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EGLISE n. f. (du latin ecclesia ; du grec ekklêsia, signifie étymologiquement : réunion ou assemblée)

Par extension : l'ensemble des fidèles d'un même culte, des personnes qui se rallient exactement à un même système idéologique. C'est dans ce sens que l'on a pu parler d'église socialiste, ou d'église anarchiste, pour indiquer que certains protagonistes de ces systèmes exagéraient dans la voie du sectarisme.

D'après les théologiens, l'Eglise englobe, non seulement le clergé, mais tous les adeptes, tous les croyants, même les plus humbles. Son chef - invisible - est Jésus-Christ. Il y a d'ailleurs une Eglise invisible, qui combat, dans l'ombre, à côté de l'Eglise visible et qui est formée de tous les saints trépassés, des anges, etc. Mais ceci est une autre histoire.

Au point de vue politique et social, la puissance de l'Eglise a toujours été concentrée dans le clergé, c'est-à-dire en la personne des hommes qui font profession de servir la religion. C'est pourquoi, il est d'usage de donner au mot Eglise une signification beaucoup moins étendue que celle que je viens d'indiquer. L'Eglise, pour quiconque ne s'embarrasse pas de théologie, c'est, avant tout, le groupement des prêtres d'un culte donné, avec sa hiérarchie et ses chefs. Combattre l'Eglise, ce n'est pas, à proprement parler, combattre tous ceux qui se réclament des idées de cette Eglise, c'est surtout combattre ses dirigeants et ses profiteurs, c'est combattre les castes sacerdotales.

Je me placerai donc à ce point de vue spécial et j'étudierai surtout la vie de l'Eglise en tant que corporation.

Les corporations de prêtres sont bien antérieures, cela va sans dire, aux religions modernes.

En Egypte (et cette admirable civilisation a vécu 5.000 ans), les villes et les provinces avaient leurs dieux particuliers - et leurs prêtres. Dès l'origine, ce fut le régime théocratique, c'est-à-dire le gouvernement des prêtres. Les institutions évoluèrent, ce fut une sorte de féodalité qui s'imposa. Enfin, l'ère des guerres étant venue (elles amènent toujours un renforcement de l'autorité), ce fut le régime de la royauté despotique. Mais : sous tous ces régimes, les prêtres gardèrent leur puissance. Ces monarques absolus avaient besoin d'eux. Les rois n'étaient-ils pas considérés comme des héros, comme des demi-dieux? On leur dressait des autels et on les adorait. Le culte des morts avait pris un développement incroyable et le peuple obéissait à une foule de superstitions. Aussi chaque ville importante avait son grand prêtre, chef absolu du clergé, lequel, je le répète, était nombreux et indépendant, même sous le despotisme royal, lorsque le gouvernement théocratique proprement dit eut pris fin.

L'exemple de l'Egypte (la plus vieille civilisation humaine), nous permet de constater que le cléricalisme (domination du clergé), est un phénomène social ancien. Sans doute est-il aussi ancien que la religion elle-même. Les croyances, nées de la peur et de l'ignorance, eurent à peine été formulées qu'il se trouva des hommes, plus subtils et plus adroits que les autres, pour les exploiter et en tirer profit. C'est le sorcier, le faiseur de pluie, celui qui sait conjurer les sorts et qui connaît le secret des destins : mots magiques, amulettes précieuses, incantations et prières,

Que les prêtres, dès l'origine, aient éprouvé le besoin de s'entendre entre eux, on ne peut en douter. Assurément ils étaient rivaux et se disputaient la clientèle mais une concurrence trop vive, en dévoilant aux profanes le secret de leur imposture, eût été très néfaste. Ils avaient le plus grand intérêt à se prêter la main, et ils constituèrent ainsi des associations qui allèrent en se développant, qui fixèrent le dogme, précisèrent les rites et formulèrent les règles selon lesquelles le troupeau des fidèles devait être conduit... et étrillé.

Ouvrons la Bible, au Lévitique. Nous y trouvons exposés les principes les plus rigoureux de la théocratie juive. Le peuple de Moïse était gouverné, et solidement, par ses prêtres (ou lévites). Tout est prévu dans cette charte d'Israël : la nature des offrandes à faire aux prêtres ; les péchés et les crimes réprouvés par Jahvé et les châtiments dont les coupables doivent être frappés. Et tout cela est dicté par Dieu lui-même, afin d'empêcher toute protestation.

Si nous nous transportions chez les Perses (sectateurs de Zoroastre), ou dans l'Inde de Brahma et de Çakya Mouni, nous pourrions faire d'identiques observations. Les Brahmes ont fait peser sur le malheureux peuple indou une tyrannie aussi lourde et aussi cruelle que celle des prêtres de Quetzalcóatl de l'Ancien Mexique - ou du Pérou, ou de vingt autres peuples que nous pourrions énumérer.

Pour rendre nos critiques plus vivantes, bornons-nous à étudier les Eglises de nos pays d'Europe. Nous sommes plus familiers avec leur histoire et ma tâche sera facilitée (en raison du peu de place dont je dispose). Mais, je le répète, en tous les temps et dans tous les lieux, les prêtres ont formé des « églises » avides de pouvoir et d'argent, étroitement solidaires des puissances sociales, comme nous le verrons.

La plus importante - et de beaucoup - des églises qui ont régenté l'Europe (et dont l'activité s'est du reste exercée dans le monde entier) est sans contredit l'Eglise Chrétienne, également nommée Eglise catholique, apostolique et romaine.

Le christianisme, comme toutes les religions, a dû se défendre contre des déchirements intestins, des divisions, des schismes, des hérésies, que je ne pourrai indiquer que brièvement. Certains rameaux se sont détachés du tronc central. Indiquons rapidement, celles de ces « Eglises séparées » qui subsistent encore aujourd'hui (car nombreuses sont les sectes schismatiques qui ont complètement disparu, broyées impitoyablement et supprimées par le massacre et les pires violences).

Les Eglises orientales non catholiques comprennent quatre églises mineures, ainsi nommées parce quelles sont peu importantes. Ce sont : l'Eglise arménienne ; l'Eglise syrienne (ou jacobite) ; l'Eglise chaldéenne (ou nestorienne), et l'Eglise copte (dont le chef est le patriarche d'Alexandrie). Chacune de ces Eglises est indépendante et se dirige selon ses traditions propres.

A côté d'elles, et beaucoup plus importantes, il faut placer les différentes Eglises orthodoxes (ou byzantines, car elles prétendent continuer l'antique Eglise de Byzance). On les divise en trois branches : les helléniques, de langue grecque ; les melkites, de langue arabe ; les slaves, de langue russe. Elles englobent environ 150 millions de fidèles. Contrairement à l'Eglise romaine, l'Eglise d'Orient déclare ne faire aucune politique et se défend d'exercer la moindre pression sur les Etats. On peut douter de la sincérité de ces principes, quand on sait quelle place importante l'Eglise orthodoxe occupait en Russie sous le tsarisme. Les prêtres touchaient 50 millions de roubles par an (soit 150 millions de francs). Le Synode avait en banque 70 millions de roubles en dépôt. Eglises et couvents possédaient d'immenses domaines : 2.300.000 déciatines de terre (soit environ 4 millions et demi d'hectares!) Il y avait en Russie 30.000 écoles paroissiales, avec 20.000 prêtres payés par l'instruction publique. Juifs, Musulmans et Catholiques payaient des impôts pour appointer les prêtres orthodoxes, au nombre de 65.000, sans parler des moines, nonnes et novices, qui étaient plus de 80.000. On voit que l'orthodoxie est une plante aussi envahissante et aussi parasitaire que la catholicité.

La guerre mondiale et la révolution russe ont porté un coup terrible à l'Eglise orthodoxe (dont le tsar était le chef). Le patriarche de Constantinople a été ruiné, lui aussi, et sa situation est restée ébranlée ; il préside toujours l'Eglise grecque, mais celle-ci est divisée en une infinité de petites Eglises nationales ayant leur propre chef. La Papauté s'est appliquée de son mieux à tirer profit de cette situation et à exploiter la déconfiture de ses rivales grecques et orthodoxes.

A côté du schisme grec, qui déchire les chrétiens depuis plus de 1.200 ans, il faut placer le schisme protestant, plus récent mais tout aussi redoutable pour Rome. La réforme est née en réaction contre les crimes et, les turpitudes des prêtres catholiques, elle voulut assainir et purifier la vieille bâtisse et constitua pour l'Eglise une sérieuse menace, que les Papes n'hésitèrent pas à combattre par le fer et par le feu. Elle gagna rapidement l'Allemagne, l'Angleterre, la Suisse ; une partie de la France, les Pays scandinaves, etc. Aujourd'hui, les Eglises protestantes semblent perdre du terrain partout devant l'Eglise romaine, plus habilement organisée.

Les sectes protestantes actuelles (les principales, car il y en a des centaines!) sont les suivantes : d'abord, les méthodistes (secte fondée à Oxford en 1729, par les frères Wesley), qui groupent 20 millions d'adeptes en Angleterre et aux Etats-Unis ; les Anglicans (Eglise anglicane), parmi lesquels se dessinent des courants très différents, les uns sont farouchement attachés aux traditions austères et bornées, les autres ont des velléités libérales et avancées. Cette Eglise renferme 25 millions d'adhérents, la plupart en Angleterre. Viennent ensuite les Luthériens, ou Eglise réformée d'Allemagne. La chute du Kaiser a porté un coup sensible à leur puissance.

Les Eglises réformées de Russie, de France, de Hollande, etc., se réclament plutôt de Calvin que de Luther. Elles sont aussi divisées ; les éléments démocratiques et pacifistes sont mal tolérés par les partisans des traditions réactionnaires. Le protestantisme libéral fait cependant de continuels progrès mais, en réalité, il travaille involontairement pour la Libre Pensée, car il y a incompatibilité entre l'esprit religieux et l'amour de la liberté et du libre examen.

Je n'indique que pour mémoire l'Armée du Salut, les Mormons, les Scientistes (adeptes de la guérison par la suggestion, ou Christian Science). Ce sont les plus connues parmi les innombrables sectes protestantes qui pullulent en Angleterre et aux Etats-Unis.

Un rapide coup d'œil sur l'histoire de l'Eglise catholique nous fera voir comment elle est parvenue à conserver son unité et à briser les tentatives de scission. Les autres Eglises ont pu être aussi intolérantes et parfois aussi brutales que celle de Rome, mais, d'une façon générale, il faut reconnaître que celle-ci mérite la palme de la tyrannie. Son histoire sanglante est entièrement dominée par le souci de s'enrichir, de subjuguer les peuples et leurs dirigeants pour gouverner le monde à son seul profit.

Le développement du christianisme depuis ses origines est un phénomène extrêmement curieux qu'il est intéressant d'étudier avec soin. Nous voyons alors se former lentement et patiemment la plus lourde institution despotique que l'humanité ait jamais supportée.

Au début, les chrétiens se différenciaient à peine des Juifs ; ils demeuraient membres de l'Eglise israélite (comme Jésus lui-même, du reste. Celui-ci priait dans le Temple ; il a critiqué son organisation et il a demandé - d'après les évangiles, il va sans dire, car rien ne démontre qu'il ait véritablement existé - son amélioration, mais il n'a prêché à aucun moment la fondation d'une nouvelle église). Le christianisme serait aussi une petite secte juive, si l'épileptique Paul de Tarse (saint Paul) n'était venu lui donner une impulsion toute particulière.

Les religions romaines s'adressaient surtout aux riches et ne s'intéressaient guère à la plèbe. Celle-ci devait être facilement touchée par les arguments d'une secte qui prêchait l'égalité et le mépris des richesses. Car le christianisme fut, à son début, faute de mieux, un mouvement égalitaire, qui recruta ses adeptes dans les classes les plus humbles.

Paul était ouvrier tapissier et gagnait sa vie par son propre travail. Il disait : « Celui qui ne travaille pas ne doit pas manger ». Il n'y avait pas de prêtres ni d'évêques appointés, chez les premiers chrétiens.

Paul voyageait sans cesse, fondant un peu partout des groupes de fidèles, qui restaient en correspondance entre eux. Les adeptes se réunissaient pour prendre leurs repas en commun ; chacun apportait ses vivres. Des chrétiens dévoués (diacres et diaconesses) servaient leurs frères et leurs sœurs à table : ils le faisaient gratuitement, par pur dévouement. Les premiers représentants de l'Eglise catholique ont donc montré un désintéressement... que nous ne retrouverons plus dans la suite des siècles. Chaque groupe avait une caisse commune, dans laquelle chacun versait librement son superflu ou son obole.

Les Juifs orthodoxes voyaient d'un mauvais œil le développement de la nouvelle secte. Paul faisait appel, ô abomination, à des non-circoncis ; il infligeait plus d'une entorse à la vieille loi hébraïque. On voulut se défaire de lui, et il s'en fallut de peu que le christianisme fût étouffé dans l'œuf. Entre juifs et chrétiens, ces frères ennemis, la querelle allait en grossissant ; on en venait même aux mains. Paul faillit être assommé. Il fut mis en prison, mais sa qualité de citoyen romain le sauva.

Après saint Paul, l'Eglise continua à se développer lentement. Jérusalem avait été détruite et les Hébreux dispersés. A défaut des polémiques entre Juifs et Chrétiens, les Chrétiens vont à présent polémiquer entre eux, avec une âpreté sans précédent jusqu'alors.

Ils formaient alors des associations quasi-clandestines et purement laïques. A côté des diacres et des diaconesses dont j'ai parlé, ils avaient bien des évêques (episcopos), mais ces personnages remplissaient tout simplement un rôle de surveillants dans les assemblées. On les appelait aussi les Anciens. Les Chrétiens se reconnaissaient à l'aide de signes mystérieux et s'entouraient volontiers d'obscurité, bien qu'ils ne fussent pas encore persécutés. On peut même penser que la haine du peuple fut, en partie, éveillée par le caractère secret du christianisme, qui suscita des méfiances et une forte animosité. De là à leur attribuer la responsabilité des événements fâcheux (pestes, incendies, etc.), qui pouvaient se produire, il n’y avait qu'un pas à franchir.

Les premiers chrétiens croyaient la fin du monde imminente. Jésus l'avait annoncée. Ils attendaient son retour d'un moment à l'autre, Cette croyance (dogme de la Parousie) explique leur mépris des choses matérielles, du mariage et de l'amour ; elle explique aussi leur communisme et leur souci de travailler uniquement à leur salut spirituel, afin d'être prêts à comparaître bientôt devant le grand juge.

Les premiers actes d'intolérance furent commis par les chrétiens eux-mêmes, qui allaient la nuit détruire et renverser les statues des « faux dieux », ce qui exaspérait la superstition populaire. Autrement, on était très libéral à Rome, en matière de religion et les cultes les plus différents y voisinaient fraternellement sans se contrecarrer. Tout cela changea avec le christianisme qui ne tarda pas à attirer sur lui de terribles représailles.

L'ère des persécutions est souvent évoquée par les chrétiens modernes. Ils préfèrent nous parler des « martyrs chrétiens » que nous causer... des crimes de l'Inquisition, par exemple. Il faut bien dire que les premiers chrétiens n'ont jamais été persécutés d'une façon aussi odieuse, aussi systématique que le furent les hérétiques par l'Eglise. J'en donnerai une preuve : les chrétiens, en dépit de cette persécution, ont pu résister et développer leur Eglise, tandis que les Vaudois, les Albigeois et beaucoup d'autres ont totalement disparu devant la répression savamment organisée par les catholiques. Plus tard, le protestantisme fut étouffé complètement en Espagne et en Italie, par des moyens aussi barbares.

Une persécution absolue peut tuer une idée et la noyer dans le sang. Une demi-persécution la favorise au contraire, l'exalte et la stimule. Ce fut le cas pour le christianisme. Les Empereurs, menacés par les Barbares du dehors, n'avaient guère le loisir de le combattre assidûment.

Les chrétiens cherchèrent d'ailleurs à échapper à cette répression. Ils utilisèrent certaines lois, très libérales, sur les associations funéraires (Delaisi) et ils purent ainsi posséder légalement, recevoir des dons, etc. L'évêque ne fut plus simplement le surveillant, il devint l'administrateur et le trésorier, et comme il donnait tout son temps à ses fonctions absorbantes, il fallut le payer sur la caisse commune. Telle fut la véritable origine de la caste sacerdotale chrétienne. Les fonctionnaires appointés feront tous leurs efforts pour garder leur situation, augmenter leurs ressources et conquérir des prérogatives toujours plus grandes. C'est l'éternel phénomène que l'histoire de toutes les religions sans exception (et l'on pourrait même dire de tous les partis politiques et de tous les groupements sociaux) permet de constater.

A partir de ce moment, le rôle du clergé devint de plus en plus prépondérant. Mais chaque Eglise (ou chaque groupe) était autonome, obéissait aux prêtres quelle avait librement élus et se dirigeait à son gré. Les divers groupes n'étaient pas toujours d'accord, même en ce qui concernait les dogmes ; il en résultait de continuelles disputes entre toutes ces communautés, qui s'injuriaient de leur mieux.

Pendant les périodes de persécutions, le nombre des abjurations était d'ailleurs considérable. Bien peu de chrétiens avaient l'énergie de tenir tête à leurs persécuteurs. Ils faisaient semblant de se soumettre et attendaient tranquillement que la persécution ait cessé. La plupart des évêques donnèrent l'exemple de cet opportunisme.

Lesdits évêques étaient toujours élus, mais on exigea bien vite qu'ils fussent de « bonne naissance ». Progressivement, l'Eglise perdait son caractère démocratique.

Elle le perdit tout à fait le jour où les persécutions prirent fin. Les Empereurs avaient d'abord essayé de détruire la secte nouvelle, n'y parvenant pas, l'un d'entre eux, Constantin, songea à s'en servir comme d'un moyen de gouvernement.

Ce Constantin, que l'Eglise a longtemps honoré comme un saint, est le type du gouvernant machiavélique et du criminel sans scrupules.

Au IVème siècle, le christianisme existait à peine, en tant qu'Eglise. Il n'y avait entre ses membres aucune unité de dogmes. En particulier, l'arianisme soulevait de perpétuels et violents conflits. Constantin sut exploiter cette situation.

On rougit presque de dire sur quelles insanités reposait la grande querelle arienne, qui retentit durant plusieurs siècles et engendra tant de luttes, souvent sanglantes... Arius se séparait de son collègue, l'évêque de Rome (il ne prenait pas encore le titre de pape : par contre, plusieurs évêques orientaux se faisaient appeler papes, sans y attacher une idée de suprématie sur les autres évêques, prétention devant laquelle personne ne se serait incliné) sur la question de la consubstantialité de Dieu le Père avec Dieu le Fils (Arius ne l'admettait pas de la même façon...) Ces chicanes faisaient la joie des païens, ainsi que les polémiques que les chrétiens se livraient sur la nature et l'origine du saint Esprit, sur l'époque où il fallait célébrer la Pâque ; sur le Baptême (est-il valable lorsqu'il est administré par un hérétique?), sur la personna1ité de Marie qui n'était pas encore promue au rang de mère d'un dieu, etc., etc. Telles étaient les ridicules disputes qui passionnaient la chrétienté. On n'arrivait pas à se mettre d'accord, ni sur les dogmes, ni sur les rites. Un concile (Elvire, 305), ne condamnait-il pas la coutume païenne d'allumer des cierges? Les chrétiens ont changé d'avis, depuis lors, puisqu'on vend 100.000 kilos de cierges par an, rien qu'à Lourdes.

Bref, Constantin - qui n'était pas chrétien - s'interposa pour remettre un peu d'ordre dans l'Eglise. Il blâma Arius « pour avoir imprudemment initié le peuple à des mystères qui n'étaient point faits pour lui » (?!), il fit appel à la modération des uns et des autres et il convoqua (325), le premier concile œcuménique (c'est-à-dire universel). Il ordonna que les prêtres seraient transportés gratuitement à Nicée, où devait se tenir le Concile. 2048 évêques accoururent, de toutes les provinces, « gens à tel point simples, ignorants et grossiers », mais pleins d'orgueil de se voir protégés par l'Empereur - alors que les persécutions dioclétiennes étaient encore présentes à toutes les mémoires.

Constantin assista au Concile et participa aux discussions - je répète qu'il n'était toujours pas chrétien, c'était en qualité d'Empereur qu'il agissait ainsi, cherchant uniquement à mettre la religion au service de ses intérêts, ainsi que l'ont fait par la suite les monarques de tous les temps et de tous les lieux.

Arius fut exilé et Constantin se rallia aux consubstantialistes. Mais l'arianisme continua de se répandre et le madré Constantin ne tarda pas à rappeler l'hérésiarque, à donner son appui aux idées ariennes et à envoyer promener les orthodoxes.

Nous saisissons là, sur le vif, l'attitude gouvernementale à l'égard des cultes. Elle n'est pas dictée par la croyance ou la foi, mais par les calculs politiques. Ajoutons que c'est seulement à son lit de mort que Constantin se décida à recevoir le baptême. C'est néanmoins grâce à lui et à ses combinaisons intéressées que l'Eglise chrétienne avait été tirée du néant, qu'elle avait acquis quelque puissance et qu'elle commençait à en imposer aux populations crédules.

Il m'est impossible de relater par le détail tous les avatars de l'Eglise, ses luttes avec les pouvoirs établis, ses efforts pour réaliser son unité et développer sa puissance. De plus en plus, l'évêque de Rome chercha à imposer sa tutelle à l'ensemble de l'Eglise ; il ne se contenta plus de détenir une primauté théorique sur les autres évêques, mais il voulut gouverner tyranniquement le clergé et le soumettre entièrement à ses caprices et à ses intérêts.

Bien entendu, c'est le peuple, la masse des producteurs et des opprimés, qui fit toujours les frais de ces compétitions entre évêques, papes, rois et empereurs. Les bergers se disputaient la laine, mais le troupeau était toujours tondu.

Pour arriver à ses fins, l'Eglise se montra toujours intolérante. Les rebelles, les insoumis furent toujours impitoyablement réprimés. Il en fut ainsi dès les origines, puisque Constantin, pour complaire aux catholiques, édicta la peine de mort contre tous ceux qui posséderaient des écrits de l'hérésiarque Arius (en attendant de se réconcilier avec celui-ci, par calcul). Le christianisme donnait donc, dès le IVème siècle, l'exemple d'une férocité doctrinaire à laquelle le monde barbare n'avait pas été habitué.

Les successeurs de Constantin, en particulier Théodose, donnèrent à l'Eglise de Rome un appui très large et l'arianisme fut rapidement étouffé. Quant au paganisme, il subsista plus longtemps et il parvint même à pénétrer et à imprégner profondément les rites de la nouvelle religion.

A l'exemple de leurs empereurs, les riches romains se rallièrent au christianisme - les uns et les autres obéissaient au souci de conserver leurs privilèges. La religion du Christ avait été, au début, favorablement accueillie par les esclaves et les humbles, auxquels elle faisait entendre un langage vaguement égalitaire - se gardant bien, d'ailleurs, de leur conseiller la révolte. Au contraire, Saint-Paul avait dit : « Esclaves, obéissez à vos maîtres, dans la simplicité de votre cœur, avec crainte et tremblement, comme à Jésus-Christ lui-même » (Ephésiens, VI, 5). La plupart des premiers Pères de l'Eglise, Saint-Ignace, Saint-Cyprien, etc., tinrent le même langage et conseillèrent aux esclaves, à l'instar de Saint-Paul, « de servir encore mieux ».

Les nobles romains comprirent qu'ils n'avaient rien à craindre des chrétiens et que leurs privilèges seraient au contraire consolidés par cette religion toute de résignation. Effectivement, sous Théodose, empereur très chrétien, il y a toujours des esclaves et des maîtres, rien n'est changé au sort des opprimés. Plus tard, l'esclavage fera place au servage, mais ce phénomène sera la conséquence de l'évolution économique. Le serf restera attaché à la terre et sera aussi cruellement exploité que l'esclave antique - sous le regard complice de la Sainte Eglise.

Saint-Hilaire de Poitiers, Saint-Basile, Saint-Isidore, ont pris la défense de l'esclavage. Saint-Augustin y voit une juste punition du péché. Le doux Chrysostome lui-même, qui compatit aux souffrances des esclaves, n'en déclare pas l'illégitimité. Saint-Bernard proclame que les possesseurs de serfs ont le droit de les corriger. Saint-Thomas d'Aquin, le grand docteur catholique, dira plus tard que la nature a désigné certains hommes pour être esclaves et Bossuet légitimera l'esclavage par un prétendu droit de conquête guerrière. Touchante unanimité à travers les siècles! Du reste, l'Eglise possédait aussi des esclaves et des serfs et ce n'étaient pas les mieux traités - on sait que cet état de choses s'est prolongé en France jusqu'à la Révolution de 1789 et que les derniers serfs étaient… dans un monastère.

Tout ceci n'empêche pas certains casuistes d'affirmer que l'Eglise a supprimé l'esclavage!

Non seulement elle n'a rien supprimé, mais elle a permis l'esclavage des noirs, qui n'existait pas avant le christianisme et qui se développa durant plusieurs siècles, sous son aile charitable!! L'Afrique fut décimée, le Nouveau Monde fut mis au pillage, des millions d'hommes, de femmes, d'enfants, furent violentés, asservis, torturés par des rois très chrétiens, des soudards et des marchands de chair humaine - tous munis des bénédictions et des encouragements de l'Eglise.

Lorsque l'Empire romain s'écroula définitivement, l'Eglise de Rome, qui s'était appuyée sur lui et sur son aristocratie, demeura un moment désorientée dans le chaos et la confusion qui régnèrent alors en Occident. Elle ne tarda pas cependant à perdre toute inquiétude. L'Eglise était une des rares forces organisées qui n'ait pas été emportée par la tourmente. Elle bénéficia au contraire de cet immense bouleversement. Il n'y avait plus d'empereur à Rome, mais il y avait toujours un pape et il héritait, en partie, du prestige des anciens Césars, aux yeux des peuples habitués depuis si longtemps à obéir aux directives romaines. L'unité romaine impériale était abattue et morcelée, mais l'unité catholique demeurait. C'est au Moyen-âge, et particulièrement au Vème siècle, qu'elle connaîtra l'apogée de sa puissance et qu'elle fera trembler les peuples barbares et leurs chefs grossiers et ignorants, proie plus docile encore, pour le prêtre, que les aristocrates affinés du régime impérial.

C'est également le prestige conservé par Rome, l'ancienne ville des Césars, qui permit à la Papauté de s'imposer à l'Eglise. Les autres évêques durent subir la loi de celui de Rome ; il leur fallait un chef unique, une direction centralisée. Où choisir ce chef, où placer cette direction, sinon dans la ville la plus célèbre du monde? On ne fit intervenir que par la suite les arguments théologiques ; on fabriqua même de toutes pièces des documents. Par exemple, les fausses décrétales, 94 lettres papales, qui revendiquaient le pouvoir spirituel absolu pour la papauté ; la fausse donation de Constantin, qui fut invoquée pendant tout le Moyen-âge, pour justifier la puissance temporelle des papes (d'après Guignebert ce document aurait été fabriqué dans la seconde moitié du VIIIème siècle). Pour le faux, le mensonge, la duplicité, l'autorité, le charlatanisme, l'Eglise grandissait en puissance et en richesse.

Dès ce moment (750 à 800), les Etats de l'Eglise sont constitués et possèdent à peu près la superficie qu'ils occupaient en 1870, lorsque le pouvoir temporel fut aboli.

En Gaule, l'Eglise n'avait pas tardé à s'appuyer sur les chefs barbares. La conversion de Clovis fut conduite avec habileté. Le roi des Francs fut manœuvré par sa femme Clotilde, dirigée elle-même par Rémi, évêque de Reims. Combien de fois l'Eglise a-t-elle utilisé la femme naïve et dévote! Combien de crimes ont été commis par les rois et les princes, pour plaire aux confesseurs de leurs femmes !

Ce Clovis, qui fut l'élu des prêtres, était l'être le plus sanguinaire et le plus cruel que l'on puisse imaginer ; il fit assassiner perfidement tous les autres rois francs pour s'emparer de leurs terres. « Tout lui réussissait, dit Grégoire de Tours (qui fut béatifié par l'Eglise!) parce qu'il marchait le cœur devant Dieu ». Les évêques sont les meilleurs courtisans de l'assassin royal - et cela se comprend : à chacun de ses crimes, pour obtenir une facile absolution, Clovis faisait des largesses au clergé. C'est à ce moment qu'il faut placer l'origine de la fortune mobilière du clergé en France. L'Eglise reçut de Clovis des domaines immenses et sa fortune devint scandaleuse.

Elle en fut, moralement, la première victime, car le haut clergé fut profondément gangrené par l'amour du luxe. Il se vautra dans les pires débauches et commit tant d'excès que des efforts seront tentés, à maintes reprises, pour réformer l'Eglise, mais ces efforts seront toujours étouffés par l'oligarchie sacerdotale.

C'est au Vème siècle que se développe en Occident le monachisme. Les couvents, fondés parfois par des âmes sincères et justes, parfois par des fanatiques avides de dominer la société. Des milliers d'hommes et de femmes allèrent vivre dans les couvents et les monastères. Ces institutions étaient d'abord isolées et se gouvernaient elles-mêmes, sous la tutelle de l'Eglise, mais par la suite elles furent reliées et formèrent ces redoutables congrégations répandues dans le monde entier et obéissant à une direction centrale. Les congrégations et le monachisme ont contribué pour une large part à la puissance de l'Eglise. Inutile d'ajouter que la société n'y gagna rien. Le peuple eut à nourrir des centaines de milliers de fainéants et de mendiants qui passaient leur temps dans l'oisiveté ou dans la prière improductive. Trop souvent les couvents étaient le théâtre des pires turpitudes, de folles orgies et de débordements luxurieux.

L'Eglise s'adapta à la barbarie germanique, comme elle s'était adaptée naguère à l'impérialisme décadent de Rome, comme elle s'adaptera tour à tour, par la suite, à la féodalité, à la monarchie absolue, à la république parlementaire même, toujours soucieuse de faire valoir des « droits » et ne s'estimant jamais satisfaite des concessions obtenues.

A partir du Vème siècle, l'audace des Papes ne connaît plus de bornes. Ils veulent gouverner la terre entière et la soumettre à leur loi.

On connaît la théorie des deux glaives, proclamée par saint Bernard. Le glaive spirituel appartient à l'Eglise ; le glaive temporel appartient aux princes, mais sous le contrôle de l'Eglise. Celle-ci revendiquait donc, en somme, la direction absolue des âmes et des corps.

Les rois et les princes se sont toujours appuyés sur l'Eglise et la religion, pour maintenir les peuples dans la sujétion, mais ils ont toujours résisté aux empiétements du monde clérical - qui ne visait à rien moins, en dernier ressort, qu'à les déposséder.

Lorsque Charlemagne fait l'apologie de l'Eglise («  Nous ne pouvons comprendre comment ceux qui seraient infidèles à Dieu et à ses ministres, nous seraient fidèles à nous-mêmes », Laurent I, 195), il raisonne absolument comme Louis XIV dictant ses volontés dernières à son fils : « Vous devez savoir avant toute chose, mon fils, que nous ne saurions montrer trop de respect pour celui qui nous fait respecter de tant de millions d'hommes » (cité par l'Action Française, 20 mars 1926). Les rois ne peuvent se passer des prêtres, ni les prêtres des rois (à moins qu'ils ne soient rois eux-mêmes). Il est vrai qu'on a vu bien des rois se faire prêtres et même dieux... Excellent moyen de se faire adorer et d'imposer ses volontés!

Un grand sujet de querelle entre l'Eglise et le Pouvoir civil a toujours été la question des investitures, la nomination des Évêques. Le pape déclare posséder, de droit divin, la faculté de nommer les évêques. Pourtant, à l'origine, ils étaient élus par les fidèles, comme je l'ai dit plus haut. Mais les rois, à l'instar de l'empereur Charlemagne, voulaient nommer eux-mêmes les évêques. C'était pour eux une source de gros bénéfices et un moyen de caser leurs créatures. Précisément, parce que cette nomination produisait de fructueuses ressources, Rome entendait bien être seule à l'exercer. Le conflit était fatal et renaissait sans cesse. La « Simonie » régnait dans toute la chrétienté et les sièges d'évêques et d'archevêques étaient vendus au plus offrant. Que ce soit en Allemagne, en France, en Angleterre, etc., des luttes longues et rudes furent livrées autour de ces prébendes - et elles se terminèrent souvent... à Canossa -, car les Papes étaient généralement supérieurs aux princes dans le génie de l'intrigue et du machiavélisme.

Le Moyen-âge est l'époque des Conciles. Les évêques se réunissent souvent et prennent d'un commun accord (parfois après de répugnants marchandages et de cyniques comédies) les décisions concernant la vie et l'organisation de l'Eglise, la définition des dogmes. De bonne heure, les Papes virent d'un mauvais œil cette autorité fonctionner à côté (et même au dessus) de la leur. Il y eut des conflits entre Papes et Conciles. Puis les Papes parvinrent à les rendre inoffensifs et à les régenter d'autant plus aisément que leur pouvoir personnel avait grandi et s'était fortifié.

Au sommet de leur tyrannie, les Papes avaient la prétention de déposer les rois, de leur enlever leur royaume pour en faire cadeau à des princes plus méritants. Ce triomphe fut éphémère et l'Eglise dut se montrer moins exigeante. Si elle avait réussi, l'humanité toute entière eut été soumise au régime effroyable d'une théocratie, dont le despotisme n'aurait connu aucune limite et n'aurait été modéré par aucun contrepoids.

Cependant, l'Eglise conserva son indépendance absolue et des privilèges très étendus. Les prêtres étaient exempts de toutes charges ; ils échappaient aux juridictions ordinaires et ne pouvaient être jugés que par leurs pairs, ce qui leur assurait l'impunité, la plupart du temps. L'Etat civil était entre les mains des ecclésiastiques, qui instruisaient également un grand nombre d'affaires laïques, en particulier toutes celles qui intéressaient les « crimes » contre la religion, le blasphème, l'hérésie et même l'adultère.

L'Empereur d'Allemagne, Frédéric Barberousse, soutint une guerre épique contre la Papauté, qu'il dut renoncer à subjuguer.

Le roi de France Philippe le Bel lutta également contre les papes et parvint à leur arracher quelques bribes d'indépendance. (Il fut excommunié et le pape Boniface VIII eut même la prétention de « donner » le royaume de France à Albert d'Autriche). Ce fut le germe du « gallicanisme ». A travers les siècles, d'innombrables efforts seront faits pour assurer au clergé de France (Gallican), une vie indépendante. Ces efforts tiendront en échec, pendant longtemps, la tyrannie romaine. C'est seulement au XVème siècle que celle-ci triomphera et que l'ultramontanisme supplantera le gallicanisme dans notre pays. On doit le regretter car ce dernier obéissait à des traditions plus libérales ; il était moins absurde et moins fanatique. La victoire du romanisme, l'assujettissement des clergés nationaux à la puissance internationale catholique (dirigée en fait par les Jésuites actuellement) a marqué une recrudescence de l'obscurantisme et de l'esprit réactionnaire.

Il est un domaine où l'Eglise et la Royauté surent toujours fraternellement s'entendre : je veux parler de la répression des hérésies. L'Eglise, par une suprême hypocrisie, déclarait ne pas vouloir verser le sang elle-même (elle le faisait pourtant dans les Etats de l'Eglise), et elle remettait les hérétiques au pouvoir civil pour qu'ils soient punis et châtiés. Odieuse comédie, dont personne n'est plus dupe. La responsabilité des hécatombes d'hérétiques incombe directement à l'Eglise et à son intolérance, dont les rois ont été les odieux complices.

Lors de leur sacre, l'Eglise imposait aux rois de France le serment solennel d'exterminer les hérétiques.

Au lendemain du massacre de la Saint-Barthélemy, le Pape fit sonner les cloches à Rome et envoya ses félicitations à Charles IX, avec une médaille commémorative.

Des centaines d'exemples du même genre pourraient être donnés, si l'on n'était fixé sur la mansuétude et la douceur de l'Eglise - de ses inquisiteurs et de ses tortionnaires.

Cette Eglise, qui fera grise mine au mouvement libérateur des communes et cherchera à le contrecarrer partout où elle y aura intérêt, cette Eglise va donner toute sa mesure dans la répression des hérésies apostoliques, vaudoises, albigeoises, etc. Tous ces hérétiques sont des gens qui réclament naïvement la réforme d'un clergé pourri de vices. On les massacre sans pitié et le Pape excite à la dévastation de provinces entières. L'extermination des Albigeois dura 20 ans ; c'est une des pages les plus sanglantes de l'histoire.

C'est également la Papauté qui organise ces guerres imbéciles, ces criminelles expéditions connues sous le nom de Croisades. Elles dressèrent l'une contre l'autre deux civilisations faites pour s'équilibrer et engendrèrent une période de misères et de famines cruelles. Ces expéditions barbares sont la honte de l'Eglise du Moyen-âge.

En 1302, le pape Boniface publie sa bulle Unam Sanctam dans laquelle il déclare que la soumission au pontife romain est pour toute créature humaine une condition de salut. Déjà le Concile de Latran (1215) avait jeté les bases de l'Inquisition, pour briser l'hérésie par le mouchardage et la délation. L'Inquisition est une des institutions les plus néfastes que la malfaisance ecclésiastique ait imaginées.

Mais l'Eglise trop riche et trop puissante va être déchirée et divisée ; en conséquence même de son avidité. Les cardinaux se disputent autour de la tiare divine ; leurs votes sont trafiqués, les compétitions s'enveniment, et c'est le grand schisme d'Occident : deux papes règnent en même temps, l'un à Rome, l'autre à Avignon. Ils ont chacun leurs partisans, rois, cardinaux et évêques, qui les soutiennent - ils ont chacun un troupeau de fidèles qu'ils oppriment et escroquent de leur mieux. A un moment donné, il y eut même trois papes à la fois... Mais l'Eglise n'en était pas moins féroce, puisque c'est à ce moment que le grand penseur tchèque Jean Hus fut condamné à mort par le Concile de Constance (1417), où il avait été traitreusement attiré (on lui avait promis la vie sauve s'il venait s'expliquer... et on l'envoya au bûcher. Voilà l'âme de l'Eglise!) Après la mort de Hus, de longues guerres religieuses éclatent en Bohème, préparant le terrain à l'esprit de révolte, qui produira plus tard la réforme et le protestantisme.

C'est encore à cette époque (1431) que l'Eglise Française encanaillée avec le roi d'Angleterre, fit brûler Jeanne d'Arc pour lui plaire. Toujours à la solde des puissants, l'Eglise s'associe volontiers à leurs crimes. Plus tard, les Anglais étant vaincus et le roi de France (Charles VII) ne voulant pas être considéré comme le complice d'une sorcière, l'Eglise acceptera de la réhabiliter. Depuis, elle l'a même canonisée et se sert de sa malheureuse victime pour exploiter la crédulité patriotique et remplir ses coffres.

Après la prise de Constantinople par les Turcs (1453), les savants et les artistes grecs se réfugièrent en Occident, où l'on sentait le besoin de réagir contre la torpeur interminable du Moyen-âge. Ce fut la Renaissance, qui vit le réveil des arts et de la pensée, l'épanouissement trop longtemps comprimé des facultés humaines.

Les Papes essaient encore de s'imposer aux rois. Le pape Jules II (1510) émet la prétention de donner le royaume de France au roi d'Angleterre. Il échoue. Par la suite, devenus plus subtils, les Papes renonceront à ces méthodes brutales ; ils se contenteront de gouverner les rois d'une façon occulte et sournoise.

D'ailleurs, c'est la Réforme qui éclate (1517), jetant l'anathème à la face d'une Eglise impure et corrompue. Les hontes du clergé, ses vols, ses crimes, sont marquées au fer rouge. Des peuples entiers (Allemagne, Angleterre, Pays scandinaves, Suisse, etc.) se séparent de l'Eglise. En France, une lutte implacable met aux prises les catholiques et les huguenots. Partout, le catholicisme est ébranlé, sans que ses chefs consentent à le réformer - ce qui donnerait raison à l'adversaire.

Le Concile de Trente (il dura, avec des intermittences, de 1545 il 1563), vint raffermir l'autorité chancelante de l'Eglise et serrer les rangs autour du Saint Siège. Ce Concile était composé des créatures du Vatican en majorité (189 Italiens contre 66 prélats seulement des autres nationalités). La direction de l'Eglise (et les profits qui en résultent!) se concentre ainsi de plus en plus entre les mains du clergé italien. Il en est encore de même aujourd'hui, et l'on sait que, depuis très longtemps, le pape est toujours de nationalité italienne.

Le Concile de Trente édicte des prohibitions sévères contre les hérétiques et leurs ouvrages. Il publie un catéchisme détaillé, qui inspire encore, en matière de foi, les théologiens catholiques. C'est également à cette époque (1600), que Giordano Bruno est brûlé vif à Rome, et que l'Eglise enferme et condamne (1633) le grand astronome Galilée.

En France, les luttes religieuses s'étaient calmées.

Elles ne devaient pas tarder à reprendre en raison de l'intolérance catholique, des excitations d'une société de fanatiques, la compagnie du Saint Sacrement et surtout d'une secte nouvellement créée par un ancien soldat espagnol Ignace de Loyola, sous le nom de Compagnie de Jésus.

Ce groupement, mi-religieux, mi-militaire devint une phalange entièrement dévouée à la Papauté. Il exigeait de ses membres l'obéissance la plus servile et il domestiquait leur conscience et leur volonté par des procédés abrutisseurs dont les Exercices spirituels nous offrent un vivant exemple.

Grâce aux Jésuites, la dissolution de l'Eglise fut arrêtée ; la lutte contre les protestants fut organisée plus efficacement ; les disciplines intérieures du clergé se resserrèrent. La mentalité des prêtres ne fut pas améliorée, loin de là, mais ils devinrent plus prudents, plus dissimulés. On n'assista plus aux débordements d'un Alexandre VI (Borgia), ce pape lubrique, empoisonneur et assassin, de ses acolytes et de ses successeurs. On ne vit plus un Léon X créer d'un seul coup 31 cardinaux, pour emplir ses caisses, qui étaient vides. Les formes furent mieux respectées et l'on sauvegarda les apparences.

Si l'on veut diviser l'histoire de l'Eglise en périodes, je propose la classification suivante :

1° La période héroïque, ignorante et miséreuse ; le dogme n'est pas encore défini et la cléricaille n'existe pas ;

2° La période d'adaptation, après Constantin. Le dogme est violemment discuté entre évêques qui recherchent les faveurs du pouvoir ;

3° Période d'épanouissement. L'Empire est tombé.

L'Eglise manœuvre à travers les siècles barbares ; elle assujettit les princes ; elle amasse des richesses. Le pouvoir des Papes se dessine, très limité encore par les Conciles ;

4° La période du triomphe. Les Papes se grisent de leur puissance, essaient de briser les rois et de dominer le monde entier. Ils noient les hérésies dans le sang ;

5° La période de la jouissance. L'Eglise est en rut. Les festins et les orgies succèdent aux supplices de libres penseurs et d'hérétiques ;

6° La période du jésuitisme. Instruits par l'expérience, les chefs de l'Eglise ont appris à louvoyer et à mentir, à cacher leurs tares, à frapper dans l'ombre, à agir d'une façon souterraine pour diviser et dominer les peuples sans se compromettre.

Cette période dure encore aujourd’hui.

C'est grâce aux Jésuites et à leur enseignement perfide que ces méthodes ont été adoptées - non sans résistance, au début. (Un pape fut même obligé, sous la pression de l'opinion publique, de les dissoudre).

Ces méthodes, nous les voyons à l'œuvre dans l'assassinat des rois Henri III et Henri IV, coupables de montrer un zèle trop modéré en faveur de l'Eglise ; nous les retrouvons dans la lutte menée contre les Jansénistes, violemment persécutés ; dans la révocation de l'Edit de Nantes et la chasse aux protestants, torturés, envoyés aux galères, obligés de s'enfuir à l'étranger au nombre de 400.000! Cette épouvantable oppression valut à Louis XIV (dont les confesseurs étaient Jésuites et dont les maîtresses étaient également les instruments de l'Eglise) les remerciements du Vatican et les plats éloges du vil courtisan Bossuet.

Nous arrivons ainsi à la Révolution Française. Le peuple était las de ses misères ; la bourgeoisie aspirait à secouer le joug des nobles et des prêtres. L'Eglise était très puissante et le clergé était, en 1789, le premier ordre de l'Etat. « Il comprenait environ 130.000 individus, dont 60.000 religieux ou religieuses et 60.000 curés ou vicaires. Les domaines, au bas mot, valaient 3 milliards et donnaient un revenu net de 80 à 90 millions. La dîme en produisait à peu près autant. Avec les dons de toutes sortes, on peut estimer à 5.200 millions de livres les revenus du clergé. Il disposait ainsi d'une rente annuelle égale aux deux cinquièmes du budget de l'Etat. » (Desdevizes du Dézert, l'Eglise et l'Etat en France.)

« Notre budget étant, en 1925, de 30 milliards, le clergé percevrait donc par an douze milliards, si nous n'avions pas fait la Révolution » (Dr Mariavé).

De tels chiffres devraient faire réfléchir ceux qui ne sont pas encore convaincus de la malfaisance sociale de l'Eglise.

Le petit clergé était du reste exploité par ses évêques et ses archevêques ; beaucoup de curés de campagne virent d'un œil favorable le nouvel état de choses basé sur l'égalité et la liberté.

Au début, la Révolution ne fut pas dirigée contre l'Eglise. La plupart des révolutionnaires étaient du reste des croyants et des chrétiens convaincus. Toute leur ambition se bornait à restreindre les appétits dominateurs du haut clergé. Ils mirent la main sur les immenses domaines de l'Eglise et promulguèrent la constitution civile du clergé. Mais le Pape (Pie VI) poussa ses ouailles à la résistance ; pour conserver une source de revenus importants, il n'hésita pas à mettre la France à feu et à sang. L'insurrection catholique déchira la Bretagne, la Vendée et trente autres départements.

Puisque les curés agissaient en contre-révolutionnaires ardents, la Convention n'hésita pas à engager la lutte contre eux et à prendre des mesures contre l'Eglise d'abord, contre la Religion ensuite. Le nombre des athées allait d'ailleurs en augmentant, en dépit des efforts tentés pour fonder une « religion laïque », le culte de la Raison d'abord, la Théophilanthropie ensuite.

Mais la Révolution avortait dans les déchirements des factions et les rivalités des politicailleurs. Bonaparte prenait le pouvoir et songeait immédiatement à se servir de l'Eglise, bien qu'il fut personnellement incroyant et même antipapiste. L'Eglise accepta avec joie le Concordat qui lui était offert, et le Pape vînt sacrer Napoléon - chacun des deux confrères espérait bien rouler l'autre et garder pour lui-même tout le profit de l'entreprise. Napoléon ne se laissa pas faire ; il eut à lutter avec l'Eglise (assez servile pour introduire la saint Napoléon au calendrier... mais toujours aussi avide et ambitieuse). Il alla jusqu'à faire enfermer le Pape. Néanmoins, l'Eglise avait retrouvé sa puissance disparue, et lorsque le brigand corse eut été abattu, ce fut elle la grande victorieuse. A travers le XIXème siècle, nous la voyons consolider patiemment ses positions, mettre la main sur l'enseignement (loi Falloux), couvrir la France du pullulement de ses congrégations voleuses et abrutisseuses. Nous la voyons s'adapter successivement aux divers régimes et passer indemne à travers les révolutions. En 1848, par exemple, l'archevêque de Paris, Affre, se hâte de reconnaître la République ; il est suivi par tout l'épiscopat français - et les curés bénissent les arbres de la liberté! -. Les Jésuites sont partout et font une propagande fructueuse ; les communautés religieuses se multiplient sous le regard niaisement favorable des républicains. Mais... dès le lendemain du coup d'Etat de 1851, l'Eglise faisait volte face et se prosternait aux pieds de Napoléon III. Il se trouvait même un évêque, celui de Nancy, pour prononcer la phrase cyniquement célèbre : « Monseigneur, vous êtes sorti de la légalité pour rentrer dans le droit! »

Partout, l'Eglise retrouvait sa force. L'hérésie protestante avait cessé de se développer, et la plupart des rois, effrayés par la Révolution mettaient toute leur confiance dans la religion - l'opium des peuples!

Cependant, l'Italie était travaillée par le désir de réaliser son unité nationale. Grâce à l'impulsion d'énergiques républicains athées (comme Garibaldi, Mazzini, etc.), le pouvoir temporel des papes fut aboli. C'était un rude échec pour l'Eglise. Mais le Vatican, loin de s'incliner, fit proclamer (1870), le dogme de l'infaillibilité du pape.

La Papauté n'a pu jusqu'ici reconquérir sa puissance temporelle, et il paraît improbable qu'elle y parvienne.

L'Eglise a du reste tiré très habilement parti de la situation qui est faite à son chef et s'est employée à en tirer une sorte d'auréole morale, qui a facilité la propagande catholique à travers le monde. Le rayonnement de l'Eglise s'est encore étendu.

Le protestantisme est en recul et en décroissance dans tous les pays d'Europe. A Genève (la « Rome » du calvinisme), les catholiques sont plus nombreux que les protestants. En Hollande, en Angleterre, dans les Pays scandinaves, l'Eglise romaine fait de continuels progrès. En France, les réformés ne sont qu'une petite minorité. Mais c'est surtout aux Etats-Unis que les catholiques ont travaillé, mettant à profit le libéralisme trop complaisant de la République américaine (si dure pour la classe ouvrière et si favorable à la clique romaine, qui en a profité pour s'insinuer partout et s'emparer de la moitié des postes de l'Etat). Les Etats-Unis sont à la veille de nouveaux conflits religieux ; ils devront briser la puissance catholique s'ils ne veulent pas être subjugués par elle.

En France, la situation de l'Eglise est moins compromise que ne le disent ses partisans. Après l'affaire Dreyfus, au cours de laquelle l'Eglise était apparue comme la fidèle associée de l'Etat-major, la séparation des Eglises et de l'Etat fut votée, sous la pression d'une ardente campagne populaire. Mais cette loi, escamotée et viciée par un Briand, ne fut pas appliquée intégralement. Ses prescriptions concernant la formation des associations cultuelles sont restées lettre morte et l'Etat Français continue à laisser gratuitement à l'Eglise la jouissance des édifices qui appartiennent cependant à la Nation. Tandis que les travailleurs manquent de locaux et sont obligés de se réunir chez les marchands de vins, des centaines d'églises et de chapelles (propriétés nationales) sont abandonnées à l'Eglise - qui se dit persécutée, par dessus le marché - sans un centime de redevance ou de location.

C'est le Pape Pie X (1907), qui a empêché les catholiques français de former des associations cultuelles, sous prétexte que ces associations violaient les droits de la hiérarchie ecclésiastique, base essentielle de l'Eglise. On voit que le catholicisme entend demeurer ce qu'il a voulu être depuis Constantin, une monarchie absolue.

L'an dernier (1925), les cardinaux français ont publié un manifeste virulent contre les idées laïques. Ce manifeste mérite d'être considéré comme le prolongement des célèbres encycliques lancées par le pape Grégoire XVI le siècle dernier ; son esprit est identique à celui du Syllabus, publié en 1864, par Pie IX. L'Eglise maintient donc toutes ses prétentions. Entre elle et le monde moderne, l'esprit de libération scientifique, l'effort pour un monde plus juste et plus heureux, la lutte ne saurait prendre fin.

Certains efforts ont été tentés, au sein même de l'Eglise, pour atténuer son autoritarisme et pour la réconcilier avec les tendances libérales de la société. Ces efforts ont-ils été toujours sincères ? Ne constituent-ils pas, plus souvent, une subtile manœuvre destinée à donner le change aux naïfs, en les trompant sur les véritables sentiments de l'Eglise? Le pape Léon XIII lui-même, en fin diplomate, a cru nécessaire de consentir quelques concessions superficielles (et purement verbales au surplus), aux idées du siècle. Lorsqu'il s'est agi de prendre position, Léon XIII lui-même, après avoir tergiversé et hésité, a désapprouvé formellement les tendances libérales.

Comment la Papauté pourrait-elle faire droit à certaines revendications libérales, à celles, par exemple, qui se plaignent que le pape, depuis la séparation, ait nommé les nouveaux évêques sans consulter le clergé français ? Ce serait la fin de son absolutisme - et elle a lutté pendant mille ans pour le cimenter!

Le catholicisme libéral a donc été vaincu et solennellement réprouvé à plusieurs reprises. Le Sillon fondé par Marc Sangnier a dû se soumettre également (il a laissé place à un mouvement de même inspiration, moins audacieux pourtant : la Jeune République, qui s'attache à entretenir l'équivoque et la confusion, pour empêcher les partis avancés de reprendre la lutte nécessaire contre le cléricalisme et l'obscurantisme religieux). Dans le domaine scientifique, les intransigeants l'ont également emporté sur les libéraux. Le modernisme fut condamné avec éclat.

Le libéralisme de ces catholiques d'avant-garde il toujours été très relatif, il faut le dire. Dès qu'il s'agit de défendre les privilèges de l'Eglise, ils y renoncent rapidement et font bloc avec les ennemis du progrès. N'a-t-on pas vu, en 1829, les libéraux s'indigner contre la nomination du protestant Guizot à la Sorbonne? En 1862, ne s'élevèrent-ils pas contre l'entrée du libre penseur Renan, au Collège de France, et Dupanloup ne prenait-il pas l'engagement de faire tout son possible pour le faire chasser de l'enseignement? Il se disait pourtant libéral et on l'aurait indigné, ainsi que ses amis, en le traitant de clérical.

En 1910 - hier - Pie X ne faisait-il pas une orgueilleuse déclaration, faisant l'apologie du passé de l'Eglise (de ce passé honteux dont je viens de donner un très modeste aperçu), et n'osait-il pas prononcer les réactionnaires paroles suivantes :

« Qu'ils soient persuadés que la question sociale et la science sociale ne sont pas nées d'hier ; que, de tout ­ temps, l'Eglise et l'Etat, heureusement concertés, ont suscité dans ce but des organisations fécondes ; que l'Eglise, qui n'a jamais trahi le bonheur du peuple par des alliances compromettantes, n'a pas à se dégager du passé et qu'il lui suffit de reprendre, avec le concours des vrais ouvriers de la restauration sociale, les organismes brisés par la Révolution et de les adapter, dans le même esprit chrétien qui les a inspirés, au nouveau milieu créé par l'évolution matérielle de la société contemporaine. Car les vrais amis du peuple ne sont ni révolutionnaires, ni novateurs, mais traditionalistes ».

Leurs traditions nous les connaissons. Je n'y insisterai donc pas. Il s'agit simplement de savoir si nous resterons indifférents devant cette institution néfaste, - et si puissante encore.

M. Houtin dénombrait récemment l'armée catholique, d'après l'Annuaire pontifical pour 1924. Cette armée comprend 1.024 évêques latins, 87 évêques orientaux (dépendant de Rome), 18.304 jésuites, 17.000 frères mineurs, 9.650 capucins, 7.038 bénédictins, etc., etc. ; des curés et des vicaires par centaines de milliers, des congrégations innombrables et des missionnaires dans tous les pays du monde. De toutes les Eglises actuellement existantes, l'Eglise romaine est, sans contredit, et de beaucoup, la plus solidement organisée, la plus riche et la plus redoutable. Que sont, en face d'elle les confréries de marabouts et de muezzins musulmans, les rabbins juifs, les pasteurs protestants divisés en nombreuses sectes hostiles ou les lamas du Tibet perdus dans leurs montagnes lointaines ?

Des centaines de milliers de femmes sont également domestiquées fanatisées, suggestionnées par l'Eglise, au point de lui consacrer leur existence, de renoncer à l'amour et à la maternité et de se soumettre à la plus insupportable tyrannie dans les couvents et les maisons religieuses.

L'Eglise est devenue très habile, On l'a vu récemment, par son attitude à l'égard du dictateur Mussolini. Celui-ci ne peut gouverner sans l'Eglise et cet ancien socialiste révolutionnaire fait risette au Pape pour obtenir son concours. Quel rapprochement édifiant! Comme Bonaparte autrefois, Mussolini aide l'Eglise à abrutir le peuple - pour l'asservir plus facilement.

N'avons-nous pas vu, au cours de cette rapide et insuffisante promenade à travers l'histoire des peuples, que les Eglises - toutes les Eglises - ont toujours été associées aux autorités - à toutes les autorités? Le prêtre n'est-il pas le complice du seigneur, du riche, du guerrier?

Un monde meilleur restera chimérique aussi longtemps que les Eglises ne seront pas réduites à l'impuissance, que les castes sacerdotales ne seront pas dispersées sans pitié, que le cerveau de l'enfant ne sera pas radicalement et définitivement soustrait à leur déformation abêtisseuse. Toute faiblesse à l'égard de ces malfaiteurs serait une coupable faute pour l'avenir de l'humanité.



- André LORULOT.