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DEVOUEMENT n. m.

Action de se dévouer, de se donner à une chose, à une idée, à une personne qui nous est chère et pour laquelle on abandonne ses intérêts particuliers, et parfois sa vie.

On cite assez fréquemment comme un exemple de courage et de dévouement, Léonidas, roi de Sparte, qui, avec 300 de ses compagnons, se firent massacrer aux Thermopyles, plutôt que de se rendre à la puissante armée des Perses, conduite par Xerxès.

Le dévouement des premiers Chrétiens est également légendaire, et l'on connaît tous les supplices qu'ils subirent, sans jamais vouloir renoncer à la croyance à laquelle ils étaient attachés. Il est pénible de constater que tous ces sacrifices, tous ces dévouements n'ont servi qu'à faire du Christianisme une agence politique au service des puissants, et que cette abnégation de soi fut à peu près inutile.

Il n'y a pas que l'enthousiasme, la raison, ou la logique qui soient des facteurs de dévouement : la sentimentalité et le fanatisme engendrent également le dévouement, et s'il est des êtres qui se dévouent pour une idée ou pour une cause qui est juste, il en est d'autres qui se dévouent pour une erreur. Il en résulte que des actes d'héroïsme sont accomplis par des individus et que ces actes ont des répercussions désastreuses sur l'ensemble de la collectivité.

La guerre, par exemple, est un champ d'action propice au dévouement, et il est certainement - car le courage n'est pas un privilège révolutionnaire - des patriotes qui sont prêts à donner leur vie pour « la défense de leur patrie ». Il est bien entendu qu'il ne peut être question ici des patriotes intéressés, des politiciens et des commerçants du patriotisme ; mais des patriotes sincères - il y en a hélas! - qui n'hésitent pas à se dévouer à leur mauvaise cause. Il en est de même du reste de toutes les causes. La vérité est « une » et l'erreur est nombreuse. Or, chacun défend une conception différente et particulière, et par conséquent il est de toute évidence qu'il est des dévouements inutiles, voire nuisibles.

Quoi qu'il en soit, raisonnable ou aveugle, une cause ne grandit que par le dévouement de ceux qui y sont attachés. C'est le dévouement des premiers chrétiens qui a permis au Christianisme de s'étendre, de pénétrer partout et de gagner le monde. Si le Christianisme n'est plus aujourd'hui qu'un odieux commerce, qu'un ignoble négoce, cela tient justement à ce que le dévouement de ses adeptes ne reposait pas sur la raison mais sur le fanatisme.

Nous avons de nos jours, un autre exemple frappant du dévouement fanatique. Le Bolchevisme, qui est une religion, offrant de nombreux points de communauté avec le jésuitisme catholique, a de nombreux adeptes, et fait naître en eux un esprit de dévouement. Il n'est pas suffisant, pour combattre le bolchevisme, de déclarer que les hommes qui président à ses destinées sont corrompus par l'exercice du pouvoir, et qu'ils ne sont plus des révolutionnaires sincères. De même que le Christianisme, le bolchevisme pénètre partout parce qu'il inspire une certaine séduction et fait naître un certain esprit de sacrifice. Or, les êtres simples sont facilement influençables et se laissent subjuguer par les actes de courage d'autrui. Le commun ne comprend pas que l'on puisse mourir en se trompant, et leur sympathie est toujours orientée, par sentimentalisme, vers ceux qui souffrent pour une cause, cette cause fût-elle la plus arbitraire, la plus illogique et la plus tyrannique. Il est évident que l'homme qui se sacrifie à ses idées, quelles qu'elles soient, est un homme sincère, et par conséquent respectable et, si l'on ne peut qu'admirer son courage et son abnégation, il faut cependant se garder de s'arrêter à l'acte sans en étudier les causes déterminantes, et les idées qui ont inspiré cet acte.

C'est justement la profonde erreur du peuple de n'étudier les problèmes que superficiellement, et de s'attacher aux individus et non aux principes qui les guident et c'est pourquoi le dévouement fanatique est un facteur de propagande et de recrutement pour les partis en faveur desquels il s'exerce.

Chaque parti, chaque organisation sociale eut à son service des hommes dévoués ; chaque cause a donné naissance à des martyrs. On trouvera dans cette encyclopédie au mot « Attentat », page 184, une liste éloquente des hommes qui se sacrifièrent pour leurs idées, mais tous les hommes dévoués ne sont pas des martyrs ou des héros, et l'on peut servir une cause sans toutefois avoir le tempérament, le courage, la volonté, l'énergie de se livrer à des actes de violence, individuels, contre les institutions ou les individus que l'on combat.

Pourtant il faut s'imprégner de cette idée que si l'on est sincèrement révolutionnaire il faut s'attendre à ce que le dévouement à la cause que l'on défend soit appelé à nous conduire au sacrifice de la vie, car il est impossible de concevoir qu'une révolution puisse être un mouvement pacifiste et qu'une transformation sociale puisse s'effectuer sans effusion de sang.

Il faut donc espérer que lorsque les événements nous conduiront à la lutte et que l'heure sonnera pour tous ceux qui aspirent à un monde meilleur, les dévouements seront nombreux, et que grâce à leur volonté de vaincre et de se 1ibérer à tout jamais de l'oppression et de l'esclavage, les opprimés sortiront victorieux de la bataille qu'ils se doivent de livrer aux exploiteurs et aux tyrans.