DÉCRASSER
verbe
Enlever la crasse ; nettoyer l’ordure qui se pose sur le corps ou sur
les vêtements. Se décrasser au savon ; prendre un bain pour se
décrasser. Au sens figuré : libérer un individu de ses préjugés ; lui
donner une instruction, une éducation ; le sortir de l’ignorance dans
laquelle il est plongé, lui donner du relief, le former, le façonner.
D’un être rude et grossier, faire un homme bien élevé et sociable.
« Nous étions de grands ignorants et de misérables barbares
quand les Arabes se décrassaient » (Voltaire). En France, lorsque la
noblesse était encore puissante et qu’une famille bourgeoise achetait
un titre ou une charge, qui donnait la noblesse, on disait qu’elle se «
décrassait ».
Ils sont nombreux les individus à décrasser en ce monde. Voltaire
écrivait déjà à son époque que « ce monde est une fort mauvaise machine
qui a besoin d’être décrassée » et le travail n’a pas encore été
accompli. La grande Révolution a passé, suivie de celles de 1830, de
1848, de 1871, et chacun de ces soulèvements ont enlevé un peu de la
crasse qui s’accumulait depuis des années. Ce ne fut pas suffisant, et
il faut continuer. Il ne faudrait pas s’imaginer que, seule, la
bourgeoisie est responsable de l’état de choses que nous subissons. Le
peuple a aussi une grande part de responsabilité dans le régime social
qui nous est imposé. Le peuple se lave physiquement, mais
intellectuellement et moralement il commence seulement à se décrasser.
Son cerveau est encore encrassé de mille et mille préjugés qui le
tiennent lié au passé et aux vieilles traditions, et ce sont tous ces
facteurs rétrogrades qui entravent l’évolution.
Les croyances spirituelles s’effacent peu à peu. La crasse religieuse
disparaît petit à petit, mais la crasse politique prend sa place et il
faudra que le peuple prenne un bon bain pour retirer cette couche
épaisse qui obstrue son intelligence. C’est en se décrassant que le
peuple pourra acquérir le bonheur et là liberté. Qu’il se hâte, car
personne ne se chargera de le décrasser s’il ne se livre pas lui-même à
cette besogne.