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CROISADE n. f. 

Le mot « croisade » dans le langage consacré, sert à désigner les pèlerinages militaires entrepris par divers monarques européens du XIème siècle au XIIIème siècle. Ces excursions armées se faisaient sous le couvert de la religion et avaient pour but avoué de convertir au catholicisme les infidèles d'Orient ; en vérité leur véritable but était de conquérir la Palestine et d'en chasser les musulmans. La première des Croisades, prêchée par Pierre l'Ermite et décidée au Concile de Clermont, fut conduite par Godefroy de Bouillon, duc de Lorraine et Raymond, comte de Toulouse. Les armées féodales étaient fortement organisées et s'emparèrent de Nicée, d'Antioche et enfin de Jérusalem dont Godefroy de Bouillon se fit proclamer roi. La première Croisade dura de 1096 à 1099. La seconde fut couronnée par un échec. Elle fut entreprise par le roi Louis VII en 1147 et se termina en 1149 après un siège inutile devant Damas. De 1189 à 1270, six autres Croisades furent entreprises. La dernière fut conduite par le roi Louis XI, pour venger l'insuccès de la Croisade précédente où Louis IX fut fait prisonnier et dut payer une forte rançon pour recouvrer sa liberté. Cette dernière expédition coûta la vie au roi qui mourut de la peste devant Tunis. L'armée fut elle-même décimée par le terrible fléau.

Si l'on se reporte à l'époque ou les Croisades furent entreprises, il faut reconnaître qu'elles exercèrent, dans une certaine mesure, une influence heureuse sur l'avenir. C'est par les Croisades que les Européens prirent contact avec les Asiatiques et, durant ces deux siècles de lutte, les uns et les autres apprirent à se connaître. L'historien français Lavallée s'exprime ainsi en parlant des Croisades : « Une commotion violente fut donnée à tous les esprits, à toutes les facultés, à toutes les existences. On était jeté hors de l'isolement féodal ; on promenait ses regards sur un vaste horizon ; on se mettait en contact avec de nouveaux hommes, de nouvelles choses, de nouvelles idées. La féodalité en reçut un immense échec ; elle s'était remuée, elle était sortie de ce qui faisait sa force, de ses châteaux et de ses terres ».

S'il est vrai que les Croisades furent un facteur d'évolution, il ne faudrait pas en conclure que la guerre est parfois utile. La guerre est toujours néfaste et il ne faut pas oublier que les Croisades furent organisées à une époque où la civilisation et le progrès n'étaient, en France, qu'embryonnaire. Il en est autrement de nos jours et les diverses Croisades entreprises par les capitalistes pour accaparer les territoires propres à être exploités, et les guerres coloniales qui se perpétuent malgré les protestations populaires, ont un tout autre caractère. Les Croisades modernes sont plus meurtrières que celles du passé. « Les Croisades, nous dit Voltaire, coûtèrent à l'Europe plus de deux millions d'habitants en deux siècles ». La dernière guerre de 1914 qui, dans l'esprit populaire, prit le caractère d'une Croisade ayant pour but le triomphe de la civilisation et la mort du militarisme, coûta, en quatre ans, près de dix millions de vies humaines. La civilisation en est sortie affaiblie et le militarisme renforcé.

Il est une Croisade qui serait et qui est utile à prêcher : c'est celle contre les préjugés, contre les croyances, contre le mensonge sur lesquels reposent nos sociétés bourgeoises. Et cette Croisade est sainte, car elle a pour but la libération et l'égalité de tous les hommes. Elle soulève, hélas ! moins d'enthousiasme que toutes les aventures dirigées par les conquérants ; et le peuple reste souvent sourd à l'appel de la raison. Espérons que, à la faveur des événements, tout cela changera et que la dernière des Croisades abolira déflnitivement le capitalisme et tous les maux qui en résultent.