DÉCRET
n. m.
Le décret est un acte, un arrêt, une décision du Pouvoir exécutif ayant
pour but d’assurer le fonctionnement des services publics et
l’exécution des lois. Le décret est donc un complément de la loi, et se
différencie de cette dernière de ce fait que les lois sont votées par
les Assemblées législatives, tandis que les décrets sont rendus par les
chefs d’Etat ou de Gouvernement.
Il y a en France plusieurs catégories de décrets. La Constitution de
1875 accorde au Président, de la République le pouvoir de rendre des
décrets dits « décrets gouvernementaux ». De même que les décrets
spéciaux ou individuels, qui ne sont en réalité que des ordonnances et
règlements d’ordre administratif, les décrets gouvernementaux sont
contre-signés par un ministre. En général, dans la promulgation d’un
décret, bien qu’il le signale, le chef d’Etat ne fait office que de
paravent et le décret est toujours rendu à la demande du ministre qui
en est l’auteur responsable. Il arrive parfois, lorsqu’un Gouvernement
se trouve en difficultés, qu’il réclame du Parlement l’abandon de ses
pouvoirs et l’autorisation de rendre des décrets ayant force de loi.
C’est ce que l’on appelle les décrets-lois. Lorsque le Parlement répond
favorablement à cette demande, le chef du Gouvernement est alors pourvu
d’une puissance qui en fait un véritable autocrate, ses actes n’étant
même plus soumis au contrôle des Assemblées législatives. Nous savons
fort bien que la loi est une chose néfaste en elle même et qu’il n’y a
rien de bon à attendre d’un Parlement ; il n’est cependant pas inutile
de souligner que lorsqu’un Parlement abandonne les prérogatives qui lui
ont été transmises par le peuple naïf et confiant, il abuse du pouvoir
qu’il détient, et s’il agit ainsi c’est qu’aux époques de difficultés
et de trouble, il n’a pas le courage de prendre ses responsabilités et
préfère se livrer entièrement à un homme d’Etat qui exerce alors
librement sa dictature.
Comme tout ce qui émane du Gouvernement, un décret ne peut jamais être
bienfaisant pour le peuple. Les Gouvernants sont placés à la tête d’un
Etat par une poignée de gros industriels et de gros financiers dont ils
sont les jouets et les complices, pour défendre la bourgeoisie et le
capital, et leurs fonctions consistent à prendre les mesures les plus
propres à maintenir les privilèges des classes possédantes. En
conséquence les classes opprimées n’ont rien à attendre des gouvernants
et de leurs décrets. Il arrive également qu’un Gouvernement prenne sous
son entière responsabilité la publication d’un décret sans en avoir
obtenu l’autorisation préalable du Parlement. Nous avons vu, en France
par exemple, que le Gouvernement n’hésita pas, en 1914, à décréter la
mobilisation générale et que, devant le fait accompli le Parlement ne
protesta même pas contre cet abus qui, cependant, jetait dans la mêlée
et dans la mort des millions d’individus. Quelle confiance peut-on
alors accorder à ces Assemblées législatives qui prétendent représenter
la majorité du peuple, agir en son nom, veiller au respect des volontés
populaires et qui laissent à quelques hommes la puissance de disposer à
leur gré de la vie de toute une génération. De même que le peuple
abandonne sa force entre les mains du député qui lui ment et qui le
gruge, le député abandonne la sienne entre les mains des gouvernants.
Il n’y a pas à chercher de vice de forme dans cette manière de
procéder, c’est la forme elle-même qui est viciée ; le décret est une
conséquence, une résultante du régime d’autorité et quelle que soit son
étiquette monarchiste, ou républicaine, il faudra détruire le régime
pour s’en libérer.