il faut cependant citer, car il exerça une
réelle influence sur la vie et sur l’action du Prolétariat, le Congrès
d’Amiens qui, en 1906, traça les droits et les devoirs de la classe
ouvrière, détermina le but qu’elle poursuivait et élabora une charte
restée célèbre dans le monde syndical.
Depuis la fin de la « Grande guerre », différents Congrès nationaux se
sont réunis ; celui de 1919 mérite une mention particulière, parce
qu’il fut celui où Jouhaux, secrétaire de la Confédération générale du
Travail exposa et chercha à légitimer les déviations dont il s’était
rendu coupable durant la guerre ; et aussi parce que ce Congrès marqua
l’aube de la division du Prolétariat français, qui devait s’effectuer
au Congrès suivant, à Lille. Deux tendances s’affrontèrent à ce
quatorzième Congrès, qui tint ses assises dans la ville de Lyon, et les
principes du réformisme et de la collaboration de classe sortirent
victorieux de la bataille. Il est curieux de relire les déclarations du
secrétaire de la C.G.T., qui défendit avec chaleur son attitude
guerrière et les relations qu’il noua au cours de la boucherie, avec
les représentants officiels des divers gouvernements. Le Congrès de
Lyon ne fut qu’une préface ; insensiblement, la classe ouvrière ouvrit
les yeux et comprit son erreur ; elle se sépara petit à petit des chefs
réformistes qui voulaient éteindre le flambeau qui, durant des années,
avait éclairé le prolétariat, mais ceux-ci se mirent sur la défensive,
et par un statut arbitraire éliminèrent de l’organisation syndicale,
les ouvriers et les syndicats qui refusaient de se courber sous le joug
des dirigeants. Les forces prolétariennes furent coupées en deux et la
scission fut consommée au Congrès de Lille.
Il se forma par la suite, en conformité avec le Congrès qui se tint à
Paris, en décembre 1921, une nouvelle confédération ouvrière, qui prit
le nom de Confédération générale du Travail unitaire, et qui ne tarda
pas à grouper plusieurs centaines de milliers de travailleurs. Depuis
cette date, toutes les tentatives pour regrouper les forces éparses de
la classe ouvrière sont restées inopérantes. Dans chaque Congrès, des
motions d’unité sont présentées et votées par les délégués du
prolétariat, mais il semble que ces congrès soient guidés par des
forces occultes et l’application de ces motions reste vaine. Le mal
dont souffrent les organisations politiques a pénétré dans le giron du
prolétariat, et les Congrès ouvriers n’offrent plus un caractère
particulier, mais sont le théâtre de luttes politiques qui
affaiblissent le prolétariat.
Il nous faut dire quelques mots sur les Congrès anarchistes et plus
particulièrement sur ceux qui ont déterminé le mouvement anarchiste à
son origine. C’est en 1873, que l’on doit fixer la naissance de
l’anarchisme en tant que mouvement ; car si, antérieurement, les
partisans d’une société anti-autoritaire travaillaient en collaboration
avec les éléments révolutionnaires de l’Association internationale des
Travailleurs, c’est en 1873 qu’ils se désolidarisèrent d’une façon
catégorique des défenseurs du principe d’autorité. La résolution qui
fut présentée au Congrès anarchiste de Berne, qui se réunit en 1876,
résolution qui fut acceptée par tous les délégués présents mérite
d’être citée :
— 1° Plus de propriété, guerre au capital, aux privilèges de toute
sorte et à l’exploitation de l’homme par l’homme ;
— 2° Plus de patrie, plus de frontière et de lutte de peuple
à peuple ;
— 3° Plus d’État, guerre à toute autorité dynastique ou
temporaire, et au parlementarisme ;
— 4° La révolution sociale doit avoir pour but de créer un
milieu dans lequel désormais l’individu ne relèvera que de lui-même, sa
volonté régnant sans limites et n’étant pas entravée par celle du
voisin.
Pour bien préciser les buts de l’Anarchisme, Elisée Reclus faisait
adopter, en 1878, au troisième Congrès anarchiste qui tint ses assises
à Fribourg, la résolution suivante :
« Nous sommes révolutionnaires parce que nous voulons la justice...
Jamais un progrès ne s’est accompli par simple évolution pacifiste, et
il s’est toujours fait par une évolution soudaine. Si le travail de
préparation se fait avec lenteur dans les esprits, la réalisation des
idées se fait brusquement. Nous sommes des anarchistes qui n’ont
personne pour maîtres et ne sont les maîtres de personne. Il n’y a de
morale que dans la liberté. Mais nous sommes aussi des communistes
internationaux, car nous comprenons que la vie est impossible sans
groupement social. » Ces deux Congrès sont, à nos yeux, les plus
importants, car ils établirent ce que l’on pourrait appeler une charte
anarchiste. Il y eut par la suite, d’autres Congrès anarchistes, et
notamment celui d’Amsterdam, en 1907, où Malatesta essaya de rapprocher
les anarchistes individualistes et communistes, et tenta également de
jeter les bases d’une internationale anarchiste. Malheureusement, ces
tentatives échouèrent et, depuis, les anarchistes disséminés de par le
monde n’ont eu entre eux que des relations par correspondance. Il faut
espérer que la faillite des partis politiques donnera un renouveau
d’énergie aux anarchistes, et que bientôt, unis nationalement et
internationalement, ils se retrouveront dans les Congrès qui n’auront
plus à jeter les bases de l’anarchisme théorique, mais à rechercher les
moyens les plus propices pour abolir le capital et élaborer sur ses
ruines une société libertaire de laquelle aura disparu
l’autorité.