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FAIM n. f. (du latin fames)

Chacun connaît, par son expérience immédiate, la sensation de la faim (chez l'homme). Notons, cependant, que cette connaissance, cette expérience sont loin d'être les mêmes pour tous les individus, membres de la société moderne. Tandis que pour ceux des classes aisées, la faim est un besoin agréable, exempt de soucis, richement et régulièrement satisfait avec des mets abondants, elle dégénère trop souvent, chez les pauvres et les travailleurs, chez les parias de la Société, en une sensation physiologique extrêmement douloureuse, prolongée, même chronique, ne pouvant être soulagée, accompagnée, de plus, d'une angoisse morale, de la certitude qu'on ne peut, à volonté, faire disparaître le besoin dont il s'agit. En effet, la sensation de la faim n'est agréable qu'à condition d'être encore faible et de pouvoir la changer rapidement en celle de la satisfaction, de la satiété. Or, combien de gens, en notre société actuelle, ne peuvent presque jamais manger « à leur faim » ! Pour combien de gens la faim, au lieu d'être la condition agréable, normale, même indispensable, de bien manger, de bien digérer, de soutenir les forces de l'organisme et sa santé, dont la faim normale est même l'une des preuves, pour combien de gens la faim n'est qu'une menace constante, une épouvante, une souffrance atroce physique et morale, poussant souvent au désespoir, au suicide, au crime !... Et combien de gens, d'autre part, souffrent plutôt de ne plus jamais avoir faim, à la suite d'excès de toute sorte, à force de manger toujours trop, de fatiguer, d'abîmer l'estomac et, surtout, de ne rien faire, de ne pas fournir à l'organisme un travail sain et régulier. Car, la condition essentielle d'une faim normale, agréable, saine, est le travail : la dépense régulière de nos forces, de notre énergie vitale, dépense dont la faim est l'enregistreuse, et le manger, le recouvrement. Normalement, ce n'est que le travailleur qui devrait connaître la véritable faim et pouvoir toujours la satisfaire. Dans notre belle société moderne, c'est le travailleur qui, souvent, épuisé par un travail excessif, forcé, fait à contrecœur et ayant lieu dans des conditions malsaines, finit par ne plus avoir faim du tout ; c'est le travailleur encore qui, souvent, épuisé par la faim, n'arrive pas à satisfaire celle-ci ou à en préserver les siens ; et c'est le parasite, le fainéant qui peut, lui, l'éprouver et la satisfaire à volonté.

Nous avons dit que la condition essentielle d'une faim normale était le travail. Hâtons-nous, cependant, de faire des réserves importantes et de constater que ce n'en est point la condition unique. D'abord, quel travail ? En effet, pour que le travail puisse engendrer une faim normale et saine, il faut que ce travail soit sain lui-même, qu'il soit volontaire, libre, agréable, gai, accepté en pleine connaissance de cause, exécuté dans une ambiance de camaraderie, dans des conditions parfaites d'hygiène et de sécurité. Le travail actuel, à l'exception peut-être de celui des champs, le travail accompli dans les horribles usines modernes, au profit de l'exploiteur, travail absorbant, pour de maigres salaires, tout le loisir, ̶ que dis-je ? ̶ toute la vie de l'ouvrier, un tel travail ne peut guère devenir la source d'une bonne faim saine, régulière, rénovatrice. Ensuite, cette bonne faim normale ne peut avoir lieu que chez des organismes sains, bien portants, en plein épanouissement des forces. Or, les hommes de la Société actuelle, les travailleurs comme les autres, vivent dans des conditions qui ruinent l'estomac, les intestins, les poumons, le cœur, les nerfs, etc., dès le plus bas âge. Empoisonné dès l'enfance avec des aliments de mauvaise qualité, fanés, souvent avariés ; alcoolisé méthodiquement ; respirant l'air malsain des grandes villes, des ateliers puants, des souterrains meurtriers ; soumettant, tous les jours, son système nerveux à des épreuves qui finissent par le rendre malade, quelle faim robuste, solide, naturelle, peut-il avoir, l'homme moderne dégénéré, meurtri, broyé, écrasé sous les misères et les vices de notre société mourante ?

On pourrait dire que l'homme moderne, à peu d'exceptions près, ne connaît pas la véritable faim saine et naturelle, comme il ne connaît point la véritable santé, le véritable travail, la véritable jouissance de la vie. C'est l'homme non « civilisé », l'homme « sauvage », qui a connu sans doute cette faim normale. Et ce sera peut-être l'homme de demain, réellement civilisé, qui l'aura retrouvée, en même temps qu'il profitera d'autres joies nouvelles, inconnues celles-là, de ses ancêtres.

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En ce qui concerne la définition scientifique, précise de la faim comme phénomène biologique, c'est une tâche autrement difficile et compliquée. La science ne l'a pas encore résolue, en dépit des tentatives multiples n'ayant abouti, jusqu'à présent, qu'à de nombreuses hypothèses que nous trouvons superflu d'énumérer ici, en raison même de leur insuffisance. On ne possède pas encore l'explication exacte de la sensation de la faim. La seule chose qu'on peut constater, c'est que, chez la plupart des animaux, la faim (normale) est un certain état physiologique (et aussi psychologique, cérébral) de l'organisme, provoqué par le besoin pressant d'introduire des aliments dans l'estomac plus ou moins vide, besoin se traduisant par un désir aigu de « manger ». La cause fondamentale de cet état de l'organisme doit être la nécessité pour le corps de réalimenter ou de restituer certaines cellules épuisées ou usées, et aussi de recouvrer l'énergie dépensée. En somme, la faim avertit celui qui l'éprouve qu'il est temps d'ingérer des aliments dans les voies digestives afin de soutenir au niveau normal les processus vitaux de l'organisme.

II se peut bien que lorsque la pleine lumière sera projetée sur le phénomène de la faim, sur ses causes et son essence, alors on pourra, se basant sur certaines découvertes biologiques et chimiques, modifier complètement le caractère de notre nourriture, les procédés mêmes de l'alimentation de notre corps, et qu'en conséquence la sensation de la faim subira également des modifications importantes. Si, par exemple, on arrive à remplacer les copieux repas de nos temps par quelques injections introduisant les substances nutritives directement dans le sang, la sensation de la faim devra certes changer de caractère. Ceci, d'autant plus que ces procédés nouveaux devront infailliblement aboutir à des transformations profondes, sinon à l'atrophie complète de tout le système digestif chez l'homme.

Il est, certes, des gens qui, jouisseurs grossiers et bornés de la vie charnelle contemporaine, ou pauvres myopes, pensent avec effroi à cet homme futur, à cet état de choses éventuel. Outre cette consolation qu'ils n'y assisteront pas, nous devons les rassurer : à la place des jouissances modernes matérielles, corporelles, les hommes de l'avenir tiendront à savourer d'autres joies : spirituelles, intellectuelles, créatrices, qu'ils préfèreront aux misérables plaisirs de nos jours. Tout le sens, toute la véritable justification de l'évolution humaine, de cette civilisation tortueuse et dénaturée, consiste en ce que l'homme s'éloigne, à l'aide de son génie créateur, de l'existence et des joies animales, pour s'approcher, ̶ après avoir traversé l'ère pénible de la demi-civilisation que nous subissons en ce moment, ̶ de la vraie civilisation humaine : d'une existence qui rendra possible, pour tout homme, les insondables, les intarissables joies spirituelles ; les délices intellectuelles, la création illimitée, non sans posséder, en même temps, une santé parfaite et robuste, un corps sain, harmonieux, beau, bien que transformé. C'est pour cette raison qu'il faut certainement préférer à la bonne faim naturelle de l'homme primitif l'absence éventuelle de toute faim chez l'homme futur civilisé. C'est pour cette raison qu'en dépit des horreurs « de la cc civilisation » moderne, il faut, non pas reculer, non pas « retourner à la nature », mais toujours foncer en avant.

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Très intéressante est, justement, l'étude du rôle social de la faim. (La faim comme facteur social. La faim comme problème sociologique.)

Quelle est la portée historique et sociale de la faim, c'est-à-dire de la nécessité imposée par la nature à l'homme, comme aux autres animaux, de se nourrir pour vivre et, par conséquent, de se procurer les aliments indispensables ? Quelle serait la juste appréciation de ce fait ? Cette nécessité est-elle un facteur positif, progressif ou, au contraire, négatif et régressif ? La faim attache-t-elle l'homme aux autres animaux, dans ce sens qu'elle l'empêche de s'en détacher définitivement et de réaliser entièrement son évolution véritablement humaine : spirituelle, intellectuelle, créatrice ? Ou, au contraire, est-ce précisément la faim qui, au fond, engendre et pousse le progrès humain ? Ainsi se pose le problème. Il est clair que sa solution s'entrelace avec celle de beaucoup d'autres problèmes importants (de celui, par exemple, si la science devra modifier, peut-être même supprimer, la nécessité en question ; de celui encore, si le véritable épanouissement de l'humanité est possible tant qu'existe cette nécessité ; de celui des autres forces motrices du progrès, en dehors de la faim, etc., etc...). Il est clair aussi que la solution du problème est intimement liée à la conception de l'Évolution et du Progrès. (Voir ces mots.)

L'opinion courante est que l'évolution de l'homme et la civilisation de la société humaine sont, au fond, les résultats de la nécessité pressante de satisfaire les premiers besoins matériels et des moyens dont l'homme disposait pour y faire face. La faim tenant une place honorable parmi ces besoins, elle serait donc l'un des facteurs principaux du progrès.

D'après cette conception, ce fut la faim, la nécessité de la satisfaire, qui, la première, poussa les humains à s'unir, à se grouper, à former des sociétés, à s'organiser. Car, tout seul, avec ses faibles moyens physiques, l'individu isolé ne pouvait guère se rendre maitre de ces nécessités.

Ce fut la faim, aussi, qui, de pair avec d'autres besoins primordiaux, amena les premières découvertes et inventions, fit poser les premières pierres du progrès technique et scientifique.

C'est la faim, et les autres besoins matériels, qu'on trouve à la base de tout le progrès humain.

Personnellement, je ne suis pas de cet avis. Je conçois tout autrement l'évolution humaine. Je pense que les forces motrices du progrès de l'homme gisent ailleurs que dans les besoins matériels. Je pense que la faim et les autres nécessités matérielles héritées par l'homme des animaux, tout en lui prêtant l'occasion, à l'aube de son évolution, d'appliquer et de développer ses capacités (qui, théoriquement parlant, auraient pu s'éveiller, s'appliquer et se développer dans d'autres conditions également), devinrent rapidement, au contraire, des entraves à son progrès et restent telles jusqu'à présent. Je pense que le, véritable progrès humain ne commencera que lorsque la science deviendra maîtresse complète de ces besoins et les réduira, pour ainsi dire, à néant.

L'analyse à fond de cette question dépasserait les cadres du présent sujet. Je me bornerai donc à quelques considérations rapides seulement.

1° Il n'y a pas que l'homme qui fut poussé, par les besoins matériels, à s'unir, à se grouper, à former des sociétés, à s'organiser. D'autres animaux le furent aussi. Cependant, ces animaux restent, au cours des millions d'années, sur le même niveau d'existence. Seul l'homme connaît le progrès historique. Conclusion : les besoins matériels seuls ne suffisent pas pour expliquer ce progrès. Il doit y avoir quelque chose de plus profond, des facteurs spéciaux, n'existant pas chez les autres animaux.

2° L'existence des autres animaux se borne à la tâche de satisfaire leurs besoins matériels, la faim surtout, tels qu'ils sont, sans chercher à les modifier en quoi que ce soit. Or, le progrès humain consiste, précisément, à s'en débarrasser, c'est-à-dire à pouvoir les satisfaire avec le moins de temps et d'efforts possible : preuve indirecte de ce que ce progrès n'est pas poussé par eux, et qu'ils n'expliquent nullement la civilisation humaine.

3° L'histoire de l'humanité fournit aussi pas mal de preuves directes de ce que l'activité et l'évolution humaines ont d'autres mobiles plus puissants et profonds que la satisfaction des besoins matériels, et que l'effet de ces mobiles se trouve, précisément, entravé par la nécessité de vaquer aux besoins d'ordre matériel.

4° Tout en pouvant être considérée comme une impulsion progressive au début de l'évolution humaine, la faim a joué, incontestablement, un rôle régressif aux époques ultérieures. À l'ère actuelle, c'est elle qui, au fond, accule les masses à l'esclavage et permet de les maintenir sous le joug épouvantable du système d'exploitation capitaliste. Elle est aujourd'hui l'ennemie de l'émancipation, du progrès, de l'évolution.

Donc, le rôle social de la faim varie au cours de l'histoire. Et l'on peut même prévoir l'heure où il deviendra nul. (C'est alors que commencera, à mon avis, la véritable évolution humaine.) Ceci prouve que, dans l'ensemble du processus d'évolution, ce rôle est secondaire, passager, et, pour ainsi dire, accidentel. Les facteurs primordiaux fondamentaux de cette évolution sont d'un tout autre domaine. ̶ VOLINE.


FAIM. « La faim est la honte des hontes pour une société. » (E. BERGERAT.)

La faim est un besoin de nourriture qui se manifeste généralement par l'envie que l'on éprouve de manger ; c'est la misère et la privation de nourriture qu'elle impose, la souffrance qui en résulte.

« Il n'y a pas de nécessité plus impérieuse que la faim. » (HOMÈRE.)

Lorsque, par des titillations dans la région de l'estomac, l'être éprouve le besoin de manger, c'est-à-dire lorsqu'il a faim, il ressent un certain charme que crée ce désir ; mais celui-ci peut devenir bientôt douloureux, être plus ou moins aigu et occasionner, alors, un affaiblissement général, lorsque ce besoin n'est pas satisfait à temps ; dès que l'individu a ingéré quelques aliments, tout cesse et redevient normal.

Ce sont les tissus du corps devenus pauvres en matières nutritives qui provoquent le système nerveux, qui, en éprouvant le contre-coup, traduit généralement ce phénomène par une sensation que l'on a appelée la faim.

La faim peut varier d'intensité suivant l'âge, le sexe, le tempérament, le climat, etc., etc...

L'on doit se garder de confondre le mot faim avec celui d'appétit, qui semblent l'un et l'autre désigner à première vue une même sensation qui nous porte à manger.

La faim semble indiquer un besoin que l'on éprouve, par suite, d'une longue abstinence ou de toute autre cause, tandis que l'appétit semble être plus en rapport avec le goût, le plaisir que l'on va éprouver en songeant aux aliments qu'on se propose de prendre.

Ces deux sensations qui paraissent se trouver réunies dans la plupart des cas peuvent exister l'une sans l'autre.

La faim est plus vorace ; l'appétit, plus patient et plus délicat.

La faim indique donc un besoin physiologique plus ou moins urgent, tandis que l'appétit reste Une impression périphérique sensuelle que provoque ordinairement la vue, l'odorat ou parfois même le souvenir des mets savoureux.

Certains physiologistes attribuent la faim au froncement de l'estomac, à la pression ou au frottement de sa tunique interne, à la lassitude de ses fibres musculaires contractées durant de trop longues heures, à la compression de ses nerfs, au tiraillement du diaphragme ou à l'action des sucs gastriques sur les parois qui les contiennent.

Ce sont des hypothèses ; rien n'a encore permis de conclure des lésions multiples que revêtent les êtres qui meurent de faim, ou plutôt d'inanition.

Généralement, la faim se manifeste chez l'individu lorsque la perte de poids du corps atteint 500 à 600 gr. environ, poids dans lequel il ne faut pas comprendre l'urine et les excréments expulsés par les voies naturelles.

Contrairement à ce qu'on pourrait supposer, la faim n'est pas localisée au seul organe : l'estomac ; c'est une sensation générale. C'est ainsi que certains poisons du système nerveux (opium, nicotine, liqueurs) peuvent la diminuer, de même que les infections ou les fièvres la supprimer.

Dans certains cas de diabète, par exemple, la faim peut devenir tout au contraire exagérée (boulimie).

Deux ou trois fois en vingt-quatre heures, la faim se fait sentir chez l'adulte en bonne santé ; chez les enfants, les adolescents et les convalescents, elle peut se montrer plus souvent ; chez les vieillards et les individus sédentaires et surmenés, beaucoup moins.

Certains animaux qui absorbent des aliments peu réparateurs, tels les lapins, mangent constamment.

Si, par l'absorption de matières alimentaires, on peut calmer la faim, il ne faut pas en conclure que le résultat cherché est obtenu, car on ne fournit pas toujours aux tissus les aliments nutritifs nécessaires à leur entretien et à leur réparation.

L'appareil digestif des jeunes enfants, si délicat parfois, ne peut pas toujours incorporer les aliments que nous leur donnons ; le résultat que nous désirons n'est donc pas atteint ; de même que les individus qui souffrent de faim chronique, tout en absorbant tout ce qu'ils trouvent, finissent cependant par mourir quand même.

Ces phénomènes, dits fréquemment d'inanition, se déroulent plus ou moins rapidement. Lorsque la faim est poussée à l'extrême, elle amène parfois la mort ; prolongée longuement, elle ralentit la respiration, la circulation, et occasionne des dérangements parfois très graves des facultés intellectuelles.

Quant aux perversions de la faim, bien distinctes des perversions de l'appétit, elles rendent les sensations douloureuses, déterminent un trouble cérébral profond qu'on dénomme faim angoissante ou phobique.

Sous le nom de faim canine on désigne les diverses altérations maladives de la faim : polyphagie, boulimie, cynorexie, anorexie, dysorexie, qui, le plus souvent, sont liées à des affections nerveuses des organes digestifs.

On n'arrête pas le murmure

Du peuple quand il dit : j'ai faim.

Car c'est le cri de la nature :

Il faut du pain !

P. DUPONT.


Au sens figuré, le mot faim désigne ordinairement un désir ardent, une ambition, une ardeur de jouir de quelque chose ou de posséder cette chose.

C'est ainsi qu'on peut avoir faim de gloire, de richesses ou d'honneurs.

La faim, roman du grand écrivain norvégien Knut Hamsun, qui est un chef-d'œuvre.

Knut Hamsun y a dépeint les souffrances physiologiques d'un être en proie aux affres de la faim.

L'analyse y est donnée avec toute la pénétration, toute l'acuité qui font l'originalité même de l'œuvre entière de Knut Hamsun.

« Et maintenant, j'avais faim, je sentais mes boyaux se tordre comme des serpents ; et, je le prévoyais, il n'était pas écrit que je dusse manger ce jour-là. »

Cette étude faite sur soi-même, en quelque sorte, car comme « le héros » de son livre, Knut Hamsun a connu les souffrances psychologiques et physiologiques de la faim, est extraordinairement aiguë et intense et rappelle par plus d'un point une autre grande figure littéraire : Dostoïevski. ̶ HEM DAY.


FAIM (Grève de la). ̶ Action qui consiste à refuser de prendre toute nourriture. La grève de la faim est l'ultime moyen de protestation employé généralement par les prisonniers d'État pour mettre fin à un cas d'arbitraire dont ils sont victimes ou pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur un objet digne d'intérêt.

C'est surtout avant la guerre, dans les prisons russes, et plus particulièrement aux heures tragiques qui succédèrent à la révolution de 1905 que les révolutionnaires détenus dans les geôles tsaristes employèrent ce moyen pour attirer l'attention du monde civilisé sur la cruauté du régime pénitentiaire qui leur était infligé. Depuis, tous les pays ont eu leurs grévistes de la faim, car tous les pays traversent, à certaines époques, des périodes de réaction durant lesquelles les prisonniers politiques ont de nombreuses raisons de protester.

Un cas de grève de la faim qui mérite d'être particulièrement signalé, est celui du maire de Cork, Mac Swiney, qui se laissa mourir de faim pour protester contre la tyrannie britannique qui s'exerçait en Irlande et contre l'emprisonnement et l'exécution de milliers d'Irlandais.

Le sacrifice de cet homme courageux et généreux, les pétitions signées en sa faveur par des milliers et des milliers d'individus appartenant il toutes les classes sociales, la réprobation unanime de tout le monde civilisé contre le despotisme exercé en Irlande par l'Angleterre n'apitoyèrent pas les dirigeants de la perfide Albion, qui laissèrent s'éteindre, après deux mois de souffrances, ce héros de la cause irlandaise. Le sacrifice du maire de Cork ne fut pas inutile. Si le peuple irlandais n'a pas encore conquis son entière liberté, son régime s'est cependant amélioré, et c'est, dans une certaine mesure, au sacrifice d'individualités comme celles de Mac Swiney qu'il le doit.

En France, pays démocratique par excellence, la grève de la faim fut employée à plusieurs reprise ; pour faire respecter des droits acquis par les usages et les coutumes. C'est à cette action que les « détenus politiques » doivent le bénéfice d'un régime spécial ̶ plus supportable que celui du droit commun ̶ qui fut supprimé durant la guerre et rétabli à la suite de la grève de la faim faite par un petit nombre d'anarchistes détenus à la prison de la Santé.

Bien que la grève de la faim n'ait que rarement une issue fatale pour celui qui la fait, elle nécessite un véritable courage et une réelle volonté. Les affres de la faim sont terribles, surtout lorsque, sans obligation, on se refuse à toute nourriture. D'autre part, ce n'est pas sans déclencher une révolution dans l'organisme que l'on reste plusieurs jours sans manger et ceux qui se livrèrent à cette protestation restèrent parfois toute leur vie sans pouvoir définitivement se rétablir.

Conséquemment, la grève de la faim ne doit être faite que lorsqu'il n'y a aucun autre moyen d'aboutir à un résultat ; mais celui qui la commence doit bien réfléchir auparavant, et sans fléchir aller jusqu'au bout de sa protestation.

N'est-il pas terrible de songer qu'au vingtième siècle des hommes soient contraints de se mutiler pour obtenir ce qui leur est dû légalement, et cela dans la France républicaine ? Eh non, il ne faut pas s'en étonné, quelle que soit la forme de gouvernement qui dirige la chose publique, tant que le capital subsistera, il y aura des parlementaires, des magistrats et des prisons et derrière les murs de ces prisons des hommes qui feront la grève de la faim pour s'élever contre l'injustice des lois et la tyrannie des puissants.