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CULTES

Les cultes solaires, origine du christianisme

- Les mystères des premiers chrétiens et la communauté des femmes -

Dans mon article sur la Bible, j'ai déjà fait allusion aux ressemblances qui existent entre le christianisme et les religions orientales. Les origines du christianisme sont toujours discutées et donnent lieu à toutes sortes d'hypothèses, parce que c'est l'existence du christianisme primitif qui suppose celle du Christ et non pas l'existence du Christ qui implique le fait chrétien.


On en revient aux idées que Dupuis avait formulées dans un livre fort documenté trop oublié aujourd'hui : L'abrégé de l'origine de tous les Cultes, reprise par Réthoré, Jensen, Robertson, etc., et qui fait du christianisme une religion solaire, à peine modifiée par des juifs messianiques, croyant proche la fin du monde.


A les en croire, ainsi que leurs continuateurs, le christianisme est une religion d'origine solaire, comme l'étaient les autres cultes orientaux, celui d'Adonis en Syrie, d'Attis en Phrygie, de Thammouz et de Mardouk en Mésopotamie, de Dionysos en terre hellénique.


L'idée d'un Dieu qui ressuscite à l'entrée du printemps est commune à tous les cultes orientaux. Réthoré a montré que les dieux Agni, Mithra, Osiris, Thammouz, Adonis, Bacchus, Apollon, Manou, Bouddha, suivent un même cycle. Ils naissent le 25 décembre, au solstice d'hiver, d'une vierge mère dans une grotte ou une étable. Tous meurent et ressuscitent parce que le soleil vaincu périodiquement par la nuit et l'hiver, revient, chaque matin et chaque printemps.


Les grandes paraboles évangéliques, qui se retrouvent dans les Synoptiques sont solaires, ont trait aux semailles, à la moisson, aux vendanges, aux cultivateurs. Par exemple: les paraboles du Semeur, de l'Ivraie, nu Grain de sènevé, du Levain, du Vin nouveau dans les vieilles outres, du Figuier, des Vignerons.


Dans les livres sacrés des chrétiens et surtout dans l'Apocalypse, un de leurs livres d'initiation, Jésus est appelé l'agneau, nom du signe de l'équinoxe de printemps (bélier ou agneau, selon les régions). Cet agneau triomphant paraît debout sur la montagne et les douze tribus l'environnent, leur destin étant de le suivre partout où il va. Ici-bas d'ailleurs, le Christ était suivi de douze disciples. Ce chiffre douze correspond aux 12 signes du zodiaque.


Dans la scène de la Transfiguration (Matth., XVII), le visage de Jésus resplendit comme le soleil et ses vêtements devinrent blanc comme la lumière. L'Ostensoir est une représentation du soleil.


Tout cela ne veut pas dire qu'il n'ait pas vécu au siècle d'Auguste un révolté ou un chef de bande juif, rebelle au joug romain et haïssant ceux de ses compatriotes qui s'étaient courbés devant la puissance des Césars. Il se peut qu'il ait été crucifié (on en crucifiait tant, de ces provocateurs d'émeute !) et que, par suite de circonstances ignorées, toute une légende se soit créée autour de cet homme, qu'on en ait fait le porte-nom et le porte-drapeau d'une religion nouvelle.


On a voulu voir dans le Jésus ben Pandéra du Talmud, un de ces types d'agitateurs dont certains traits auraient servi à la construction de la légende du Christ historique. Cela se peut, mais la crucifixion de ce Jésus-là est antérieure d'un siècle au commencement de l'ère vulgaire.


D'ailleurs, rien ne prouve que les chrétiens n'existaient pas, en tant que secte, bien longtemps avant leur apparition dans l'histoire, à Antioche.


Les chrétiens primitifs avaient des mystères appelés Agapes, qui disparurent au IVème siècle et dont un des rites courants était la promiscuité sexuelle.


Les cultes solaires dionysiaques. et orientaux, ont des mystères dont la promiscuité sexuelle fait également partie intégrante, parce qu'elle symbolise l'union du Soleil qui ne refuse à aucune plante ses rayons fécondants avec la Terre qui ne se refuse pas non plus, elle, aux caresses maturatrices du Soleil.


Si le mystère de cette promiscuité s'accomplit parfois dans un lieu où règne l'obscurité, naturelle ou produite artificiellement, c'est parce que le blé germe en hiver, alors qu'il fait froid et sombre, que le soleil parait à peine à l'horizon, qu'il a à lutter avec les ténèbres et les frimas.


Le mystère de la promiscuité sexuelle, dans ces religions, n'est pas un acte de dépravation, c'est un symbole que comprenaient tous les initiés.


Sans doute, il faut procéder avec une extrême précaution lorsqu'on s'en réfère aux Evangiles ou biographes de l'hypothétique fondateur du christianisme. Il est évident qu'au moment où elles sont définitivement classées dans le canon sacré, c'est-à-dire au IVème siècle de notre ère, elles ont été mises au diapason du dogme catholique.


Malgré cette cuisine, pas toujours .très adroite, - en comparant les textes du Nouveau Testament avec les accusations portées contre les premiers chrétiens par les contemporains et avec les pratiques des sectes hérétiques, où la tradition primitive avait beaucoup plus de chance de se conserver que dans une Eglise devenue officielle - en procédant donc d'après la méthode critique qu'on applique à tout récit légendaire ou même historique, on peut se rendre compte des mœurs des chrétiens primitifs.


Ainsi, on s'aperçoit que le Christ légendaire est un homme de mœurs assez « relâchées ». Son attitude aux noces de Cana, ses relations avec la courtisane Marie, sœur de Marthe, sa bonne amie également (c'est cette courtisane hystérique qui baignait ses pieds de larmes et les oignait de parfum), ses festins continuels en compagnie de péagers et de gens de mauvaise vie, ses dispositions à l'égard de la femme adultère, ses entretiens néo-platoniciens avec la Samaritaine qui avait eu cinq maris et dont le compagnon actuel n'était pas le mari, les femmes aisées et énamourées, cela va sans dire qui l'assistaient de leurs bourses - tout cela ne fait pas du Jésus mythique un ascète ni un doctrinaire très rigoureux sur le chapitre des mœurs.


Le rôle de Père la Pudeur, de Modérateur, fut destiné à un certain Saul, natif de Tarse, en Cilicie, un visionnaire doublé d'un épileptique, qui a orienté le christianisme naissant vers le dogmatisme et l'ecclésiasticisme.


À remarquer qu'à Tarse on adorait le dieu Sardan, qui présidait à la végétation, une divinité solaire qui mourait sur un bûcher puis montait au ciel.


Toujours est-il que converti au christianisme, sous le nom de Paul, cet homme, croyant la fin du monde proche (comme les autres chrétiens d'ailleurs), se mit en tête d’édifier et de moraliser à la judaïque les communautés chrétiennes primitives. Dans .ce but, il leur écrivit lettres sur lettres. Ces lettres prêches sont connues sous le nom d'Epitres. Nous ne les connaissons pas dans leur rédaction primitive. L'autorité de certaines est contestée. Il est évident qu'elles ont été mises elles aussi, au diapason de la dogmatique ecclésiastique du IVème siècle.


On veut que ces Epitres aient subi des remaniements dûs aux disciples du gnostique Marcion et aux anti-marcionites. Ce n'est qu'après avoir gratté la couche de ces corrections qu'on retrouve le véritable texte de Saint Paul.


Sans vouloir creuser aussi profondément, contentons nous de dire que ces Epîtres nous présentent Paul sous les traits d'un farouche contempteur de l'œuvre de chair. Il pense « qu'il est bon pour l'homme de ne point avoir de contact avec la femme » (I Corinth. 7/1). S’il autorise le mariage c'est par « condescendance » (id. 7/), et parce qu'il vaut mieux encore se marier que brûler. A ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves il déclare, qu'il est bon de rester comme lui, célibataire (id. 7/8). Farouche, partisan de l'autorité paternelle il énonce : « Celui qui marie sa fille fait bien, celui qui ne la marie pas fait mieux » (id. 7/38).


Il entreprend une campagne contre les mœurs libres des premiers chrétiens et ce que les censeurs ecclésiastiques ont laissé passer montre ce qu'elles étaient. On entend dire généralement, écrit-il aux Corinthiens (I Corinth. 5/1), qu'il y a parmi vous de l'impudicité et une impudicité telle qu'elle ne se rencontre pas même chez les païens. Mêmes objurgations dans ses épîtres aux fidèles des églises de Colosses, Philippes, Ephèse, Thessalonique, etc... Partout le même refrain : Guerre à l’impureté, l'impudicité, les passions, les désirs, etc…


D'ailleurs, il veut commencer par en haut sa réforme des mœurs : « Que l'évêque, que le diacre, que l'ancien soit le mari d'une seule femme ». (Ep. à Timothée et à Tité.)


Les exégètes catholiques prétendent que dans ces derniers textes, il faut voir une allusion aux « secondes noces », question qui troublait alors l'Eglise. Un pasteur protestant m'a objecté une fois que la loi romaine autorisant le concubinage, on avait toléré la polygamie dans certains cas, pour ne pas dissoudre la famille. Mais ce sont des explications après coup. Il n'y a qu'à se rendre compte de l'état d'esprit du célibataire Paul et de son attitude arrogante à l'égard des libres mœurs des chrétiens primitifs, pour se rendre compte qu'il ne voulait pas de dignitaires polygames dans les communautés ou églises qu'il dirigeait ou influençait. Il ne voulait de polygames que pour martyrs.


Jude, au verset 12 de son Epître, avoue qu'il y a des hommes qui « souillent leur chair » et qui sont des « écueils » dans les Agapes. Il est forcé ainsi de donner raison aux romains .qui prétendaient que lesdites agapes étaient un lieu « de mystères infâmes », y compris la pédérastie.


Dans l'Apocalypse, les églises de Pergame et de Thyatire sont encore stigmatisées comme impudiques. Et l'Apocalypse est d'une date tardive.


Il ne faut pas prendre au tragique les mines scandalisées des écrivains romains quand ils parlaient des chrétiens primitifs. Les chrétiens primitifs fournissaient aux dirigeants de l'Empire un commode moyen de diversion politique, et l'on criait « aux lions les chrétiens » comme on fait aujourd'hui des procès de tendance aux communistes, aux révolutionnaires, aux anarchistes.


Les adeptes des cultes orientaux faisaient dans leurs mystères les mêmes gestes que les premiers chrétiens dans leurs agapes, mais ils ne se montraient pas rétifs devant l'autorité.


Les premiers chrétiens, au contraire, de par leur ascendance, judaïque de race ou d'intellect - les juifs étaient un peuple au col « roide » - se montraient rebelles au gouvernement impérial. Le service civil leur répugnait, le métier militaire leur était odieux ; enfin - et c'était là le principal - ils ne voulaient pas prêter le serment civique « au nom du génie de l'empereur ». L'Etat ne leur pardonnait pas ce refus et y voyait motif à suspicion.


Ce n'est donc pas à cause de leurs cris au scandale que j'accepte en partie les accusations des Romains contre les premiers chrétiens. C'est parce qu'elles cadrent avec les admonestations des Epîtres, ou ce qui en est parvenu jusqu'à nous.


Quand on veut se faire une idée des mœurs des primitifs, on ne se réfère pas à la morale officiellement en vigueur au sein des civilisations anglo-saxonne ou latine, par exemple.


On s'en va vers les aborigènes de l'Australie de l'Afrique Centrale ou Méridionale, de l'Amérique du Sud. On suppose que moins ils sont en contact avec nos civilisations, plus ils ont conservé de traits primitifs.


De même, quand on veut se faire une idée des mœurs des premiers chrétiens, on ne se réfère pas au catholicisme, à l'orthodoxie grecque, au luthérianisme, à l'anglicanisme, au calvinisme, etc., qui représentent des aspects civilisés du christianisme.


On s'en réfère aux Carpocratiens, aux Turlupins aux Kloeffers, aux Adamites, aux Hommes de l'Intelligence, aux Frères du Libre Esprit, etc., où on a tout lieu de supposer que la tradition primitive avait été conservée avec plus de pureté que dans les Eglises officielles, d’autant plus que ces dernières les traquaient avec une férocité semblable à celles que les civilisés montrent à l’égard des Primitifs.


Or, toutes ces sectes, tous ces hérétiques (et il y en a bien d'autres), ont pratiqué le communisme sexuel ou la communauté des femmes comme corollaires de la communauté des biens.


Et contre eux, les sociétés catholiques ou protestantes ou orthodoxes ont formulé les mêmes accusations que les gouvernants ou chroniqueurs romains décochaient aux premiers chrétiens.


De plus, faisant œuvre documentaire et critique, je n'attache pas plus d'importance aux prétentions émises par Paul d'être en communion avec la Divinité, que j'en attache à des prétentions identiques émises par un Jean de Leyde, le prophète des Anabaptistes communistes, ou d'un Joseph Smith, l'apôtre des Mormons.


Ou j'y attache la même importance, si l'on préfère.


Et je ferai remarquer en passant qu'on possède beaucoup plus de détails sur les faits et gestes de Jean de Leyde ou de Joseph Smith que l'on en a sur l'hypothétique Jésus ou sur l'énigmatique Saint-Paul.


On connaît par le menu l'activité de Jean de Leyde à Munster quand ses coreligionnaires y exerçaient le pouvoir, sous sa dictature ; il n'y a aucun doute sur les phases de son procès, sur son supplice. On connaît la vie de Joseph Smith, son apostolat, son lynchage et le canon des livres sacrés des Mormons a été très rapidement constitué.


Par suite, si on veut nous faire accepter que Paul se rendant à Damas pour y persécuter les chrétiens ait été frappé de cécité à l'ouïe d'une voix qui lui criait : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu (Actes, XXII, 8) » ou qu'une autre fois il ait été ravi au troisième ciel (il ne sait si c'est dans ou hors de son corps), enlevé dans le Paradis « où il entendit des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme de répéter » (II Corinth. 12/2). Si on veut nous faire croire à la bonne foi de François d'Assise sur le corps duquel, dans une vision, un séraphin crucifié imprime les « stigmates » de la passion, où à l'apparition de la Vierge à Ignace de Loyola, je veux croire aussi à la bonne foi de Jean de Leyde et de Joseph Smith.


A vrai dire, je pense qu'à tous, Paul y compris, un séjour dans un institut de guérison des maladies nerveuses aurait été nécessaire.


Donc, indifférent aux excommunications séculières ou ecclésiastiques, je tiens comme d'essence chrétienne la doctrine anabaptiste telle que Matthias ou Melchior Hoffmann l'a exposée dans son fameux livre du Rétablissement, qui implique communauté des biens et pluralité des femmes, doctrine appliquée à Munster par Jean de Leyde, choisi, au dire du prophète anabaptiste Tuiscosurer, par « le Seigneur » pour exercer le pouvoir.


Et je considère comme d'essence chrétienne le livre Doctrine and Covenants, révélations faites à Joseph Smith, dont les premières éditions imprimées datent de 1833 et 1835 et qui complètent pour les Mormons les Epîtres du Nouveau Testament.


Or, que trouve-t-on à la section 132 de ce livre, aussi « sacré » à mon sens que tous les autres livres « sacrés » des chrétiens : c'est que Moïse, Abraham, Isaac, Jacob, David, Salomon, reçurent des femmes et des concubines, que cela leur fut imputé à justice, parce que dans toutes ces choses ils accomplirent ce qui leur avait été commandé.


Dans cette même section, verset 61 : « Si un homme épouse une vierge et désire en épouser une autre et que la première donne son consentement, et s'il épouse la seconde et qu'elles soient vierges, ne s'étant promises à aucun autre homme, cet homme là est justifié. Il ne peut commettre d'adultère avec qui lui appartient, à lui, et à personne d'autre. Et si dix vierges lui sont données, de par ladite loi, il ne peut pas commettre adultère, car elles lui appartiennent et lui sont données, à lui. C'est pourquoi il est justifié ».


Je ne vois pas que « Le Père Eternel » ait retiré sa bénédiction à la communauté des Mormons. Leur Eglise, dont j'exècre l'organisation hiérarchique, est l'une des plus riches et des plus prospères qui soient au monde. Sans doute le président Wilford Woodruff, en 1890, a fait renoncer officiellement son Eglise à la pluralité des femmes. Mais il n'a joué dans tout cela qu'un rôle analogue à celui de Saint Paul moralisant la seconde ou troisième ou quatrième génération (?) chrétienne. C'est parce qu'ils pratiquaient la pluralité des femmes que les Mormons ont été chassés de l'ouest des Etats-Unis, qu'ils ont dû se réfugier dans l'est, au-delà des Montagnes Rocheuses, et défricher l'Utah, ce qu'ils n'auraient pu faire d'ailleurs sans l'aide de leur nombreuse progéniture. Je les tiens pour des descendants attardés des chrétiens primitifs. 


- E. ARMAND.