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DECHEANCE n. f.

Déchoir, être abaissé, avili. Tomber dans une situation moins avantageuse que celle que l'on occupait primitivement. La déchéance d'un individu, d'un monarque, d'une société, d'un Etat, d'une civilisation.

La déchéance, au sens bourgeois du mot, emprunte différentes formes. Il y a d'abord la déchéance commerciale qui est prononcée en vertu des articles 168 et suivants du Code pénal, contre tout commerçant ne faisant pas « honneur » à sa signature. Pourtant la bourgeoisie se moque magistralement de cette déchéance, et lorsque ses intérêts le guident sur cette route, le commerçant n'hésite jamais à se laisser déclarer en faillite, car au bout d'un certain temps « la déchéance » est prescrite et le voleur légal, redevenu honnête homme, peut recommencer ses forfaits.

La déchéance d'un prince, d'un monarque est parfois la conséquence d'un coup d'Etat et souvent l'effet d'un soulèvement populaire. La déchéance du roi Louis XVI fut prononcée par la Convention, elle fut définitive car le peuple grondait et en avait assez du régime monarchiste. Celle de Napoléon 1er offre le spectacle le plus répugnant de la lâcheté et de la bassesse des courtisans. Ce fut le 3 avril 1814 que le Sénat qui s'était courbé si humblement devant Napoléon s'empressa de prononcer sa déchéance et celle de sa famille ; mais lorsque l'Empereur revint au mois de Mars suivant, il retrouva pour plier le genou devant lui tous ceux qui avaient été les premiers à le déclarer déchu de ses droits et de ses titres.

Plus près de nous nous avons la déchéance de Guillaume II, ex-empereur d'Allemagne, qui à la suite de la guerre meurtrière de 1914 fut obligé d'abandonner la couronne, et de céder la place à l'organisation républicaine. Espérons que bientôt la monarchie ne sera plus qu'un vestige du passé et qu'une fois prononcée universellement, les peuples se mettront à l'ouvrage pour prononcer la déchéance du capital.

Mais la déchéance ne se manifeste pas seulement dans les classes privilégiées, et bien des individus appartenant aux classes opprimées se dégradent et s'avilissent. N'est-ce pas une déchéance que de se livrer à la boisson et de se laisser dominer par ce vice terrible qui cause tant de ravages dans les populations ouvrières? N'est-ce pas une déchéance de prêter, tel le policier, le gardien de prison, son concours au capitalisme pour lui permettre d'exploiter le prolétariat ; n'est-ce pas déchoir que de tirer sur les hommes en grève lorsque l'on a revêtu l'uniforme militaire?

Par ses vices, par ses crimes, par ses orgies, la bourgeoisie est plongée dans une période de déchéance, et si nous voulons remplacer le régime capitaliste par une société idéale, il faut s'élever, s'agrandir, être meilleurs que nous le sommes et apposer à la déchéance du capitalisme l'évolution progressive du prolétariat manuel et intellectuel.