Accueil


EVANGILE n. m. (du latin evangelium ; du grec euagelion, bonne nouvelle)

Doctrine du Christ. On appelle « évangile » les livres attribués à certains apôtres ou disciples du Christ et qui retracent sa vie, de sa naissance à sa mort.

Durant les premiers siècles de l'Eglise chrétienne, il parut un grand nombre d'évangiles « et les chrétiens des diverses villes écrivirent leurs évangiles qu'ils cachaient soigneusement aux autres juifs, aux romains, aux grecs ; ces livres étaient leurs mystères secrets. Chaque petite société chrétienne avait son grimoire qu'elle ne montrait qu'à ses initiés » (Voltaire, Dieu et les Hommes).

Fabricius nous cite 35 évangiles ; Voltaire déclare qu'il y en eut plus de cinquante d'une certaine importance ; mais, de tout cet amas de littérature indigeste et ridicule, quatre livres seulement furent reconnus par l'Eglise. Ce sont les évangiles selon saint Luc, saint Mathieu, saint Marc et saint Jean.

Les évangiles non officiels, c'est-à-dire non reconnus par l'Eglise sont dits : apocryphes ; les autres sont ceux que l'on appelle les évangiles canoniques et sont à eux seuls un suffisant tissu de contradictions, d'aberrations et de mensonges.

Il est douteux que les évangiles que l'on attribue à Luc, Mathieu, Jean et Marc soient réellement leur œuvre. Mathieu fut un des apôtres du Christ ; Jean, fils de Zébédée, un des douze apôtres, fut également un disciple de Jésus ; saint Marc et saint Luc vécurent également les premiers âges du christianisme. Tous quatre furent en un mot des contemporains du Christ et cependant de telles contradictions fondamentales se glissent dans leur relation de la vie de Jésus qu'il est impossible que les évangiles canoniques soient écrits par des hommes ayant vécu, vu, partagé la vie de l' « Homme Dieu ».

Du reste, jusqu'au troisième siècle, les dits évangiles furent non seulement méconnus mais inconnus et nous pensons qu'il est plus sage de croire qu'ils furent composés d'anecdotes recueillies par des théologiens de la fin du deuxième siècle de notre ère et qu'on les attribua à des contemporains du Christ pour leur donner plus de force.

S'il n'est d'aucune importance historique de rechercher et de connaître la généalogie de Jésus, au point de vue religieux c'est d'une importance primordiale, si Jésus est le Messie, « promis depuis des siècles par les prophètes ». C'est sur ce point que repose toute la religion chrétienne.

En effet, selon les prophéties bibliques, le Messie doit descendre en lignée directe du roi David et c'est pourquoi l'évangile de saint Mathieu tout comme celui de saint Luc cherche à décrire l'ascendance de Jésus. Or, nous nous apercevons que l'évangile pèche à sa base, car les évangélistes n'ont jamais pu démontrer que Jésus descendait du roi David.

Prenons par exemple le Protévangile attribué à « Jacques, frère du Seigneur ». (Mathieu, ch. l, v. 19) au verset IX il est dit ceci: ... « Et le grand prêtre dit à Joseph : Vous êtes choisi par le sort divin, pour prendre la vierge du seigneur en garde chez vous. Et Joseph s'en défendait disant : J'ai des fils et je suis vieux, mais elle est très jeune ; de là je crains de devenir ridicule aux enfants d'Israël ». Et au verset XIII : « Au bout de son sixième mois, voici que Joseph vient de ses ouvrages de charpentier et, entrant dans la maison, il la vit enceinte et le visage abattu : il se jeta par terre et pleura amèrement disant : De quel front regarderai-je le seigneur Dieu? Et quelle prière ferai-je pour cette petite fille, laquelle j'ai reçue vierge du temple du Seigneur et je ne l'ai pas gardée ».

Jacques était le frère de Jésus et nous voyons par ce qui précède que Joseph n'était pas l'époux de Marie, mais simplement son gardien. Et d'abord sur ce point les évangélistes sont d'accord à reconnaître que le Christ n'a pas été conçu par Joseph mais par la Vierge Marie et le Saint-Esprit.

Or les évangélistes et plus particulièrement saint Luc et saint Mathieu font bien descendre Jésus de David et d'Abraham, mais par Joseph ; seulement, alors que Mathieu compte cinquante-deux générations d'Abraham à Jésus, Luc en trouve cinquante-six. Et de suite une question se pose, simple à notre esprit : Si Jésus est le fils de Marie et du Saint-Esprit, il ne peut être le fils de Joseph et conséquemment il ne descend pas de David ; il n'est pas le Messie. S'il est le fils de Joseph, il n'a pas été conçu par le Saint-Esprit, et Marie n'est plus vierge, et Jésus n'est plus le fils de Dieu. De ce dilemme, l'église tâche de sortir en déclarant que Marie appartenait également à la tribu de David ; mais alors, pourquoi les évangélistes se sont-ils efforcés de démontrer que Joseph descendait directement de David? Leurs recherches étaient vaines et inutiles? Mystère, sans doute? Naturellement.

Les évangiles sont si peu compréhensibles à la saine raison et fourmillent de tant d'absurdités que l'Eglise a cru devoir les commenter. Pourtant les commentaires ne détruisent pas ce qui est et conséquemment ne peuvent satisfaire que les croyants aveuglés par un fanatisme étroit, ou des imbéciles. N'est-ce pas la même chose?

Pour l'individu avide de savoir et de vérité, l'explication des évangiles, canoniques ou non, sur la naissance, la vie et la mort de Jésus est trop enfantine pour faire croire en un Dieu et en son fils ; et si toutefois le Christ a existé - ce qu'il faudrait démontrer - nous pensons, avec Voltaire, que ce fut « un paysan grossier de la Judée, un peu plus éveillé que les habitants de son canton ».

S'il nous fallait reprendre le texte des différents évangiles et les commenter à notre tour, un ouvrage de plusieurs milliers de pages n'y suffirait pas. Nous nous contenterons de signaler brièvement quelques traits et quelques épisodes de la « vie de Jésus » qui nous paraissent particulièrement insensés et qui éveillent en nous le doute sur la valeur historique que l'Eglise accorde aux évangiles.

Mathieu nous dit (chap. II, v. 14) que, peu après sa naissance, Jésus fut emmené en Egypte par Joseph et Marie, et il ajoute (chap. II, v. 23) qu'après la mort d'Hérode, le petit Dieu fut ramené à Nazareth « afin que la prédiction des prophètes fût remplie ». Il sera appelé « Nazaréen ». Or, Luc, sur ce fait, dit absolument le contraire de Mathieu et prétend que l'enfant Dieu fut mené directement à Nazareth sans passer par l'Egypte.

D'autres évangiles signalent cependant le passage du « petit Jésus » en Egypte, et l'évangile de l'Enfance nous apprend qu'il y réalisa des miracles qui soulevèrent l'admiration populaire. Un de ces miracles attire particulièrement notre attention, c'est celui signalé aux versets XX et XXI de l'Evangile de l'Enfance : ... « Or la jeune fille disant : 0 mes dames, que ce mulet est beau! Elles répondirent en pleurant et dirent : Ce mulet que vous voyez a été notre frère, né de notre même mère que voilà ; et notre père en mourant nous ayant laissé de grandes richesses, comme nous n'avions que ce seul frère, nous lui cherchions un mariage avantageux, désirant lui préparer des noces, suivant l'usage des hommes ; mais des femmes agitées des fureurs de la jalousie, l'ont ensorcelé à notre insu et une certaine nuit, ayant exactement fermé la porte de notre maison un peu avant l'aurore, nous vîmes que notre frère avait été changé en mulet comme vous le voyez aujourd'hui... »

... « Alors la divine Marie touchée de leur sort, ayant pris le seigneur Jésus, le mit sur le dos du mulet, et dit à son fils : Hé! Jésus-Christ, guérissez ce mulet par votre rare puissance et rendez-lui la forme humaine et raisonnable telle qu'il l'a eue auparavant. A peine cette parole fut-elle sortie de la bouche de la divine Marie, que le mulet, changé tout à coup, reprit la forme humaine, sans qu'il lui restât la moindre difformité... »

Ce miracle n'est pas le seul à l'actif de Jésus. Il en accomplit d'autres non moins fantastiques. Justement ce qui surprend, c'est qu'aucun livre de l'époque, grec, romain ou égyptien ne relate ces faits qui eussent dû, s'ils étaient véritables, avoir un retentissement formidable.

Il est vrai que l'Eglise a rejeté l'évangile de l'Enfance, mais dans les évangiles canoniques il existe des choses non moins surprenantes. Au chapitre II, Mathieu nous dit : que Jésus nourrit cinq mille hommes, sans compter les femmes et leurs enfants avec cinq pains et deux poissons, dont il resta deux pleines corbeilles, et dans le, même évangile au ch. XV, ce même Mathieu nous dit qu'ils étaient quatre mille hommes et que Jésus les nourrit avec sept pains et quelques poissons.

A quelques milliers près, il est vrai que c'est sans importance.

D'autre part, les évangélistes se signalent par leur ignorance. Saint Jean, ne prête-t-il pas à Jésus ces paroles : « En vérité, si le grain qu'on a jeté en terre ne meurt, il reste seul ; mais quand il est mort, il porte beaucoup de fruits (Jean, chap. XII). Qu'est-ce que cela veut dire?

Et en ce qui concerne la bonté de Jésus : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive » (Mathieu, chap. X).

Et sur son honnêteté : « Allez prendre une ânesse qui est attachée avec son ânon et si quelqu'un la trouve mauvaise, dites-lui : le maître en a besoin » (Mathieu, chap. XXI, verset 5).

On pourrait à l'infini citer les incohérences des évangiles. Même sur la mort du Christ les évangélistes ne sont pas d'accord. Les uns prétendent qu'il est mort à trente et un ans, les autres à trente-trois. Or, d'après certains épisodes de sa vie, relatée par les évangiles canoniques, Jésus aurait vécu près de cinquante ans.

En effet, l'Evangile selon saint Jean fait dire à Jésus : « Votre frère Abraham a été exalté pour voir mes jours ; il les a vus et il s'en est bien réjoui » ; et les Juifs lui répondirent : « Es-tu fou? tu n'as pas encore cinquante ans, et tu te vantes d'avoir vu notre frère Abraham ».

Comment se peut-il qu'en notre vingtième siècle des hommes, civilisés à ce qu'on dit, puissent croire à de telles bêtises? Il est vrai que la croyance s'en va, et que le doute a pénétré le cerveau de l'homme, il a fait de rapides progrès.

« Le « croire » et le « savoir » ne peuvent pas s'ignorer, à moins que ce ne soit en théorie, dit notre camarade Sébastien Faure ; dans la pratique, ils ne peuvent pas rester indifférents l'un à l'autre ; il est fatal qu'ils se combattent. En dépit de sa résistance acharnée, le « croire » ne peut que perdre le terrain que conquiert le « savoir » et, tôt ou tard, il succombera sous les coups que lui porte indirectement ce dernier » (S. Faure, l'Imposture religieuse, p. 305).

Et lorsque le savoir aura triomphé nous pourrons alors tourner la dernière page des évangiles, pour ouvrir le grand livre de l'Humanité.