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ENFANCE n. f.

C'est la première période de la vie de l'humain. Elle commence à la naissance, se termine à l'âge de la puberté (Voir puberté, enfant). L'enfance a un charme auquel l'homme sain, en général, est très sensible. Dans une autre partie de cet ouvrage, il sera sans doute parlé des grands amis des enfants, des Vincent de Paul, des Tolstoï, mais ce qu'on ne pourrait rendre, c'est l'enthousiasme qui, depuis des millénaires, anime les artistes, les savants, les penseurs innombrables, tous ceux qui ont entrepris d'exprimer, d'aider, de défendre l'Enfance au charme infini...

Ce charme, l'anarchiste l'éprouve, j'ose le dire, plus que tout autre, car sa conscience d'antiautoritaire y est préparée par son regret spécifique des faibles et des sans défense. La vue de l'enfance malheureuse est pour lui une source intarissable d'énergie, un stimulant continuel et puissant. Il écoute douloureusement l'écho des souffrances de cette humanité confiante et, prévoyant ce qu'elle endurera encore demain, il s'efforce de l'équiper pour la lutte, de la rendre plus volontaire, plus indépendante, plus apte au bonheur (voir Education).

Je l'ai dit plus haut : d'autres que les anarchistes se sont mis au service de l'enfance, mais seuls, par définition, puisque antiautoritaires, les anarchistes se doivent d'élever l'enfant pour l'enfant ou, si vous le préférez, le mobile égoïste de l'anarchiste cherchant à aider l'enfant est d'un degré « supérieur » à celui de la moyenne de ses concurrents : ceux-ci, en effet, voient surtout dans la protection de l'enfance un moyen d'étendre dans l'avenir leur propagande en faveur de leur système politique ou de leur religion, alors que l'anarchisme bien compris ne forme que des hérétiques. Quoi qu'il en soit, il n'en a pas moins fallu des siècles d'efforts de bon ou de mauvais aloi pour acquérir les maigres résultats actuels ; bien d'autres siècles, sans doute, s'écouleront encore avant que la grande détresse des petits cesse d'arracher des larmes de compassion. Les bonnes œuvres se sont multipliées ; la « protection légale de l'enfance » a réglé d'une manière moins inique le travail des enfants dans l’industrie : limite d'âge, du nombre d'heures de travail, suppression du travail nocturne, etc. ; la loi garde un œil ouvert sur les enfants en nourrice, appesantit sa main sur les parents indignes, mais... la plupart de ces progrès restent théoriques, le capitalisme refuse à la grande majorité des enfants la nourriture matérielle ou intellectuelle indispensable, les relègue dans des taudis ; la Mère Patrie crée des bagnes d'enfants, au mépris de la Science et de son déterminisme (voir L. Roubaud : Les Enfants de Caïn (Grasset). La loi conçoit étrangement le mot « indigne « , qu'elle applique trop souvent aux êtres dignes et indépendants, tout en distribuant des palmes aux fous dangereux, mystiques ou patriotes. Beaucoup plus « efficace » que sa protection légale est la prostitution légale et, par des primes et des distinctions, elle encourage une concurrence abominable dans la procréation parmi les misérables et les dégénérés, organisant ainsi le recrutement des armées de semi-humains nécessaires pour assurer un plus grand rendement à l'exploitation de l'homme par l'homme. L'Etat français - suprême honte - en organisant le blocus de l'immense mais faible Russie, en a fait, pendant des années, un enfer de l'enfance squelettique, un foyer de prostitution infantile dont les conséquences damneront encore plusieurs générations. Quant à l'enfance horrible de nos « frères arriérés » des colonies, je renonce à la dépeindre : on n'en rapporte - voyez, entre autres, les ouvrages de Vigné d'Octon et de G. Anquetil - ­ qu'une hallucinante suite de viols et de tortures sans nom effectués par la grâce des drapeaux et des Bons Dieux de toutes sortes, de l'alcoolisme, du sadisme et du coffre-fort.