COURAGE n. m.
Fermeté physique ou morale qui nous fait
entreprendre certaines actions dangereuses et nous permet de repousser
avec hardiesse les revers et les douleurs éventuelles.
Le courage serait une grande qualité, s’il était mis au service d’une
noble cause ; malheureusement il n’en est pas toujours ainsi, bien au
contraire.
« Le courage, qui n’est pas une vertu, mais une qualité heureuse
commune aux scélérats et aux grands hommes, ne l’abandonne pas dans son
asile ». (Voltaire.) En effet, autant le courage peut être bienfaisant,
autant il peut être nuisible, car il n’est pas le privilège d’une
catégorie d’individus et le plus audacieux des coquins peut être
courageux ; et plus il l’est, plus il est malfaisant.
Peut-on considérer de la même essence le courage du savant qui risque
sa vie en soignant des malades infectés et celui du bandit inconscient
ou intéressé qui attend sa victime et la supprime brutalement ? L’un et
l’autre ont des risques à courir et savent ce que peuvent leur coûter
leurs dévouements ou leurs crimes, et pourtant ni l’un ni l’autre ne
sont arrêtés dans l’accomplissement de leurs actes ; ils sont courageux.
Le courage ne peut pas et ne doit pas toujours être admiré. Le courage
du lion est un désastre pour les troupeaux, et il serait certes
préférable qu’il soit un peu moins courageux et qu’il ne vienne pas
dévaster, à la grande terreur des indigènes, les contrées qu’il habite.
Peut-on admirer le courage militaire ? Certes l’armée la plus
courageuse est celle qui a le plus de chance de se couvrir de gloire en
emportant d’éclatantes victoires ; mais que de crimes se sont commis,
se commettent et se commettront sans doute encore en vertu de ce
courage qui se manifeste sur les champs de bataille ! Pour nous,
révolutionnaires, un tel courage est loin de nous enthousiasmer car il
est une cause de souffrances et de douleurs.
On donne souvent au mot courage une interprétation qui nous paraît
erronée. Vauvenargues considère la résignation comme « le courage
contre les misères ». Nous ne sommes pas de cet avis et nous
considérons, nous, que la résignation est tout au contraire l’opposé du
courage, c’est-à-dire « la lâcheté ». Il nous paraît impossible de
qualifier de courageux l’homme qui, victime de l’injustice sociale, se
résigne à la pauvreté alors que tout, autour de lui, respire la
richesse, et qu’il ne profite d’aucune jouissance. Une telle conception
du courage nous ramènerait avec rapidité aux jours les plus sombres du
passé, car jamais la résignation ne fut une source de progrès et de
civilisation ; au contraire ce fut la révolte courageuse des hommes de
science et d’action dans leurs luttes contre les préjugés, les
iniquités, les injustices, qui permit aux hommes de s’affiner et de
sortir dans une certaine mesure de l’esclavage sous lequel les tenaient
courbés la nature indomptée et l’autorité brutale et féroce des
autocrates.
Il faut être courageux, moralement et physiquement, si l’on ne veut pas
être un vaincu de la vie. L’un complète l’autre.
Le courage des premiers chrétiens qui préféraient la torture et la
mort, que de renier ce qu’ils pensaient être la vérité est symbolique,
et s’ils surent résister à tous les outrages, à toutes les insultes, à
toutes les misères, à toutes les tortures, c’est qu’ils puisaient leur
courage physique dans leur courage moral. Devant une telle abnégation
de soi-même, devant un tel sacrifice à une cause, on ne peut que
s’incliner devant les héros livrés à la barbarie des tyrans ; et il
faut souligner que si ces hommes et ces femmes surent mourir avec un
tel courage, c’est qu’ils étaient animés par l’amour de l’Humanité et
que la foi en un avenir meilleur gonflait leurs cœurs.
Le courage sera un des facteurs des victoires prolétariennes et si tout
le courage dépensé inutilement depuis des milliers et des milliers
d’années l’avait été au service de la civilisation, il y a longtemps
que les hommes vivraient heureux dans une société fraternelle ou chacun
travaillerait au bonheur de tous.