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ESTHETIQUE n. f. (du grec aisthetikos, sentiment)

L'esthétique, nous dit le Larousse, est la « science qui traite du beau en général et du sentiment qu'il fait naître en nous ». C'est, en un mot, la philosophie de l'art. En vérité, si l'on veut considérer l'esthétique comme une science, il faut reconnaître que cette science permet une foule de spéculations, car il n'y a, en réalité, aucun critérium pour déterminer ce qui est beau et le séparer de ce qui est laid. Quantité de philosophes ont cherché à définir le «  beau » et Aristote plaçait l'essence de l'art dans la nature ; il donnait ainsi une base à l'esthétique ; base peu solide, cependant, car tout ce qui est naturel n'est pas forcément beau. L'esthétique est, à notre avis, surtout une question de sentiment et de sensibilité. Tout ce qui touche à l'art est très complexe, et il est évident que, selon le point de vue où il se place, chaque individu peut avoir une conception particulière de l'esthétique. Ce qui apparaît beau à certains peut sembler laid à d'autres, et les sensations que l'on éprouve à la contemplation d'une œuvre d'art ou à l'audition d'un morceau de musique sont si multiples et si particulières, qu'il devient presque impossible de définir ce qui est esthétique ou ce qui ne l'est pas.

L'esthétisme n'est pourtant pas uniquement une question de sentiment : c'est aussi une question d'éducation. Tel individu peut préférer une vulgaire chanson de rues à une symphonie de Beethoven ou encore rester impassible devant une peinture de maître, alors qu'il s'extasiera devant la croûte d'un rapin sans talent ; il n'en est pas moins incontestable que la musique de Beethoven ou la peinture d'un Raphaël ou d'un Corot sont des productions d'essence supérieure. Si la grande majorité des hommes ne vibrent pas et n'éprouvent aucune sensation devant une manifestation de l'art, c'est que le sentiment artistique n'a pas été, chez eux, développé et qu'ils ne sentent pas toute la différence, indéfinissable, qui existe entre le «  beau » et le « laid ». Savoir discerner les caractères du beau suppose une certaine culture et c'est cette culture qui manque au peuple. Rien, en société bourgeoise, n'est fait pour développer le sentiment esthétique chez le peuple, et, à part quelques manifestations artistiques officielles, de caractère souvent archaïque, le peuple reste éloigné de tout ce qui est beau. C'est aux organisations d'avant-garde qu'il appartient de compléter l'éducation populaire. Etre révolutionnaire ne consiste pas simplement à renverser un ordre social périmé, mais aussi à transformer l'individu, à en faire un être supérieur, susceptible de comprendre toutes les productions de l'art, d'être émotionné à la lecture d'un beau livre ou à l'audition d'un chef-d'œuvre musical. La société ne sera vraiment idéale que lorsque l'homme sera, non seulement capable d'arracher à la terre ce qui est indispensable à sa vie matérielle, mais aussi un esthète, c'est-à-dire un être qui aime et qui pratique le beau.