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DENTS, HYGIENE DENTAIRE

Avant de passer au développement que comporte un tel sujet, il est utile de donner quelques détails sur le passé, ceci dans un but strictement instructif. Cette description permettra de mieux apprécier les progrès réalisés dans cette branche, tant au point de vue thérapeutique que prothétique. Nous verrons, par quelques exemples, les choses les plus burlesques, les plus incroyables ; la crédulité publique, le peu de connaissance en la matière ou la peur de l’extraction faisaient que beaucoup de personnes prenaient le mal de dents comme un mal inévitable et qu'il n'y avait qu'à supporter patiemment ce mal « d'amour » pour qu'il disparût. On souffrait autrefois autant sinon plus que de nos jours, car les connaissances médicales étaient précaires. On essayait surtout d'ôter la dent malade avec des instruments qui étaient de véritables instruments de torture. Nous constatons que Rois, Seigneurs, Puissants du jour souffrirent atrocement des dents. François 1er, Charles VII, Henri IV, etc., souffrirent ou eurent à subir des interventions chirurgicales. Mais arrêtons-nous un peu à Louis XIV. Louis XIV souffrait énormément des dents. Périodiquement, sa joue enflait et un abcès malencontreux venait déformer la figure de cette royale majesté, qui, dans sa toute puissance, ne pouvait que se mettre des cataplasmes de mie de pain et de lait sur sa noble joue. Il en souffrit tellement que les archiatres du temps inscrivaient dans le journal de sa Majesté : « Il n'y aurait rien à souhaiter, si la mauvaise disposition de sa mâchoire supérieure côté gauche, dont toutes les dents avaient été arrachées, ne l'eût obligé de remédier à un trou de cette mâchoire qui ; toutes les fois qu'il buvait ou se gargarisait, portait l'eau de sa bouche dans le nez d'où elle s'écoulait comme d'une fontaine. Ce trou s'était fait par l'éclatement de la mâchoire arrachée avec les dents qui s'étaient enfin cariées et causaient quelques fois des écoulements de sanie et de mauvaise odeur ». S'il en était ainsi de cet auguste personnage, soigné par les représentants les plus distingués de la médecine, vous pensez ce qu'il en devait être des malheureux dont, par le marteau, la tenaille ou le ciseau, le forgeron, le maréchal ou le barbier soignaient la dentition!

On peut dire que pendant plusieurs années Louis XIV souffrit atrocement, à telle enseigne que le pus coulait continuellement de ses blessures et qu'il sentait mauvais à deux pas. Louis XVI, au cours de son séjour forcé à la prison du Temple, eut une fluxion. Il demanda un dentiste. La Chambre du Conseil se réunit et dut statuer si Louis Capet aurait satisfaction. La Chambre refusa, sous prétexte que Louis XVI pouvait parler au dentiste et le corrompre. Napoléon se servait de cure-dents en quantité considérable. Lui-même attribuait à ses soins sa belle denture. Au cours de sa captivité, il eut besoin du dentiste, pour l'extraction d'une dent de sagesse et Napoléon le Grand, Napoléon qui fit trembler le monde cria, tempêta comme un perdu, pour faire extraire cette dent, à tel point que Betsy, sa petite amie, lui dit en avoir honte pour lui : « l'homme est un apprenti, la douleur est son maitre ».

Pendant ce temps le peuple se fiait aux rebouteux, aux barbiers et autres arracheurs de dents. La peur de l'extraction lui faisait employer des remèdes extravagants. Le plus populaire, le plus estimé, était l'urine humaine. Ce remède était très recommandé par 1es doctes savants de l'époque. Fauchard, le père de la « dentisterie », n'hésitait pas à en recommander l'emploi. « Il consiste, disait-il, à se rincer la bouche avec quelques cuillerées de son urine toute nouvellement rendue. Ce remède est bon. On a un peu de peine au commencement à s'y accoutumer, mais que ne fait-on pas pour son repos et sa santé? » Et l'auteur nous avertit que ce remède est très approuvé par messieurs les professeurs de la Faculté de Médecine. Un autre remède fameux : « Prenez la patte gauche de derrière d'un crapaud séché au soleil ; mettez-la entre deux linges fins et appliquez-la sur la joue à l'endroit de la dent qui vous fait mal, et la douleur cessera aussitôt ». Pour faire tomber les dents, voici un moyen infaillible : « ayez un lézard vert, mettez-le dans un pot et faites-le sécher au four, puis réduisez-le en poudre, frottez de cette poudre la gencive et la dent que vous voulez faire tomber, et vous la tirerez sans peine avec les doigts ».

Ensuite, des charlatans allèrent de ville en ville, en de riches apparats avec de brillants équipages. Trompes et tambours annonçaient au loin l'arrivée du célèbre Untel qui arrache les dents avec un sabre et sans douleur. Mais ceci est presque de nos jours, puisque nos grands-pères qui vivent encore ont vu ces arracheurs et ont eu besoin de leurs services.

A côté de ces extravagances, il y avait des médications raisonnées : girofle, pyrèthre, guimauve, etc… Il y avait aussi des dentistes qui travaillaient sérieusement à améliorer l'art dentaire. Les appareils de prothèse dentaire étaient sculptés dans de l'os ou dans des défenses d'hippopotame ; c'étaient encore des appareils en or ou en platine sur lesquels étaient fixés des dents humaines.

La dent est un organe dur « ostéoïde », calcaire, d'apparence osseuse, implantée dans l'épaisseur des arcades maxillaires. Les dents sont destinées spécialement à la mastication et à la phonation. Il y a trois sortes de dents : les incisives qui servent à couper, à inciser, qui se divisent en centrales et latérales ; il y en a 4 par mâchoire. Les canines qui servent à tenir, à déchirer ; il y en a 3 par mâchoire ; enfin les molaires, qui se divisent en petites molaires au nombre de 4 qui aident les canines et les grosse molaires, au nombre de 6, qui servent à triturer, à broyer.

La partie de la dent que l'on voit dans la bouche est la couronne ; les racines sont implantées dans les maxillaires. La couronne est constituée par une couche dure appelée émail qui enveloppe complètement l'ivoire qui est la partie constitutive la plus grosse de la dent ; au milieu se trouve tout un paquet vasculo-nerveux ; c'est le centre vital de la dent. Au centre de chaque racine passe un filet nerveux.

Il y a deux dentitions : la première temporaire ou dents de lait ; la deuxième permanente ou définitive. La première dentition évolue du 7ème mois de la vie au 33ème mois. Ces dents sont au nombre de vingt. Les dents permanentes ou de 2ème dentition comportent un total de 32 dents. L'éruption de chaque dent permanente est précédée de la chute de la dent temporaire correspondante, sauf pour les grosses molaires. L'éruption commence vers 6 ans et se termine en général vers 25 ans par la dent de sagesse.

Il importe de savoir que vers le 40ème jour de la vie intra utérine apparaît, sur le bord de l'embryon, une saillie ou bourrelet épithélial. Ce bourrelet se transformera suivant un processus embryologique qu'il est superflu de développer ici et donnera naissance aux dents. Il faut savoir aussi que la calcification commence vers le quatrième mois de la vie intra utérine, que par conséquent à partir de ce moment, toute maladie chez la mère ou toute mauvaise nutrition se représentera sur l'embryon en général et sur ses dents en particulier. En un tel état, la maman devra suivre un régime alimentaire prescrit par le médecin, régime qui compensera la déperdition de ses forces et donnera à l'embryon les moyens de constituer normalement ses dents.

Au cours de la grossesse et de l'allaitement, la mère devra tenir sa bouche dans un état de rigoureuse propreté, si elle ne veut pas voir la carie se développer avec une rapidité désespérante. Dans cet état spécial, la mère se trouve en déficience ; ses dents se déminéralisent légèrement, le milieu buccal s'étant transformé permet les fermentations acides, qui détruiront l'émail de la dent d'autant plus rapidement qu'à ce moment la maman se délaisse personnellement pour ne penser qu'à l'être attendu ou à dorloter le mignon bébé. Toutes les mamans vous diront : « j'ai commencé à perdre mes dents à mon premier enfant ». De plus, il ne faut garder, sous aucun prétexte, des chicots des dents cariées ou abcédées, car non seulement la mère s'intoxique ; mais, ce qui est plus grave, elle intoxique lentement son enfant.

Que ceux qui ont à charge d'élever un enfant veuillent bien y apporter le plus grand soin, car l'enfant, est pour son développement physique et intellectuel, sous la dépendance de son intestin, par conséquent l'enfant doit pouvoir bien triturer ses aliments pour bien les digérer et pouvoir les assimiler le plus complètement possible, afin d'acquérir le plus d'éléments pour le développement de son individu. D'autre part, un enfant ayant de mauvaises dents, souffre, mange mal, dort mal, s'intoxique par absorption de bactéries et microbes. Sa santé générale est ébranlée, son système nerveux se fatigue. L'enfant est alors en état de moindre résistance, il est prédisposé à toutes sortes de maladies, particulièrement à la tuberculose.

Qu'est-ce donc que la carie dentaire? La carie est l'altération des tissus durs de la dent. Cette altération est surtout caractérisée par sa nature infectieuse. Diverses causes ont altéré ces tissus : traumatiques, chimiques, maladies, etc..Aussitôt les microorganismes s'introduisent dans les canalicules de l'ivoire désorganisant, par leur action nécrogène, plus ou moins complètement la dent. Si on n'intervient pas, si la nature ne peut réagir, la dent se désintègre complètement et peut amener des complications graves.

On s'aperçoit de jour en jour de l'importance du milieu buccal sur l'état général et inversement. Aussi, en pathologie générale, on ne peut pas ne pas se préoccuper de la bouche, véritable carrefour des voies digestives et respiratoires. En effet, on peut dire que les neuf dixièmes des maladies infectieuses ont leur porte d'entrée par la bouche. Irritation de l'estomac recevant des aliments mal triturés et infectés, provoquant des gastrites septiques. L'absorption continuelle de pus peut provoquer des affections du foie, des reins, du cœur, du cerveau. Je puis citer le cas de la sœur d'un camarade que l'on traitait dans une clinique pour son système nerveux détraqué. Bromure, douche, tel était le traitement. La simple extraction de ses dents mauvaises, au nombre de 17, remit, en quelques semaines, cette personne dans son état normal. Chez les fumeurs par exemple le cancer a plus de chance de se développer dans une bouche malpropre. On peut dire que le cancer guette le fumeur aux dents sales. Au cours d'épidémies, les personnes ayant une bouche en mauvais état sont les plus touchées. Presque tous les microbes peuvent se trouver dans la bouche à l'état normal sans provoquer aucune manifestation pathologique ; mais il suffit d'un état de moindre résistance pour que l'équilibre biologique soit rompu.

Il faut donc, à l'état normal, avoir une hygiène buccodentaire rigoureuse et à plus forte raison au cours de maladie ou d'accidents graves. Une brosse dure et du savon de Marseille sont des armes indispensables pour voir dans un gracieux sourire une belle rangée de perles se détachant d'une gencive rose et ferme.

Nos cabinets dentaires modernes disposent de moyens scientifiques pour soigner et guérir sans aucune douleur. La thérapeutique dentaire a acquis les mêmes progrès que la thérapeutique médicale. L'art dentaire bénéficie des moyens chimiques et électriques soit pour la désinfection, la stérilisation électrique, Rayons X, haute-fréquence, les anesthésiques, etc…La prothèse dentaire s'est surtout manifestée par les travaux d'or et de porcelaine qui permettent de remplacer et de remplir parfaitement la fonction naturelle disparue. L'orthodontie a permis de régulariser une denture en position vicieuse et le professeur P. Robin, des Enfants malades, a transporté sur les mâchoires et sur la face cette théorie, obtenant ainsi des résultats surprenants. Il existe, dans beaucoup d'hôpitaux de Paris, des services dentaires gratuits, où le dévouement des professeurs et des élèves est sans égal, mais où l'administration de notre régime routinier et arbitraire empêche d'étendre plus largement ces services qui ne sont pas outillés comme ils devraient l'être. Quoi qu'il en soit, il n'est plus permis, de nos jours, d'avoir peur de souffrir chez le dentiste. A mesure que le progrès rentrait par la porte, la douleur se sauvait pas la fenêtre.



- M. PARANT.

N. B. - Les exemples cités dans la première partie de cette étude, sont empruntés à Dagey.