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DIRECTIVE n. f.

Ensemble d'indications, ligne de conduite à suivre, application de décisions prises. Les directives à suivre pour l'affranchissement social sont suffisamment traitées dans cet ouvrage. Nous jetterons nos regards sur ce qui se passera après la destruction du système capitaliste : état, armée, capital, tribunaux, etc. Ce point est essentiellement ardu, car il a pour objet d'envisager la reconstruction, par des directives nouvelles, qui demanderont une entente fraternelle entre les divers points de vue de la réalisation du tout en commun. Les directives nouvelles auront l'efficacité et l'étendue de liberté que sauront leur impulser les individus qui auront eu la bonne fortune de démolir l'outillage de leur oppression, et aborderont la reconstruction sur les bases de notre Idéal, où la Liberté remplacera réellement l'Autorité. Les individus, pour se guider plus sûrement, auront à envisager l'entente des éléments capables d'instaurer la société nouvelle et l'accord à établir sur le rôle que joueront les syndicats, ce qui est un point essentiel. Les tâches particulières seront traitées au fur et à mesure des besoins de la reconstruction, et en application des directives adoptées.

Ce point de vue aura une importance décisive sur la réussite d'application de notre devise : « Bien-être et Liberté » ; c'est pourquoi il faut que cela soit envisagé dès à présent, afin de n'être pas pris au dépourvu au moment propice, et d'éviter, ainsi, les erreurs qui seraient impardonnables, une fois commises. (Nous avons l’étude des lendemains de la révolution russe pour nous guider).

Les syndicats joueront un rôle efficace, si les camarades syndicalistes, anarchistes et coopérateurs veulent bien apercevoir la nécessité, l'obligation, pourrait-on dire, d'avoir à s'entendre pour éviter toute dictature, même par un Etat prolétarien, où la servitude reste toujours à la base, par suite de la conservation de la structure centraliste, dont les directives ont pour résultat l'obéissance et la discipline, par conséquent l'asservissement. C'est cela qu'il faudra éviter à tout prix.

Le syndicat doit être, en cela, d'un fort appui et sera donc très bien à sa place en tant qu'organisme de raccordement, de ralliement, et facteur de répartition pour les transactions et directives prises par l'ensemble des adhérents à la Commune libre, fédérale, régionale, nationale, internationale même.

Ici se pose une explication nécessaire sur le point de savoir pourquoi le syndicalisme est désigné comme facteur, plutôt que l'Anarchie ou le coopératisme. Il n’y là aucune suspicion ni diminution pour l'un et l'autre ; il n'y a qu'une tactique d'opposition plus vigoureuse et plus efficiente contre l'oppression politique, sous quelque forme quelle se présente. Peu à peu, celle-ci perdra de sa force ; ce moment-là marquera son déclin ; mais, en attendant cette disparition, nous aurons à réagir contre les manœuvres des intrigants, des ambitieux, des aspirants à la Dictature.

Le syndicalisme n'étant pas un organisme essentiellement d'affinités, ses cadres permettront plus facilement l'entente entre les individus ; ensuite, il englobera plus facilement tous les travailleurs, tous les individus, par sa structure économique ; de cette façon, nous pourrons plus pratiquement éviter que les humains soient enclins à se plier aux convoitises et aux desseins politiques qui n'auront pas encore tout à fait disparu. Il lui sera aussi plus facile de recevoir les éléments des deux autres groupements : coopératisme et anarchisme ; par conséquent, tous ceux qui luttent pour l'affranchissement, ce qui sera moins praticable dans le seul cadre anarchiste où l'affinité jouera encore son rôle. Cela est à prévoir et ne diminue en rien le rôle définitif et la valeur de l'Anarchisme reconstructif.

La destruction des cadres syndicalistes serait préjudiciable à l'établissement du tout en commun. Ce serait une faute de l'envisager. La politique nous fera une obligation de les conserver pour faire face à la lutte à laquelle celle-ci ne renoncera qu'à l'établissement réel et au fonctionnement normal de la nouvelle société. Ce résultat ne sera pas obtenu du jour au ­ lendemain. Il faudra du temps pour s'y reconnaître et s'orienter à travers le chaos des idées et le fatras des préjugés qu'il faudra vaincre par la raison et une justice qui n'aura rien de commun avec celle qui nous régit actuellement.

Il est à prévoir que les difficultés seraient beaucoup plus grandes pour lutter contre cela dans le seul cadre anarchiste. Poser la question, c'est la résoudre ; sans vouloir, j'y insiste, en quoi que ce soit diminuer la valeur de l'Anarchisme, qui jouera son rôle malgré tout. Mais il serait impardonnable de se leurrer ou, alors, ce serait créer un élément de trouble propice à tous les partis, pour jeter la discorde dans nos rangs, les individus n'étant pas suffisamment éduqués.

Le coopératisme se ralliera certainement, par la force des choses. S'étendre sur ce sujet nous paraît inutile.

Les résultats seront appréciables par le raccordement des trois organismes, avec le syndicat comme facteur de répartition, inspiré de l'idéal libertaire, puisque sans contrainte, il n'y aura nul inconvénient à cela. D'ailleurs, cette nécessité s'imposera suffisamment pour que la question soit envisagée dès aujourd'hui comme moyen de barrer la route à la politique nébuleuse, et toujours confuse. Il est bien entendu que, dans ce ralliement des trois organismes, la plus entière liberté sera laissée aux individus.

Les camarades anarchistes qui se rallient au syndicalisme ont raison d'exposer dès à présent leurs conceptions de reconstruction sociale après la Révolution, au moment de l'établissement d'une société nouvelle. Vous appellerez cela par le nom qu'il vous plaira, anarchie, communisme, fédéralisme, etc. Cela importe peu.

Il est aisé d'apercevoir la lourde faute qui serait commise, si cette entente libre ne pouvait se réaliser ; il en résulterait l'obligation de subir la tutelle des partis autoritaires ou dictatoriaux, conservant Etat, Armée, Tribunaux, Police, Prisons, etc. L'affranchissement serait à recommencer, et l'on envisage avec effroi le retard incalculable pour l'amélioration du sort des spoliés, des asservis ; et cela, pour n'avoir pas su s'entendre sur des points de vue mal étudiés ; cela serait impardonnable, ce ne doit pas être, la raison doit éclairer les individus. Ce qui découle de la vie elle-même doit attirer l'attention de tous pour l'éclosion d'une société où chaque individu sera libre.

Les parias ne peuvent être éternellement le jouet des politico-dirigeants, présents ou futurs, qui tirent profit de nos divisions, que souvent ils fomentent. A nous d'y voir enfin clair, en sachant nous entendre, pour démasquer les ambitieux et les profiteurs.

- AIGUEPERSE