Accueil


ENSEIGNEMENT n. m.

Profession de celui qui enseigne ; qui donne l'instruction.

On distingue trois ordres d'enseignement : l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur.

L'enseignement primaire est régi par la loi de 1882 qui a fait la laïcisation. Obligatoire pour les enfants de six à treize ans, il est couronné par le certificat d'études primaires.

Il comporte la lecture, l'écriture, l'arithmétique, l'histoire, la géographie, les éléments des sciences physiques et naturelles, l'instruction civique, etc...

Il est destiné aux enfants des ouvriers et des paysans dont il a pour mission de former des hommes et des femmes bornés, résignés à la condition sociale inférieure qui devra être la leur.

La laïcisation a été un progrès ; l'enseignement de l'instituteur est moins déprimant que l'enseignement du congréganiste, instrument passif d'une Eglise asservie tout entière au capital.

Néanmoins, la culture dispensée aux enfants prolétaires par la République bourgeoise a, elle aussi, pour but de les contenir et de les empêcher de se révolter contre une condition d'esclave.

L'histoire présente aux écoliers les temps passés comme une suite de guerres. Seuls, les rois et leurs serviteurs immédiats sont dignes d'intérêt. Rien de la vie des peuples.

L'instruction civique, mélange de morale et de sociologie simplistes, donne à l'élève une conception fausse de la Société où il devra vivre. Elle lui fait adorer la patrie et les généraux. On présente à l'élève les apparences des choses et il croit que tout est parfait dans la Société présente. Pensant que la richesse est la récompense du travail et de l'économie, il met des sous dans sa tirelire.

A l'école primaire, l'enfant coudoie des enfants du peuple comme lui-même. L'instituteur est aussi du peuple dont il forme l'élite. L'écolier ignore donc qu'Il existe d'autres écoles où les enfants riches reçoivent un enseignement différent du sien. Dans ses rêves ambitieux, l'élève studieux ne voit que les brevets primaires.

Telle qu'elle est, l'école primaire est encore supérieure au milieu familial moyen de l'enfant du peuple. Il y apprend des éléments d'hygiène, une morale de bonté ; il est stimulé à l'étude.

Rentré dans sa famille, tout cela se trouve contredit. Ses parents contestent l'utilité de l'instruction ; ils raillent l'hygiène. L'enfant voit dans la maison ouvrière la brutalité et l'alcoolisme à tous les étages.

A treize ans, il demande lui-même à quitter l'école.

Ses camarades sont entrés à l'atelier et il veut faire comme eux.

Les rudiments qu'il a acquis s'oublient très vite.

A vingt ans, il ne lui reste plus de l'arithmétique que l'addition. Il est incapable de coordonner ses idées pour écrire la lettre la plus simple ; aussi, écrire une lettre constitue pour lui un effort qu'il ne fait pas volontiers. De l'histoire, il n'en faut pas parler ; des conscrits ont fait de Jeanne d'Arc la femme de Napoléon 1er. Seule la lecture demeure à peu près intacte sur les ruines de la formation primaire. On a dit avec raison qu'elle permet au prolétaire d'être trompé ; mais elle lui permet aussi de s'instruire. L'ouvrier des villes qui lit quotidiennement un journal est très supérieur au moujik russe, aux ouvriers espagnols et italiens ; il comprend l'action syndicale. Mais il est encore très ignorant et cette ignorance est le plus grand obstacle à son affranchissement.

Enseignement secondaire. - De même que l'enseignement primaire vise à former des esclaves, l'enseignement secondaire forme les futures classes dirigeantes.

Réservé à la bourgeoisie, il se donne dans les lycées et collèges de l'Etat ainsi que dans les établissements particuliers dont beaucoup sont congréganistes.

Il n'est pas gratuit. Les bourses, il est vrai, peuvent le donner gratuitement ; mais l'enseignement n'en reste pas moins bourgeois. Très rarement l'ouvrier pense à demander une bourse de lycée pour son enfant. Les boursiers sont des fils de la petite bourgeoisie : instituteurs, fonctionnaires, etc...

L'enseignement secondaire, bien que visant à la formation des maîtres, est loin d'être parfait. Il a de la peine à se défaire du préjugé des langues mortes que les élèves apprennent pendant de longues années pour arriver à ne les savoir que très mal. Les langues vivantes ne sont que commencées ; les élèves ne sauraient, avec ce qu'on leur a appris au lycée, tenir une conversation un peu élevée dans une langue étrangère.

Le lycée enseigne aux enfants, outre les langues mortes et vivantes, l'histoire et la géographie universelles, la littérature ancienne et moderne, la composition française, les mathématiques, les sciences physiques et naturelles, la philosophie, etc...

L'histoire n'est plus, comme à la primaire, une chronologie des rois et des guerres ; l'élève apprend les mœurs et les coutumes du temps passé ; l'évolution de la civilisation.

Malheureusement, l'enseignement, donné de façon mécanique, s'adresse beaucoup à la mémoire et peu à l'intelligence.

Mais on ne s'y donne pas pour but de former les jeunes esprits ; il habitue au contraire ses élèves à prendre une haute idée d'eux-mêmes.

A la distribution des prix du Concours général, les plus hauts dignitaires de la République ne dédaignaient pas de venir couronner des lauriers scolaires les enfants des classes dirigeantes. Les lauréats, surtout les fils de grands bourgeois, ne croyaient pas alors trouver d'obstacles aux plus hautes visées d'avenir.

La moyenne des familles bourgeoises, cependant, tout en étant infiniment plus éclairées que les familles ouvrières, se désintéresse assez de la culture intellectuelle de leurs enfants.

Ce qui les pousse à les faire travailler, ce sont avant tout les sanctions de l'enseignement secondaire ; le baccalauréat, qui est exigé à l'entrée des écoles supérieures.

Entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur se placent les grandes écoles : Ecole Normale Supérieure, Ecole Polytechnique, Ecole Centrale.

L'Ecole Normale Supérieure prépare les professeurs de lycée et de facultés. Elle donne une culture très élevée dans les lettres et dans les sciences. Nombre d'hommes célèbres de la politique, de la science et de la littérature en sont sortis.

L'Ecole Polytechnique forme des ingénieurs et des officiers d'artillerie ; c'est une école à demi-militaire ; les élèves ont un uniforme.

L'Ecole Centrale, d'un niveau un peu inférieur, forme les ingénieurs qui seront employés dans l'industrie.

Les Grandes Ecoles se recrutent par un concours d'entrée qui est très difficile. La préparation de ce concours exige un travail tellement intensif que l'élève en a ensuite, et pour la vie, le dégoût de l'étude.

Enseignement secondaire des Jeunes Filles. - Il se donne dans les lycées et collèges de jeunes filles. Son institution a été un progrès. Avant lui, les jeunes filles de la bourgeoisie étaient élevées dans des couvents où on les instruisait fort peu. Mais il restait très inférieur à l'enseignement des lycées de garçons. Comme pour l'enseignement primaire, son but était de comprimer bien plutôt que de développer les jeunes intelligences. On avait peur d'instruire les jeunes filles ; pensant, non sans quelque raison, que, une fois instruite, la femme voudrait s'affranchir.

L'enseignement secondaire des jeunes filles ne conduisait ni aux facultés, ni aux grandes écoles. Les facultés étaient d'ailleurs fermées aux femmes et les grandes écoles ne font que commencer à s'ouvrir pour elles.

L'étudiante entrait à l'Université avec un mauvais baccalauréat préparé à la hâte. Elle avait beaucoup de peine à se mettre au niveau des études, étant en but à l'hostilité des professeurs et à la haine des camarades.

Depuis peu de temps, l'enseignement des lycées de jeunes filles a été mis au niveau de celui des lycées de garçons. Nombre de jeunes filles de la bourgeoisie passent aujourd'hui le baccalauréat.

Enseignement supérieur. - Il est donné dans les Facultés : Droit, Médecine, Sciences, Lettres, etc...

Il prépare les élèves aux carrières dites libérales, ce qui fait que les facultés sont avant tout des écoles professionnelles.

Longtemps, le baccalauréat classique, avec latin et grec, a été exigé à l'entrée des facultés. Aujourd'hui, on est moins rigoureux. Un jeune homme ou une jeune fille sortis de l'école primaire peuvent, avec quelques années de travail patient, devenir étudiants dans une faculté.

Outre les facultés, il existe des écoles particulières comme le Conservatoire des Arts et Métiers, l'Ecole des Travaux Publics qui font des cours soit le soir, soit par correspondance. Le jeune ouvrier peut, s'il le veut, atteindre, grâce à ces établissements, à une culture intellectuelle assez élevée.

L'enseignement des facultés ayant pour but la carrière se préoccupe très peu de la culture générale des élèves. Il s'adresse beaucoup à la mémoire et très peu à l'intelligence. L'élève studieux s'abrutit dans la préparation des examens ; il n'a même pas le temps de lire autre chose que ses manuels. Le professeur d'Université dans les grandes villes ne connaît pas ses élèves. L'étudiant est presque sans direction intellectuelle.

L'enseignement est tout entier à réformer.

Le Cartel des Gauches avait mis dans son programme de 1924 L'Ecole Unique, qui devait fondre ensemble le primaire et le secondaire et supprimer l'enseignement de classe. Mais, une fois élu, le Cartel a trouvé toutes sortes d'empêchements à l'Ecole Unique et il est probable qu'elle servira encore longtemps de tremplin électoral.

L'enseignement, dans la société future, aura pour but la culture intellectuelle de l'individu et non le désir de gagner de l'argent. La formation de l'esprit humain prendra toute l'importance qu'elle doit avoir.



-Doctoresse PELLETIER.



ENSEIGNEMENT

C'est l'action, l'art, la profession de fournir des connaissances en vue d'un certain but ; ces connaissances elles-mêmes.

On le divise généralement en enseignement primaire, enseignement secondaire et enseignement supérieur ; il compte en outre des écoles spéciales ou professionnelles.

L'enseignement primaire fournit les quelques connaissances nécessaires et suffisantes pour le peuple : lecture, écriture, etc... Dans la plupart des nations civilisées, il est obligatoire (de six à treize ans en France), ce qui a tenu les gouvernements de le rendre gratuit, ou payant proportionnellement aux ressources des parents. Enfin, il est généralement laïc, c'est-à­ dire neutre, concernant la religion.

La bourgeoisie complète ordinairement son instruction dans les collèges ou lycées. Cet enseignement secondaire, qui se termine par le baccalauréat, sert de transition entre l'enseignement primaire et l'enseignement supérieur. Celui-ci embrasse les hautes études : lettres, sciences, langues (vivantes et mortes), philosophie, médecine, droit et théologie. En France, il se donne dans les Universités, et chaque branche d'enseignement forme une Faculté. Certains cours sont publics. Une série d'établissements scientifiques et d'enseignement supérieur relèvent directement du ministre de l'Instruction publique ; tels le Collège de France, l'Ecole normale supérieure, l'Ecole polytechnique, et l'Institut de France, réunion des cinq académies : Française ; des Inscriptions et Belles-Lettres ; Sciences morales et politiques ; des Sciences ; des Beaux-arts.

Chacun tend à durer, et réclame un enseignement correspondant à ses besoins. Le dévot demande à l'enseignement des exemples de piété pour édifier et fortifier l'âme ; l'artiste, les connaissances techniques indispensables pour s'adonner à l'art. L'homme du monde s'intéresse à ce qui fait briller, le « sauvage » à ce qui lui procure l'indépendance. Chacun abonde dans son sens. Suivant son intérêt ou ses opinions, il favorise plus ou moins la culture de la sensibilité, de l'intelligence ou de la volonté. De là, la tendance de toute institution à avoir un enseignement particulier, et les luttes dont l'enseignement a été et sera le théâtre. Ce fait explique aussi pourquoi chaque gouvernement n'est susceptible que d'un certain degré de rationalisme dans son enseignement, degré proportionnel à son libéralisme, et qu'il ne dépasse pas, sous peine de suicide, même quand la science et l'expérience ont démontré la nécessité d'une réforme.

L'enseignement officiel est donc foncièrement conservateur ; quant à l'enseignement privé - qualifié de « libre » - il n'est guère donné que par des sectes religieuses franchement réactionnaires. On comprend pourquoi l'enseignement est, d'une part, encombré d'un fatras inutile et désuet, et d'autre part, muet ou mensonger sur des chapitres de la plus grande actualité : on préfère la fortune à la révolution ! Il y a quelques années, en Hollande, j'eus l'occasion de causer tour à tour avec plusieurs soupirants au baccalauréat. Au sujet du socialisme, tous, de l'air supérieur de celui qui sait, me dirent à peu près la même chose :

« Heu! si chacun recevait un jour vingt florins comme sa part de la fortune générale, l'inégalité serait rétablie dès le lendemain, les uns ayant dépensé leur avoir, les autres ayant fait profiter le leur... » L'année suivante, un jeune bachelier français me dit la même chose ; à l'école primaire, j'ai entendu le même jugement de la part de mon instituteur ; cet « argument » avait fait sur la classe une grande impression, sur laquelle plusieurs élèves sont sans doute restés. Le socialisme mériterait pourtant qu'on l'examinât d'un peu plus près! Quant à l'anarchisme, l'histoire fournit l'occasion d'exprimer l'opinion officielle à son sujet, grâce à l'assassinat du président Carnot : « Ce sont des criminels ne reconnaissant ni gouvernement ni patrie » (Histoire de France, E. Lavisse). Je serais pourtant curieux de savoir comment on en parle dans la République prolétarienne russe...

Pour le personnel récalcitrant, l'Etat dispose de mesures disciplinaires allant jusqu'à la révocation. On connaît le cas typique de l'illustre Michelet, dont les cours au Collège de France furent plusieurs fois suspendus et repris, suivant le flux et le reflux des événements politiques. C'est d'ailleurs le plus souvent avec fierté que l'instituteur se met au service de la conservation sociale. Sortant du peuple, il a le respect du bourgeois ; il est fier de raisonner comme lui, et affiche beaucoup de dédain pour l'ouvrier... Il montre volontiers patte blanche à ses supérieurs, à cause de l'avancement. Rappelé à ses origines ces dernières années par le malaise économique, il semble acquérir peu à peu une conception plus élevée de sa valeur : nous verrons ce que vaut cette évolution quand la pitance sera redevenue suffisante.

Puisque chacun conçoit l'enseignement au mieux de ses intérêts personnels ou de classe, il convient d'y regarder à deux fois avant que d'avoir recours à l'enseignement donné par ses ennemis. Les catholiques l'ont très bien compris, qui multiplient partout leurs écoles primaires, secondaires et supérieures, malgré toutes les garanties de neutralité données par l'Etat. C'est qu'un enseignement n'est jamais neutre ; on peut toujours interpréter les faits de manières diverses : il suffit de constater la division des savants, la contradiction de leurs théories et de leurs méthodes pour en être convaincu. Les anarchistes ont aussi effectué plusieurs tentatives sur ce terrain. L'Ecole moderne, de Ferrer, la Ruche de Sébastien Faure, l'Avenir social de Madeleine Vernet, mais ces entreprises, bien que très intéressantes, ne sont qu'individuelles. Beaucoup de camarades croient avoir tout fait en arrachant l'enfant à l'influence du clergé : c'est un tort. La routine intéressée, la morale pestilentielle du christianisme gangrène presque autant l'enseignement de l'Etat : il faut en préserver nos enfants. (Voir à ce sujet l'étude substantielle de Stephen Mac Say : La Laïque contre l'Enfant).

Je ne pense pas qu'on puisse « faire des hommes », selon l'expression courante, mais par contre, je suis certain que la négligence des parents en empêche beaucoup de le devenir. L'homme d'avant-garde devrait réfléchir à ce fait et, avant que de s'abandonner au pessimisme, se demander : « Pourquoi laissons-nous capter à la source l'avenir de notre mouvement? » Un besoin de propagande positive semble s'affirmer depuis quelque temps chez les anarchistes : vont-ils enfin se décider à entreprendre le principal? Vont-ils enfin créer leur enseignement? Dans cette optimiste attente, les parents de bonne volonté chercheront, dans les revues pédagogiques, de quoi corriger et compléter l'instruction primaire de leurs enfants et - pourquoi pas? - de quoi l'entreprendre eux-mêmes... (Voir entre autres : L'Ecole Emancipée, à Saumur.)



- L. WASTIAUX