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ENFANT n. m.

L'enfant naît, masse ronde aux membres frêles et sans muscles. Seule, la respiration fonctionne chez lui comme chez l'adulte et pour qu'il se nourrisse normalement, sept années lui seront nécessaires. Vers 13 ou 14 ans, sous nos climats, des troubles nerveux et digestifs, l'apparition de poils sur les organes sexuels et aux aisselles révèlent qu'un mystérieux travail s'est accompli en lui : l'enfant est pubère, la fonction sexuelle a acquis une place importante dans sa vie organique et affective. Le squelette se développe rapidement, la graisse disparait, les membres s'allongent, les muscles se forment. Vers la 23 année - un peu plus tôt chez les filles - le développement physique de l'enfant est achevé. Quant au cerveau, il se développe à peu près régulièrement jusqu'au seuil de la vieillesse.

Il convient de tenir compte de ces détails physiologiques. Chaque stade a besoin de son régime particulier. Le nouveau-né ne peut que respirer et - difficilement – digérer : procurons-lui de l'air pur, une nourriture adéquate. Puis, favorisons l'épanouissement sain de ses besoins sentimentaux et leur transition en besoin sexuel. C'est l'âge de l'activité modérée nécessaire aux muscles en formation : jeux, gymnastique, jardinage, sports légers, travaux de ménage, etc. Ce n'est qu'à l'âge adulte qu'il supportera les grandes fatigues. Quant à la nourriture intellectuelle, elle augmentera progressivement, comme le cerveau lui-même, pendant toute la vie. Ceci soit dit en général : le développement de chaque être étant soumis à un rythme particulier dont il faut aussi tenir compte.

Enfant et parents.

Ce n'est certainement pas pour le bien du petit à venir, dont on ne peut prévoir si les joies compenseront les peines, que les parents l'appellent à la vie ; force nous est d'admettre que c'est l'égoïsme qui en est cause : besoin affectif, quelquefois ; le plus souvent, ignorance de la préservation de la grossesse, peur de l'opinion et de la loi, résignation à un sort qu'on croit inévitable, bref : irresponsabilité. L'irréparable accompli, l'enfant une fois venu, il faut bien s'en accommoder et l'élever : les parents, d'ordinaire, s'en acquittent tant bien que mal. A ce titre, ils sont les premiers bienfaiteurs de l'enfant. Celui-ci, d'ailleurs, ne se figure guère que ces bienfaits pourraient lui manquer, et n'en éprouve de reconnaissance... qu'après des sommations réitérées. Au contraire, les parents forment d'abord exclusivement le milieu pour l'enfant, avec tout ce qu'il comporte d'hostile ; c'est à eux de le nettoyer, de le coucher, de lui refuser certaines choses, de lui en administrer d'autres de force... ils sont ses premiers ennemis. Cette hostilité peut s'atténuer par la suite, se transformer en reconnaissance, mais bien souvent, elle subsiste sous des formes différentes : hypocrisie, mensonge, obstination secrète à ne pas satisfaire l'ambition paternelle. Arrivés à point, les parents se voient continuellement obligés de recourir à la contrainte ; de plus en plus ils deviennent les ennemis de leurs enfants, bien que leurs préjugés moraux empêchent les uns et les autres de le reconnaître. La 1oi confère d'ailleurs généreusement aux parents le droit de châtier « justement » leur enfant, de le surmener par ambition, de décider contre son gré de son avenir, d'empêcher son mariage jusqu'à 21 ou 25 ans, de le faire interner s'il regimbe.

Mieux : elle leur fait un devoir de l'empoisonner de religiosité, de patriotisme, au risque de lui enlever à jamais toute saine notion des choses. Ceci pour l'enfant de bourgeois. Quant au jeune prolétaire, il grandit « comme l'herbe pousse », ses parents n'ayant pas la moindre notion de la puériculture, de pédagogie. Incapables même de se nourrir intelligemment, comment pourraient-ils songer à s'écarter de leur routine? Bon nombre de tout petits passent leurs jours de la semaine dans l'urine, les dimanches dans les bistros - car les ouvriers modernes et évolués « sortent » leur femme! L'air enfumé rougit les tristes paupières, irrite la gorge sature les bronches... Tard dans la soirée, on s'en retourne à la maison. Chose étrange, le petiot n'a pas faim - il est vrai qu'à plusieurs reprises, on lui a permis de boire - oh si peu! histoire de calmer ses pleurs - au verre maternel, et qu'on lui a donné un bon gros morceau de charcuterie - il l'aime tant! Que nous voici loin des principes énoncés tantôt : air pur, nourriture et culture choisies...

Enfant et Société.

Outre les droits que la Société confère aux parents, il en est qu'elle s'attribue à elle-même. Le plus abominable, bien que le moins combattu, tant on y est accoutumé, est celui d'imposer à l'enfant une nationalité.

On s'est à peu près affranchi de l'emprise officielle des religions, mais la religion nationaliste reste, et il semble même paradoxal de « refuser » une nationalité, comme on écarte de nos jours la religion. Il est interdit de refuser de payer, de la sorte, les dettes des autres. Nous sommes « amis » des habitants d'une contrée, « ennemis » de ceux de la contrée voisine. De même que les parents ont décrété tantôt que leur poupon sera marchand de vins et radical et protestant, l'Etat décrète qu'on haïra ses ennemis, et qu'on trimera pour équilibrer le budget! Pour parfaire le tout, on force les enfants mâles à apprendre le métier des armes et à faire usage de ces nobles connaissances contre le premier désigné : chose d'autant plus grave que le conscrit est encore, légalement, un enfant, puisque mineur. Et de fait, bien peu de conscrits comprennent la gravité de cette participation à l'armée ; beaucoup prétendent plus tard qu'ils s'y seraient refusés, s'ils avaient su plus tôt...

L'enfant est aussi astreint, dans nombre de pays, à recevoir une instruction de premier degré. Le système d'enseignement varie suivant les pays, mais en tout cas, son but semble beaucoup plus être la propagande en faveur d'une doctrine sociale ou religieuse que le bien de l'enfant (v. enseignement).

L'Etat s'occupe avec une sollicitude touchante de la réglementation de la filiation. Les enfants nés de parents mariés ensemble sont légitimes, et ont des droits sur le patrimoine de leurs parents ; les autres sont... naturels! Il y a d'ailleurs plusieurs façons de naître naturellement. En France, l'enfant naturel simple - dont les parents n'ont pas d'engagements légaux ailleurs - a droit, dans une certaine mesure, à leur succession ; il peut être reconnu et légitimé. Quant aux enfants nés de parents ne pouvant se marier ensemble - étant liés ailleurs - la loi en fait d'office des orphelins ; ils ne peuvent être ni reconnus, ni légitimés ; ils n'ont droit qu'à des aliments. Encore au-dessous de ces parias dans l'estime populaire, les enfants naturels incestueux, dont les parents - ne serait-ce que par alliance - sont de la même famille, jouissent des mêmes « droits» que les précédents...

L'enfant et les anarchistes.

Plus que tout autre, l'anarchiste s'intéresse au problème de l'enfance : le charme de celle-ci, les possibilités qu'elle porte en germe expliquent amplement ce fait. Par la force, l'enfant est irrémédiablement condamné à être la propriété de quelque tuteur. Contre l'un de ses tuteurs, l'Etat, l'anarchiste a pris nettement position : institution néfaste, il n'y a qu'à le forcer à disparaître au plus vite (voir Anarchisme, Etat).

Restent les tuteurs naturels : les parents. Ceux-ci ne sont guère qu'un « mal inévitable » pour l'enfant ; parents par malchance, ils considèrent leurs rejetons comme un fardeau haïssable : la propagande anticonceptionnelle diminue chaque jour le nombre des uns et des autres. Les anarchistes ont toujours été à peu près les seuls à la mener activement, les partis ouvriers la trouvant immorale. En France, elle est actuellement interdite. Un instinct puissant pousse d'ailleurs la plupart des parents à se soucier de l'intérêt de leur progéniture. Au nom de cet intérêt, l'anarchiste va s'adresser à ces derniers. Il leur montrera combien ils vont à l'encontre de leur but, en apprenant à l'enfant à tout sacrifier : fierté, indépendance, à une ambition à la vue courte, la plus grande richesse pour chacun étant de se sentir, soi-même, une valeur.

Aidée par la psychologie, la pédagogie moderne seconde d'ailleurs précieusement les anarchistes dans cette tâche. Depuis Fröbel et ses « jardins d'enfants » jusqu'au système Dalton, elle accorde chaque jour plus d'autonomie à l'enfant. En haut lieu, on est peu pressé de mettre en pratique ces dernières acquisitions en matière pédagogique : c'est qu'elles poussent à l'individualisme. Aussi les anarchistes accordent-ils de plus en plus d'attention aux questions touchant l'enfance.



- L. WASTIAUX.

BIBLIOGRAPHIE. - Dr Louis Genest : Les maladies des enfants (Drouin, éditeur) ; Dr Pascault : Précis d'alimentation rationnelle (Larousse) ; Bessède : Initiation sexuelle ; Lorulot : La véritable éducation sexuelle ; Ellen Key : Le siècle de l'Entant et, pour la France La Laïque contre l'Entant, de S. Mac Say.



ENFANT n. m. (lat. infans ; de in, non et tari, parler)

Il est d'usage de diviser la vie humaine en trois périodes : 1° la jeunesse qui comprend l'enfance et l'adolescence ; 2° l'âge mûr ou âge adulte ; 3° la vieillesse.

Autrefois l'enfant était considéré comme un adulte en réduction, un « homonculus », ses tendances particulières, ses manières propres de sentir, d'agir, de penser paraissaient être autant de défauts ou d'erreurs dont il fallait s'empresser de le corriger pour l'amener au plus tôt au degré d'adulte.

Aujourd'hui, seuls des parents plus aimants que clairvoyants, continuent d'admirer les enfants qui singent les grandes personnes et ont, en apparence, des raisonnements d'adultes. Physiologistes et psychologues savent bien que l'enfant n'est pas tout à fait une réduction d'homme bien qu'il ne soit pas absolument différent de ce qu'il sera plus tard, ils le considèrent comme un être qui évolue.

Le développement physique de l'enfant n'est pas uniforme, tantôt la croissance est ralentie ou arrêtée, tantôt elle est accélérée. Les accélérations rapides, crises de croissance, varient avec le sexe, la race, l'état de santé et les conditions sociales. Les enfants des familles pauvres ont un développement physique entravé par des conditions alimentaires et hygiéniques défectueuses.

Les crises de croissance en poids ne correspondent pas aux crises de croissance en taille : l'enfant grandit plus qu'il ne grossit tandis que l'adolescent grossit plus qu'il ne grandit.

La grandeur relative de la tête par rapport à l'ensemble du corps varie d'une façon importante ; proportionnellement le nouveau-né a la tête sept fois plus grosse que l'adulte. La rapidité de la respiration varie également dans de fortes proportions : le nouveau-né respire environ trois fois plus vite que l'adulte ; l'enfant de six ans environ deux fois plus vite.

Le nouveau-né est un être à actions réflexes, ces activités peuvent s'exercer sans l'aide du cerveau imparfaitement développé (voir : cerveau, p. 314, 2ème col.).

Au point de vue psychologique l'enfant ne diffère pas moins de l'adulte : « l'enfant vit dans le présent ; l'adolescent découvre l'avenir ; l'adulte vit dans l'avenir ; le vieillard vit dans le passé » F. Challaye.

L'enfant est, a-t-on dit, un être sensori-moteur. Les sensations et les mouvements occupent en effet une large place dans la conscience de l'enfant,

Les tendances enfantines, dont la satisfaction produit l'intérêt, naissent les unes après les autres en un ordre constant, elles n'apparaissent ni ne disparaissent subitement mais elles atteignent toujours un point culminant ; c'est ainsi que l'intérêt glossique (au langage) atteint un tel point entre deux et trois ans. De cette prédominance des tendances on a parfois retiré une classification de l'enfance en stades : du suceur, du regardeur, de l'attrapeur, du trotteur, du parlotteur, etc...

En résumé les enfants ne sont pas entièrement différents des adultes mais ne sont pas non plus des réductions d'adultes. Ce sont des êtres qui évoluent suivant une certaine périodicité qui varie sous l'influence de multiples facteurs : les sexes, les individus, etc... Les classifications des âges de l'homme, des stades de l'enfance, de l'évolution des intérêts enfantins s'appliquent à des individus moyens qui n'existent pas en réalité ; elles nous renseignent sur l'évolution de l'espèce mais non sur l'évolution individuelle.

Tous les individus normaux d'un même âge ont des caractères communs : à un âge donné les enfants sont tous aux mêmes stades de leur développement, physique, affectif et mental et les lois de ce développement sont valables pour eux. Mais tous ces individus ont en propre des hérédités congénitales et ont été modifiés par des éducations différentes selon les sujets.

Il en résulte que chaque enfant présente une double évolution, spécifique et individuelle qui fait qu'il ressemble à tout autre enfant et en diffère.

Conséquences pédagogiques.

On sait bien que le développement physique de l'enfant exige qu'il ne soit pas traité comme un petit homme, que par exemple son alimentation doit différer de celle de l'adulte non seulement en quantité mais encore en qualité. Tout n'est certes pas parfait dans le mode d'alimentation et dans l'hygiène des enfants mais cependant on s'en préoccupe et l'on s'empresse de faire venir le médecin si la santé et le développement physique d'un enfant laissent à désirer.

Quelle différence en ce qui concerne le développement intellectuel et moral! Les mêmes parents qui s'efforçaient de tenir compte du développement physique et de la santé du corps ne s'inquiètent point de ce qui a trait au bon développement intellectuel et affectif. Pour faire de l'enfant un homme on ne sait qu'ordonner et réprimer. Parents et maîtres sont généralement des despotes et l'enfant doit obéir sans discussion. La grande affaire n'est pas de savoir ce qui lui plait, de connaître ses désirs et ses intérêts, mais de l'obliger à agir selon le bon plaisir des adultes.

Les anarchistes, vraiment conscients, qui ont souffert de l'autorité agissent parfois d'une façon tout à fait opposée à celle de ces parents tyranniques. Certains pensent que pour faire de leurs enfants des individualités libres il convient de les laisser grandir dans la liberté la plus absolue.

Admis d'un côté des éducateurs qui veulent faire des hommes en traitant les enfants comme des esclaves, qui veulent que chaque enfant réalise un idéal qu'ils se sont créé sans souci des intérêts et des possibilités de l'enfant lui-même ; de l'autre, des éducateurs ennemis de toute contrainte et qui laissent l'enfant agir selon son caprice.

Ces éducateurs ont besoin de la leçon du jardinier.

Lorsque cet artisan veut amener un arbre à fruit, il s'informe de son espèce, il étudie son mode de végétation, car il sait que les poiriers ne se traitent pas comme les pêchers, que parmi les poiriers certaines variétés exigent une taille ou plus courte ou plus longue et qu'enfin deux arbres d'une même variété présentent toujours des différences dont ils doivent tenir compte.

Or le jardinier ayant étudié chacun de ces arbres ne les laisse pas à l'abandon, il courbe, pince, taille, mais n'allez pas croire qu'il taille tout ce qui n'est pas bourgeon à fruit, il sait que chaque bourgeon à fruit ne devient pas tel du jour au lendemain et que tel bourgeon pourra devenir bourgeon à fruit ou bourgeon à bois selon la taille qu'il appliquera au rameau tout entier.

Ainsi font les bons éducateurs qui considèrent les enfants en leur devenir, en leurs possibilités. Pas plus que le jardinier ne se disait : ce bourgeon n'a pas de fruit, il faut le couper, ils ne se disent : cette tendance, cet intérêt ne sont pas utiles à l'homme, il faut les supprimer ; mais quels rôles peuvent-ils jouer dans l'évolution de l'enfant, de cet enfant?

Pour faire vraiment des hommes libres aux individualités fortes il faut d'abord se rendre compte de ce qui caractérise vraiment la liberté et la volonté et il faut ensuite savoir ce que peut chaque enfant, quels germes sont en lui qu'il faut soigneusement cultiver, développer pour le rendre capable d'être libre et lui apprendre à vouloir.

Etre libre, ce n'est pas faire tout ce qu'on veut mais vouloir tout ce qu'on fait et la liberté de chacun est limitée par la liberté des autres. Ceux qui ont une forte individualité ne sont pas ceux qui font tout ce qui leur passe par la tête, mais ceux qui sont capables de faire un choix raisonné parmi un certain nombre d'actions possibles et de se conformer à ce choix. Vouloir n'est pas seulement agir, c'est d'abord juger, déterminer l'action à faire en tenant compte des possibilités, des probabilités, des nécessités, etc., et c'est ensuite juger et déterminer encore à propos des moyens d'action à employer.

Par suite laisser à l'enfant - qui n'a pas encore acquis le développement intellectuel nécessaire - la liberté de faire tout ce qu'il lui plaît, rien que ce qui lui plaît et quand cela lui plaît, ce n'est pas lui donner la possibilité de vouloir et c'est sûrement lui faire acquérir l'habitude d'agir selon ses impulsions, le rendre esclave de ses tendances bonnes ou mauvaises.

L'homme esclave des mauvais penchants que lui ont légués l'hérédité et le milieu n'est pas plus notre idéal que l'homme esclave de la Société.

Il est un juste milieu entre la contrainte extérieure, l’abus de l'autorité et l’entière liberté qui apparaît clairement lorsqu'on considère l'enfant comme un être qui évolue. Pour préparer des hommes libres, des individualités fortes il faut tenir compte de la nature même des enfants. Il faut saisir toutes les occasions d'amener les enfants à agir, à se décider par eux-mêmes, à faire preuve d'initiative. Il faut par conséquent ne les guider, les servir, les commander, les dispenser d'efforts que dans la mesure où la chose est indispensable.

Les enfants doivent acquérir progressivement une capacité croissante d'efforts choisis et déterminés par eux. Parce qu'ils ne sont pas encore capables de juger et de se déterminer en toutes choses il est nécessaire que les adultes, dans leur intérêt, jugent parfois à leur place mais il doivent leur permettre de faire preuve d'initiative toutes les fois que la chose est possible.

Il est souhaitable que les enfants aient conscience que les ordres reçus ne résultent pas du caprice des parents ou des maîtres, qu' ils en comprennent les raisons et qu'enfin il leur soit laissé la plus large initiative dans le choix des moyens.

Les ordres bien définis, auxquels les enfants doivent obéir immédiatement devront être aussi rares que possible et il est désirable que les enfants comprennent qu'ils résultent d'une réelle nécessité ; par suite il faut éviter les ordres capricieux, irréguliers et contradictoires.

Les jeunes enfants, lorsqu'ils sentent qu'on les aime et qu'on les commande dans leur intérêt sont rarement désobéissants. L'enfant qui se sent incapable de bien juger obéit aisément, ce n'est que l'adolescent plus apte à reconnaître, à discuter et à raisonner qui obéit avec peine lorsqu'on n'accompagne pas l'ordre des raisons de l'exécuter.

La plupart des désobéissances des jeunes enfants proviennent des maladresses des parents qui n'ont pas su agir de telle façon que les enfants sentent qu'on les commande dans leur propre intérêt.

A vrai dire certains parents sont des tyrans égoïstes mais ce ne sont pas les seuls qui ne savent pas user de leur autorité.

Certains parents multiplient les ordres et interviennent à tout propos dans la vie de l'enfant, ne lui laissant nulle occasion d'agir de sa propre initiative ; d'autres substituent sans cesse des contre-ordres aux ordres donnés, soit que les contre-ordres du papa s'appliquent aux ordres de la maman ou vice-versa, soit qu'ils marquent la faiblesse de l'adulte en présence des pleurs, cris ou révolte de l'enfant.

Il ne suffit pas que les éducateurs permettent aux enfants de juger, de raisonner, de choisir, de se déterminer et d'agir d'après leur propre initiative toutes les fois que leur développement intellectuel et affectif le leur permet. Les éducateurs doivent encore s'ingénier à fournir aux enfants des occasions de développement. Ils doivent organiser un milieu éducatif dans lequel l'enfant pourra agir et où ses qualités individuelles et sociales pourront se développer.

Chaque enfant a des tendances, des intérêts qui pour le bon éducateur sont des points de départ ; il s'agit pour l'adulte de voir où ils peuvent mener l'enfant et de placer sur le chemin de ce dernier de multiples occasions d'agir, et par conséquent d'apprendre à juger, à se déterminer, à vouloir, conformément à ces intérêts. Il est évident que ces occasions que l'éducateur offre ainsi à l'enfant ne sont pas des occasions quelconques, qu'elles résultent d'une sélection faite par l'éducateur qui choisit tout ce qui peut stimuler l'épanouissement de l'individualité enfantine dans le sens convenable.

En résumé, l'adulte ne renonce pas à intervenir dans la vie de l'enfant, mais il y intervient le moins possible, toujours dans l'intérêt de ce dernier et il s'efforce de développer progressivement la capacité de vivre sans l'autorité d'une contrainte extérieure.

* * *

Les psychologues divisent l'enfance en un certain nombre de périodes mais suivant le point de vue auquel ils se sont placés leurs subdivisions varient. Enfin les divisions et les subdivisions sont approximatives en raison des variations sexuelles et individuelles.

En se plaçant au point de vue de la croissance, Claparède établit les divisions suivantes :

1. Première enfance... jusqu’à 7 ans jusqu’à 6-7 ans

2. Seconde enfance... de 7 à 12 de 7 à 10

3. Adolescence.......... de 12 à 15 de10 à 13

4. Puberté.................. de 15 à16 de13 à 14

Au point de vue des intérêts le même auteur établit un plus grand nombre de divisions :

0 à 1 an ; 1 an à 3 ans ; 3 à 7 ans ; 7 à 12 ans ; 12 à 18 ans, etc...

Au même point de vue Nagy propose la division suivante : 0 à 2 ans ; 2 à 7 ans ; 7 à 10 ans ; 10 à 15 ans ; après 15 ans.

Halle a proposé trois divisions qui comportent d'ailleurs des subdivisions : 0 à 7 ans ; 7 à 15 ans ; 15 à 25 ans, etc...

Le Dr Bertillon divise la vie humaine en 17 périodes dont quatre pour la vie intra-utérine ; dans sa classification la première enfance, divisée en trois périodes, prend fin vers 7 ans.

Lacassagne propose : 0 à 7 mois ; 7 mois à 2 ans ; 2 ans à 7 ans ; 7 à 15 ans ; 15 à 20 ans. Verrier donne la division : 0 à 7 ans ; 7 à 14 ans ; 14 à 21 ans. Sringer : 0 à 2 ans ; 2 ans à la puberté (10 à 12 ans) : etc... ; Cruchet : 0 à 2 ans ; 2 à 7 ans ; 7 à 14 ans. La division de Luckey est plus intéressante :

1er Cycle : Enfance

de la naissance à 2 à 3 ans : stade affectif.

de 2 à 3 ans à 7 à 8 ans : stade volitif.

3° de 8 ans à 12-13 ans : stade intellectuel.

2e Cycle : Adolescence

1° de 13-14 à 16 ans : stade effectif (nouvelle naissance, nouvelle croissance physique entraînant de nouveaux désirs, etc.).

de 16-à 18 ans : stade volitif.

de 10 à 25 ans : stade intellectuel.

Ferrière propose une division semblable à celle que Claparède était au point de vue de la croissance mais il subdivise cette division en se plaçant au point de vue de l'évolution des intérêts.

Si nous négligeons les différences que présentent ces classifications pour nous attacher aux ressemblances nous constatons que tous distinguent nettement l'enfance de l'adolescence, que presque tous placent dans l'enfance un point de division vers 7 ans et enfin qu'une autre subdivision vers 2 à 3 ans est proposée par la plupart.

En l'un des plus récents ouvrages consacrés à « La psychologie de l'enfant et de l'adolescent » le Dr Vermeylen propose la division suivante :

Première enfance : de 0 à 3 ans.

Deuxième enfance : de 3 à 7 ans.

Troisième enfance : de 7 à 12 ans.

Adolescence : de 12 à 18 ans.

Pour la commodité de notre étude nous adopterons cette division, en rappelant qu'elle est quelque peu arbitraire et que les âges indiqués ne sont qu'approximatifs.

* * *

LA PREMIERE ENFANCE (de 0 à 3 ans)

Dès les premiers jours de son existence l'enfant exprime quelques émotions : plaisir, déplaisir, désir, crainte.

La peur se manifeste très tôt et accompagne les impressions nouvelles brusques et intenses qu'il importe d'éviter à l'enfant : bruits violents, secousses brusques. Plus tard la peur est provoquée par des impressions visuelles : visages ou êtres inconnus. Tout d'abord les peurs de l’enfant ne sont pas motivées, l'enfant ne connaît pas le danger. Ensuite ses craintes deviennent plus motivées, l'imagination y joue un grand rôle.

L'éducateur doit s'efforcer de corriger les enfants de ce sentiment. D'abord ils ne le provoqueront pas eux-mêmes, donc pas de menaces, pas de violences, pas de railleries, pas de contes fantastiques ou d'histoires dramatiques. Ensuite par leur exemple, leur appel à la confiance, une action lente, méthodique, progressive pour les habituer à l'obscurité, aux bruits, par la suggestion, ils s'efforcent de guérir l'enfant et de le persuader qu'il n'est pas peureux.

II en est de la peur comme de la colère, elle dépend en une certaine mesure des conditions physiques et il convient de s'attaquer à toutes ses causes ; il faut donc, lorsque besoin est, rendre l'enfant plus fort, mieux portant, plus souple soit par l'alimentation, soit par des exercices de gymnastique et des jeux de plus en plus violents, soit au besoin grâce à des médicaments fortifiants et toniques du système nerveux.

Certains enfants sont tout à la fois timides et peureux ; mais la vraie timidité est distincte de la peur et s'observe beaucoup plus chez les adolescents que chez les enfants. Dans la plupart des cas elle est le fruit d'une éducation trop sévère qui n'a pas permis le développement normal de la personnalité enfantine.

La colère ne se manifeste d'ordinaire que vers deux ou trois mois, elle est généralement brève et intense ; l'enfant trépigne, crie, frappe du pied, se roule par terre, veut donner des coups, etc... La colère dépend de la nervosité, de l'état atmosphérique, elle est souvent provoquée par les gronderies, les emportements des éducateurs (parents et maîtres) ou leurs faiblesses...

La guérison de la colère s'obtient en s'attaquant aux causes de la colère qui proviennent de l'enfant lui-même ou de l'extérieur.

En ce qui concerne l'enfant lui-même, il convient de distinguer les enfants neurasthéniques, de santé délicate aisément irritables, des enfants vigoureux, hypersthéniques. Les premiers ont avant tout besoin d'un régime fortifiant qui les guérisse de leur débilité, il leur faut des aliments riches en principes nutritifs mais non excitants, au besoin un peu d'huile de foie de morue l'hiver et des préparations phosphatées l'été ; il convient aussi de les habituer à mener une vie bien régulière : coucher et lever aux mêmes heures, etc... Les seconds ont besoin d'une alimentation moins tonique, plus végétarienne, d'une vie active au grand air ; des bains et l'emploi de certains médicaments (bromure de potassium, etc... ) peut être utile.

Beaucoup d'enfants-colères de cette dernière catégorie doivent leur tempérament à l'alcoolisme des parents.

En ce qui concerne l'influence du milieu, il est évident qu'il importe d'abord d'éviter les motifs de crise, de faire preuve d'un grand calme. Non seulement l'adulte ne doit pas donner l'exemple de la colère, mais il doit conserver son calme lors de la colère enfantine, en évitant tout ce qui pourrait entretenir la crise : ironie, punition (dans la mesure du possible et en tous cas jamais excessive mais toujours appliquée), coups, etc...

L'esprit de révolte qui est une des formes de la colère ne se manifeste d'ordinaire qu'après la première enfance ; il survient presque toujours chez l'enfant lorsque celui-ci constate qu'il va être, ou vient d'être, injustement puni. La bouderie est plus fréquente chez les jeunes, elle résulte des premières manifestations du sentiment de la personnalité en conflit avec la volonté d'un adulte. Il importe donc que les adultes évitent de tels conflits lorsqu'ils le peuvent et que, dans les cas où ils se produisent, ils fassent preuve de douceur, de patience et de fermeté.

Ce n'est que vers un mois et demi que l'enfant est capable de pleurer et ses premières larmes ne sont qu'un simple reflexe déterminé par l'irritation du nez ou des yeux. Vers quatre ou six mois seulement les larmes de l'enfant peuvent provenir de la douleur morale. Le sourire qui apparaît à la fin du premier mois est tout d'abord un reflexe ; la joie ne se manifeste pas avant le troisième mois ; enfin ce n'est qu'au bout de quatre ou cinq mois que l'enfant éprouve de la sympathie ou de l'antipathie.

Au moment de sa naissance l'enfant ne s'intéresse qu'à ses besoins organiques (besoin d'air, d'aliments, de chaleur, de repos, etc... ) mais bien vite il éprouve le besoin de regarder, d'écouter, de tâter et jusqu'à six mois ce seront les intérêts perceptifs qui prédomineront. Ces intérêts continueront de se développer plus tard mais d'autres intérêts deviendront prépondérants à leur tour. Ce seront en premier lieu l'intérêt pour les mouvements que les petits associeront à leurs perceptions. L'enfant de six mois à deux ans s'intéresse surtout aux mouvements : il s'exerce à prendre, à commander à ses muscles, il apprend à marcher, etc... De deux à trois ans l'intérêt prédominant de l'enfant va au langage et le langage comprend aussi une acquisition motrice et le langage du jeune enfant est dans les débuts un mouvement d'un genre particulier, ce n'est qu'au bout d'un certain temps que l'enfant songe à l'utiliser comme moyen de communication de la pensée.

« La première période de la vie de l'enfant, s'étendant jusqu'à trois ans, est en somme occupée par l'acquisition des mouvements nécessaires à la mise en train des activités élémentaires de l'individu : préhension, marche, langage. L'enfant s'y intéresse presque exclusivement. L'acquisition des moyens d'action est le but final de ses mises en œuvre sensuelles, intellectuelles et affectives et on peut parler d'une période motrice vers l'âge de trois ans. C'est que le mouvement a une importance primordiale dans le développement de la vie psychique et qu'il constitue la base et le substratum de toutes les acquisitions ultérieures. Non seulement il peut seul assurer les réactions adéquates de l'individu, mais il pénètre toute notre vie représentative et affective, et même notre vie inconsciente ... » (Dr Vermeylen.)

Rappelons une fois de plus que, par suite des grandes diversités individuelles, l'âge de trois ans n'est qu'approximatif.

Ajoutons que l'intérêt de l'enfant pour le mouvement se prolonge pendant toute l'enfance. D'abord l'enfant agit pour agir ; jusque vers cinq ans, nous le verrons ainsi traîner une brouette à cause du bruit qu'elle fait et de l'occasion de marcher ou de courir qu'elle lui procure. La satisfaction motrice passe avant tout : il coupe pour couper, frappe pour frapper, crie pour le plaisir de crier, etc... Il faut bien se garder de croire que tout cela est inutile, plus il agira, soit qu'il marche, coure, crie, frappe, coupe, déchire, etc... et plus il accumulera d'expériences personnelles. A force de voir certains actes provoquer certains effets, il utilisera ces actes dans le but d'obtenir les effets ou résultats correspondants ; il criera pour faire accourir sa mère, il traînera sa brouette pour porter plus commodément quelque chose, etc...

Après avoir agi instinctivement pour dépenser toute l'énergie qui est en lui, l'enfant agira avec réflexion en vue d'atteindre un but qui donne satisfaction à ses intérêts.

Conséquences pédagogiques.

La colère, la peur et tous les autres sentiments enfantins étant pour une large part le résultat d'une mauvaise santé physique, les parents doivent d'abord se soucier de leur rôle de procréateurs. Les enfants de parents malades, alcooliques, etc... sont les victimes de leurs parents. Après la naissance, les parents doivent continuer de s'efforcer d'assurer à leurs enfants une bonne santé physique. Beaucoup ne savent pas donner à leurs enfants l'alimentation convenable et les soins d'hygiène les plus nécessaires. Cependant les livres de puériculture ne manquent pas et les parents ont le devoir d'étudier de tels ouvrages.

La santé physique n'est pas seulement nécessaire à la santé morale ; elle est encore indispensable au bon développement intellectuel. La pensée naît de l'action. Pour qu'un enfant devienne intelligent, il est nécessaire que, dans son jeune âge, il multiplie les mouvements qui lui permettront d'acquérir un riche trésor de perception et d'expériences.

Plus l'enfant fera d'efforts pour marcher, parler, tâter, frapper, etc., et plus cette application soutenue le préparera à réaliser certains buts. La première éducation de la volonté consiste à permettre et à favoriser cette activité enfantine qui ne résulte pas encore de la volonté, mais qui éveillera la volonté tout comme les premières paroles prononcées sans but de communiquer la pensée éveillent l'idée du langage volontaire.

Ainsi donc le premier souci des éducateurs doit aller à la santé physique de l'enfant nécessaire à son développement moral et intellectuel. Leur second souci devant être de permettre et de stimuler l'activité enfantine. Il est bon que les tout petits enfants soient remuants, bruyants, bavards.

Ceci ne suffit pas pour assurer à l'enfant un développement convenable. Comme nous l'avons vu, les parents devront agir par leur exemple, ils devront éviter un excès de faiblesse qui permettrait à certains enfants de devenir de petits tyrans, Il ne faut pas toujours prendre un enfant qui crie, car alors bien souvent l'enfant crie et pleure parce qu'il a constaté que ses cris le font enlever de son berceau ; d'autre part, il faut éviter un excès de sévérité ; il faut par exemple s'efforcer de reconnaître les cris qui proviennent de quelque souffrance.

Pour la santé physique et morale, il est nécessaire aussi d'assurer au petit enfant une vie aussi régulière que possible aussi bien en ce qui concerne les repos que pour les repas.

Enfin il faut au tout petit des règles simples et sans exception. Combien de parents, par exemple, qui, après avoir donné à leur enfant un vieux catalogue qu'ils l'ont vu déchirer en souriant, se fâchent et même donnent une fessée au bébé lorsque celui-ci agit de même façon avec un livre ou une brochure laissés à sa portée. Il faut que les parents apprennent à se placer au point de vue des petits. Pour bien des mamans, avoir des ciseaux et découper dans un vieux torchon c'est bien, découper de même dans un mouchoir c'est mal, mais en faire autant dans la robe de la grande sœur c'est si mal que ça mérite une correction. De même jeter du sable sur le plancher non balayé ne tire pas à conséquence ; mais le faire cinq minutes plus tard provoque des cris sinon des coups. Ainsi, dans tous les cas où l'action d'un enfant nous parait mauvaise, il est légitime que nous songions à éviter le retour d'actions semblables mais nous devons nous efforcer d'y parvenir à l'aide d'une meilleure compréhension de l'enfant souvent moins coupable que nous.

LA SECONDE ENFANCE (de 3 à 7 ans)

L'enfant de trois à sept ans s'intéresse surtout au monde extérieur dont il s'efforce d'acquérir une connaissance concrète plus étendue. « Il devra, pour cela, faire un usage toujours plus large de ses fonctions d'acquisition : attention, mémoire, association, et de ses tendances éducatives : curiosité, observation, imitation » (Dr Vermeylen).

La curiosité de l'enfant qui se manifeste bien avant trois ans est d'abord instinctive et s'attache presque exclusivement aux objets ou aux personnes qui lui sont utiles pour la satisfaction de ses besoins primordiaux. Très tôt la curiosité devient affective, elle s'attache à ce qui produit de la peur, des impressions nouvelles. Enfin dans la seconde enfance la curiosité devient spéculative, l'enfant est curieux pour savoir.

La curiosité de l'enfant se manifeste alors de deux façons : le collectionnement, les questions. L'enfant ramasse tous les objets qu'il trouve et en bourre ses poches ; ceci est parfois désastreux pour ces dernières mais est fort utile au développement mental, car en rassemblant beaucoup d'objets comme il le fait, l'enfant s'exerce à observer ce qui les distingue et plus tard en quoi ils se ressemblent.

L'enfant questionne surtout pour savoir « à quoi ça sert » et pour connaître l'origine des choses.

La curiosité enfantine, loin d'être un défaut et de devoir être réprimée est une tendance des plus utiles à l'acquisition du savoir.

Cependant il ne faut pas croire que nous devons agir de la même façon envers les questions d'enfants. Il est des questions qui ne sont point de vraies questions, l'enfant éprouvant le besoin de parler, parle pour le plaisir de parler et des questions se mêlent ainsi à son langage ; il est inutile alors évidemment de fournir des réponses qui n'intéressent l'enfant que comme motif d'un nouveau bavardage.

Il est d'autres questions que des enfants posent pour attirer sur eux l'attention des grandes personnes ; certains enfants se servent ainsi parfois de cet artifice pour montrer qu'ils savent ou même pour tenter de prendre les adultes en défaut. En ce cas, le plus sage est soit de se refuser à répondre, soit d'obliger le petit questionneur à fournir lui-même une réponse.

Mais il est également des questions provoquées par une curiosité vraie et alors il faut s'efforcer de satisfaire cette curiosité en tenant compte de la mobilité des intérêts enfantins, qui rend les longues explications mauvaises, et du développement de l'enfant qui ne lui permet pas de tout comprendre.

Parmi ces questions légitimes, il en est auxquelles l'enfant pourrait lui-même donner une réponse s'il voulait s'en donner la peine. Il faut alors stimuler l'enfant dans la recherche de la réponse, soit en le faisant réfléchir, soit en le faisant observer, soit même à un âge plus avancé en lui indiquant un livre où il trouvera l'explication nécessaire. Dans le but de stimuler la curiosité enfantine, l'éducateur doit parfois se faire questionneur à son tour.

En d'autres cas l'enfant n'a pas atteint le développement suffisant pour que l'adulte puisse satisfaire sa curiosité. Nombre de gens s'en tirent par un mensonge ou éludent la question ; c'est une faute : il faut expliquer à l'enfant ce qu'il est capable de comprendre et pour le reste lui dire sans détours : « Tu ne pourrais me comprendre maintenant, je t'expliquerai cela quand tu seras plus grand ».

Il est enfin un cas extrêmement fréquent : l'adulte est lui-même incapable de fournir une réponse, il n'est pas assez instruit pour cela. Il aurait tort de vouloir cacher son ignorance, il ne doit pas craindre de dire : « Je ne sais pas ». Il vaut mieux que les enfants constatent que leurs parents ou leurs éducateurs ne savent pas tout que de perdre confiance en eux.

L'enfant est observateur mais il ne l'est pas à la façon des adultes et à son observation se mêle beaucoup d'imagination, il n'a pas non plus de sens critique et, pour ces raisons, nous devons nous défier des témoignages d'enfants.

Tout d'abord l'enfant observe mieux les différences que les ressemblances, il perçoit fragmentairement les éléments d'un ensemble, il ne sait pas situer les objets et les êtres dans l'espace, les classer par ordre de valeur, en coordonner les éléments.

Pendant la seconde enfance, il observe surtout ce qui agit ou ce qui lui permet d'agir.

A la fin de la seconde enfance et pendant la troisième enfance, l'enfant devient capable d'observer les relations des objets ou êtres entre eux ou de leurs éléments.

Enfin plus tard l'enfant observe d'une façon objective et, grâce à l'éducation, peut devenir capable de la véritable observation scientifique.

Il faut profiter de l'intérêt de l'enfant pour l'observation et le rendre plus habile à se servir de ses sens. C'est ainsi qu'on peut l'habituer à voir juste, en clouant des laines, des étoffes, des feuilles d'après leur couleur ou en comparant la longueur de quelques baguettes, lignes, etc... ; par d'autres moyens présentés sous forme de jeux on peut aussi l'exercer à voir vite et beaucoup. Des jeux et des chants peuvent également servir à l'exercice de l'ouïe et du toucher (Colin-maillard par exemple). Les autres sens eux-mêmes devront être exercés autant qu'il sera possible, les enfants trouveront plaisir par exemple à deviner le nom d'une fleur grâce à sa seule odeur. Toutes ces observations sont favorables au développement intellectuel et peuvent rendre des services dans la vie pratique.

L'imitation se manifeste dès les premiers mois de la vie et est alors purement instinctive ; vers neuf ou dix mois l'enfant prend conscience de son imitation mais c'est surtout vers deux ans que l'enfant imite d'une façon intentionnelle. Plus tard vers six ans l'enfant fait un choix dans les actes qu'il imite ; il n'imite plus pour le plaisir d'imiter mais pour atteindre certains buts. L'imitation permet à l'enfant d'acquérir plus vite, avec moins de peine et plus sûrement certaines habiletés nécessaires à la vie d'adulte ; elle permet aux générations nouvelles de profiter de l'expérience des générations passées. Cependant l'hérédité et l’imitation ne sauraient seules assurer le développement harmonieux de l'individu qui n'acquiert une vraie personnalité qu'à l'aide de ses propres expériences.

Parents et éducateurs doivent prendre conscience de l'existence et du rôle de l'imitation. Par suite ils ne doivent fournir aux enfants que de bons exemples, inviter ceux-ci à choisir dans les exemples pris autour d'eux, favoriser l'évolution de l'imitation, c'est-à-dire le passage à l'imitation réfléchie et enfin dès que possible stimuler l'enfant aux expériences personnelles.

Le jeu tient une large place dans le développement de l'enfant. Il évolue avec les intérêts enfantins : jeux sensoriels, moteurs d'imagination, intellectuels et enfin sociaux. Il convient de favoriser l'activité ludique des enfants, soit en leur fournissant, dans la mesure du possible, des jouets qui répondent à leurs intérêts du moment, soit en leur enseignant des jeux, qu'on ne doit d'ailleurs jamais leur imposer, soit même en jouant avec eux. C'est un tort de croire qu'il faut acheter des jeux chers et compliqués, aux petits enfants il faut surtout des jouets simples, faciles à manier, à transformer et solides. L'imagination de l'enfant fait une poupée d'un chiffon, un cheval d'un bâton, etc...

Depuis un certain nombre d'années, des pédagogues se sont ingéniés à créer des jeux éducatifs et par là il faut entendre un matériel qui tout en amusant l'enfant lui permet de développer ses sens, d'acquérir une plus grande habileté motrice et même d'apprendre à lire, écrire, compter, etc...

Le dessin, tout comme les autres activités enfantines, est d'abord instinctif, il constitue pour l'enfant un moyen de dépenser un surcroit d'énergie ; plus tard l'enfant ayant constaté que certains de ses traits rappellent certaine image s'essaie au dessin intentionnel et dessine pour représenter quelque chose. Le dessin devient un langage, mais ce langage n'est pas au début conforme à l'idée que nous nous faisons du dessin, non seulement parce que l'enfant est plus maladroit que nous mais encore parce qu'il ne voit pas les choses comme nous, qu'il ne s'intéresse pas aux mêmes choses que nous et qu'il comprend, tout d'abord, le dessin comme la représentation de ce qui est et non de ce qu'il voit. Ainsi le dessin spontané évolue et la connaissance de son modèle d'évolution est un moyen d'étudier et d'apprécier l'intelligence d'un enfant. Les enfants de quatre ans qui ne s'essaient pas à dessiner des bonshommes, ceux de cinq ans qui font des hommes sans tronc, etc., sont généralement des enfants retardés ou anormaux.

Le dessin libre, spontané est aussi un bon moyen de développer l’intelligence enfantine et on en fait de plus en plus usage dans les écoles.

Certaines fonctions psychiques d'acquisition ont, lors de la deuxième enfance, une importance de premier plan.

« Ce sont : l'attention qui sert à suivre l'expérience et à la fixer, la mémoire qui l'emmagasine et la conserve, l'association enfin qui unit diverses expériences et en prépare de nouvelles » (Dr Vermeylen).

L'attention dépend de l'état organique et plus particulièrement de l'état musculaire, respiratoire et circulatoire. Les petits enfants ne peuvent être très longtemps attentifs, parce qu'ils ont besoin de mouvement et que l'attention nécessite un arrêt dans le mouvement puis une transformation du mouvement. De plus l'attention nécessite chez l'enfant une modification de rythme respiratoire - ce qui provoque souvent des soupirs - qui ne peut être maintenue longtemps.

L'attention du petit enfant est purement passive, mais dès la fin de la première année et surtout pendant la seconde enfance, l'enfant devient capable d'une attention plus soutenue pour tout ce qui l'intéresse.

L'attention volontaire à des objets peut intéressants par eux-mêmes et nécessitant un effort est une acquisition plus tardive que prépare l'habitude de faire attention aux objets vraiment intéressants. Il est par suite possible de favoriser le développement de l'attention chez l'enfant en le faisant prendre part à des activités intéressantes et d'assez longue durée : jeux, observations d'Images, dessins, etc...

Beaucoup d'adultes croient que les enfants ont une meilleure mémoire que les adultes ; ceci n'est exact qu'en ce qui concerne la mémoire brute, qui emmagasine les souvenirs tels quels, mais ne l'est plus de la mémoire organisée qui sélectionne et associe les souvenirs.

Pour ne pas donner au mot « enfant » une étude trop complète et trop savante, nous devrons laisser de côté l'association des idées ainsi que presque tout ce qui concerne le développement de la pensée. Ceux de nos lecteurs qui s'intéressent à ces questions auront avantage à se reporter à des ouvrages spéciaux et récents.

LA TROISIEME ENFANCE (de 7 à 12 ans)

Pendant la première et la seconde enfance l'enfant a vécu d'ordinaire dans le milieu familial ; lors de la troisième enfance le milieu scolaire jouera un grand rôle dans son développement.

Mais, qu'il s'agisse du milieu scolaire ou du milieu familial, des éducateurs, parents et maîtres doivent avant tout se préoccuper d'obtenir l'attachement de l'enfant. Nulle action éducative n'est possible si l'enfant n'aime pas les éducateurs.

Pendant la première et la seconde enfance, mais surtout pendant la première, il s'agit surtout de donner à l'enfant de bonnes habitudes et de veiller à son développement sentimental et moral.

L'attachement est nécessaire à la culture de la soumission et un bon développement sentimental et moral permet un bon usage de l'intelligence.

Il convient de préciser ce que nous entendons par la soumission. Telle que nous la concevons, elle n'est pas la servitude. Se soumettre c'est prendre conscience d'une supériorité, ce n'est que vers sept ans que les enfants prennent une telle conscience ; tout petits, ils ne se rendent pas compte qu'ils sont moins forts, moins instruits, moins capables de se diriger que les adultes. Ainsi, la soumission que nous désirons obtenir de l'enfant peut se traduire par un refus d'obéissance de celui-ci en présence d'adultes qui se montrent inférieurs à lui intellectuellement et moralement. Ce que nous voulons obtenir, c'est la soumission volontaire. Nous voulons que l'enfant, ayant pris conscience des imperfections de son développement et de son savoir, recherche dans son entourage les personnes qui pourront l'aider de leurs lumières lorsqu'il n'aura pu découvrir par lui-même la bonne manière d'agir et nous voulons aussi qu'il obéisse aux adultes. Point n'est besoin d'ajouter qu'en revanche ces derniers doivent user de leur autorité d'une façon mesurée ainsi que nous l'avons indiqué au début de cette étude.

Depuis sa naissance jusqu'au milieu de la troisième enfance l'enfant est surtout un petit égoïste. L'égoïsme, ou plutôt l'égocentrisme de l'enfant, n'est pas un défaut car il donne de la force à la personnalité naissante. Vers huit ou neuf ans l'enfant commence à s'intéresser vraiment aux jeux collectifs et les adultes doivent favoriser de tels jeux qui non seulement le préparent à la vie sociale mais encore développent son individualité.

Si, dans la société actuelle, l'individu est trop souvent opprimé, il n'en faut pas conclure à la nécessité d'un individualisme antisocial. La volonté humaine est un produit de la vie sociale ou plus exactement de la réaction de l'individu contre le milieu.

Suivant ses tendances personnelles et celles de ses parents, l'enfant unique vivant dans le seul milieu familial devient sans peine un esclave ou un tyran. Au contraire, l'enfant parmi des enfants, à peu près du même âge et de même force, se sent moins faible, il ne s'habitue pas à une dépendance amollissante et comme ses petits camarades en font tout autant, comme il sent que des volontés, pas trop fortes, se heurtent à la sienne, sa propre volonté et son individualité se développent.

La troisième enfance marque aussi l'apparition des intérêts abstraits et le développement de la pensée logique. Ce n'est que vers 11 à 12 ans que l'enfant devient capable de véritables raisonnements logiques et l'école ne tient pas suffisamment compte de cet éveil tardif. Certes, bien plus tôt, les enfants font des problèmes avec « raisonnement » complexe mais en réalité leur « raisonnement » n'est la plupart du temps qu'un acte de mémoire et la répétition de formules apprises. Si on les interroge, ils répondent plutôt : « il faut faire une addition, une soustraction... » que par un raisonnement véritable.

On use trop tôt, à l'école, d'idées abstraites et générales que les enfants emmagasinent dans leur mémoire mais ne comprennent pas. Ceci n'est pas seulement inutile par suite du manque de compréhension, mais c'est encore dangereux parce que les idées dont la formule a été confiée à la mémoire sont considérées comme toujours vraies par l'enfant qui ne se donne plus la peine, plus tard, de s’efforcer de les comprendre. Les prêtres de toutes les religions le savent si bien qu'ils s'efforcent d'enseigner leurs dogmes dès le plus jeune âge.

Pendant la dernière période de l'enfance, l'enfant est facilement suggestible, a une imagination vive et manque d'esprit critique. Il s'ensuit que les enfants de cet âge altèrent souvent la vérité sans le vouloir. Il faut évidemment que les adultes évitent de laisser passer de telles déformations involontaires de la vérité ; mais il importe aussi qu'ils les distinguent des mensonges vrais. Ce serait cultiver le mensonge que de punir des erreurs involontaires. Dans l'éducation de l'enfant, la punition doit être considérée comme un pis-aller et les éducateurs doivent s'efforcer d'en éviter l'emploi comme aussi, d'ailleurs, celui des récompenses.

Pour corriger ces « mensonges » involontaires, il faut s'attaquer à leurs causes en apprenant à l'enfant à bien observer, à formuler sa pensée avec précision, à régler son imagination, à faire usage de l'esprit critique.

A la fin de la troisième enfance, l'enfant devient un idéaliste, il s'intéresse aux grandes œuvres, aux nobles actions, à la vie des grands hommes. De cet intérêt enfantin il est évident que l'éducation doit tirer parti, soit en racontant de belles vies de travailleurs, de bienfaiteurs de l'humanité, de martyrs de la liberté et en particulier de la liberté de pensée ; soit en montrant les grandes œuvres réalisées par l'entraide ; soit aussi en montrant les méfaits des grands conquérants, des tyrans, etc... qu'on fait encore trop souvent admirer dans les écoles d'aujourd'hui.

Rappelons, pour finir, la nécessité des loisirs et celle des travaux libres, individuels ou collectifs dons nous avons parlé plus longuement au mot « Ecole ».

L'ADOLESCENCE (de 12 à 18 ans)

L'adolescence est une période de profonde transformation chez l'enfant.

Au point de vue physiologique la crise de la puberté, qui en marque le début, est un ensemble de crises endocriniennes.

Les glandes endocrines qui produisent des sécrétions internes exercent une action considérable sur l'activité cérébrale et mentale, mais dont on n'a commencé l'étude que depuis un petit nombre d'années.

Lors de la puberté on peut constater : 1° une crise de la régression du thymus ; 2° une crise sexuelle caractérisée principalement par l'apparition de la faculté génératrice ; 3° une crise de croissance d'origine polyglandulaire (thyroïde, surrénale, hypophyse).

Au point de vue psychologique on constate alors surtout le besoin d'indépendance. Si les adultes n'ont pas, auparavant, préparé l'émancipation graduelle de l'enfant, un conflit se produit alors entre eux et l'adolescent qui devient indocile et révolté. C'est alors « l'âge ingrat » : l'adolescent ne veut plus se laisser conduire et est encore incapable de se conduire lui-même comme il faudrait.

L'adolescent s'intéresse aux problèmes moraux et sociaux ainsi qu'aux questions sexuelles. Mais si l'adolescence est marquée par certains caractères communs aux deux sexes : éveil de la personnalité, altruisme, développement de l'affectivité, mécontentement fréquent dans la famille, d'autres caractères viennent différencier les individus des deux sexes : alors que le garçon devient généralement hardi, bruyant, violent, querelleur, fanfaron, la fille au contraire devient moins expressive, elle intériorise davantage sa vie psychique, devient plus timide, plus modeste.

Les éducateurs doivent prévoir la crise de la puberté soit en préparant l'émancipation graduelle de l'enfant, soit en veillant à son hygiène, soit en faisant avec tact son éducation sexuelle.

L'adolescent rêve de l'avenir, il faut avec patience et tact s'efforcer de guider ces rêves, en s'efforçant de le détourner des faux idéaux, du mysticisme par exemple.

* * *

ANORMAUX. - Le développement de l'enfant et de l'adolescent, tel que nous venons de l'étudier, ne s'applique évidemment qu'aux enfants normaux.

L'évolution des enfants anormaux varie trop pour que nous puissions l'étudier ici. Non seulement l'évolution intellectuelle de ces enfants est plus lente, mais encore elle manque d'équilibre.

A ces enfants convient par suite un enseignement individualisé et plus concret que sont seuls capables de donner des éducateurs patients, dévoués et éclairés.



- G. DELAUNAY.