FÉDÉRALISME
Le fédéralisme est une forme d’organisation
sociale, qui a pour but d’assurer : 1° les rapports des individus entre
eux ; 2° les rapports de l’individu avec le groupement ; 3° les
rapports des groupements entre eux. Il a pour bases essentielles :
1° la liberté de l’individu ; 2° l’indépendance et l’autonomie du
groupement.
Il repose sur une grande loi naturelle : l’ASSOCIATION, dont les
fondements moraux sont : la SOLIDARITÉ ET L’ENTR’AIDE.
Les principes qui se dégagent de l’application de cette loi naturelle
consacrent, sans conteste possible, l’interdépendance absolue de
l’individu et du groupement.
Et c’est de cette constatation qu’est issu le fédéralisme, comme forme
d’organisation sociale, basée à la fois sur la nature et sur
l’observation scientifique des faits.
Nul ne peut échapper à cette loi : ni les êtres animés, ni les êtres
appelés, par erreur, inanimés.
Non seulement les hommes doivent s’y plier, pour vivre, se développer
et se défendre contre les éléments ou les autres espèces qui leur
disputent la possession de la terre, mais il apparaît clairement que
les végétaux et les minéraux, comme les animaux, ne peuvent se
soustraire à la loi d’association.
Ce n’est pas par hasard que les forêts existent, que les gisements de
minéraux se rencontrent, que les animaux se groupent. La seule loi
d’attraction ne suffirait pas à expliquer ces phénomènes de
groupements, cette classification en espèces : animales, végétales,
minérales.
Ces espèces se rassemblent, pour vivre, sous l’influence des éléments.
Ce n’est qu’en se groupant par catégorie qu’elles ont la possibilité de
se défendre contre les autres espèces, de se donner en commun des
conditions de vie.
D’autres l’ont dit et prouvé bien avant moi.
Il était donc naturel que les hommes, ces animaux supérieurs,
paraît-il, obéissent, eux aussi, à la loi d’association, pour le bien
comme pour le mal.
L’association s’est imposée à l’homme dès qu’il a voulu accomplir une
tâche au-dessus de ses seules forces, dès que ses semblables ou les
éléments lui ont imposé cette tâche.
Pour que l’association soit viable, il faut que les associés
poursuivent un but commun et qu’ils soient d’accord sur les moyens à
employer pour atteindre ce but.
Ceci les oblige à accepter tacitement un contrat, écrit ou non, qu’ils
s’engagent à respecter volontairement et mutuellement, pendant toute la
durée de l’association, que celle-ci soit limitée ou illimitée.
Il est clair qu’en s’associant avec d’autres hommes, avec lesquels il
conclut un accord précis, nettement défini par le contrat qui le lie à
ses associés, l’individu abandonne forcément quelques préférences
personnelles qu’il conditionne, en quelque sorte, l’exercice de sa
liberté. De même, il subordonne volontairement son intérêt particulier
à un intérêt collectif, lequel donne tout naturellement naissance la
constitution de l’association.
Il se crée donc des droits et devoirs. Ses droits, c’est ce qu’il
reçoit et doit recevoir des autres associés, pour sa collaboration à
l’œuvre commune. Ses devoirs, c’est ce qu’il doit à ses associés, pour
leur participation à cette même œuvre.
S’il doit exiger l’intégralité de ses droits, il doit aussi remplir
scrupuleusement ses devoirs.
A la spécification du but à atteindre, à la détermination des moyens à
employer qui constituent la doctrine de l’association, viennent
s’ajouter renonciation des droits et des devoirs de chacun, qui forment
le Statut, la Charte de l’association, qui se meut désormais dans le
cadre des principes adoptés par l’ensemble des associés.
A partir de ce moment, toutes les décisions prises par les associés
devront être en accord avec les principes fixés.
A cet instant précis de ma démonstration, je tiens à établir la
différence qu’il convient de faire entre le principe :immuable, et la
décision : circonstancielle.
En effet, si le principe, base de la charte, ne peut être modifié que
du consentement unanime des associés, la décision peut être prise par
la majorité de ces associés.
Une seule condition suffit pour que la décision soit valable : Il faut
qu’elle soit en accord, avec le principe ou les principes sur lequel ou
lesquels l’association a été fondée.
Une décision est valable - et doit être appliquée - jusqu’à ce qu’une
autre décision se rapportant au même sujet, à la même question, soit
venue automatiquement remplacer la première, toujours dans le cadre des
principes, bien entendu.
S’il en était autrement, si une partie des associés ou un associé
seulement prétendait passer outre à la décision, l’association serait
menacée dans son existence. Elle ne pourrait jamais atteindre les buts
pour lesquels elle a été constituée.
Pour sortir de cette situation, il n’y a que deux solutions : ou
l’associé part de son plein gré ou les autres associés lui notifient
son départ.
C’est le résultat même de l’application du Statut de l’association, de
la charte, à laquelle tous les associés ont accepté, par avance, de se
discipliner volontairement.
C’est aussi la conséquence de l’application de la loi du nombre, qui
oblige l’individu, associé à d’autres individus, à accepter de
travailler selon les décisions de l’ensemble ou de la majorité.
Et tant que cette loi inexorable ne pourra être remplacée par une autre
plus juste, plus logique, plus équitable, il devra en être ainsi.
On pourra dire de cette loi du nombre qu’elle est injuste, qu’elle
paralyse la marche en avant, qu’elle asservit un individu à l’ensemble,
une minorité à une majorité.
Ce qu’il importe de faire, c’est de trouver mieux avant de l’abolir.
Or, on n’a, jusqu’ici, rien trouvé. On peut aussi dire que toutes les
objections sont plutôt d’ordre sentimental. Raisonnablement,
pratiquement, elles sont sans valeur. Si on les acceptait, il n’y
aurait aucune association possible et, seul, l’individualisme
s’imposerait.
S’il est évident que l’individu compose le milieu, pour partie, il est
non moins évident que l’individu ne peut pratiquementse dissocier du
milieu ; qu’il en dépend au même titre que tous les organes d’un même
corps dépendent de ce corps et sont solidaires l’un de l’autre.
On doit donc admettre comme exacte l’interdépendance absolue du
groupement et de l’individu, aussi longtemps que le second demandera
quelque chose au premier, qu’il ne pourra se suffire complètement à
lui-même.
Puisqu’il est obligé de s’associer, qu’il en reconnaît la nécessité, il
est obligé de respecter le contrat auquel il a souscrit. Ceci implique
forcément que l’individu accepte les décisions de l’ensemble, que la
minorité accepte celles de la majorité, dans les limites du contrat,
suivant le Statut.
On peut, évidemment, dire que la minorité a toujours raison, que
l’individu est plus éclairé que la majorité. Ceci n’est pas toujours
exact. De même que les majorités, les minorités ou l’individu peuvent
être dans l’erreur.
Il convient de dire aussi qu’il y a deux sortes de minorités et
d’individus : celles ou ceux qui marchent en avant et celles ou ceux
qui restent en arrière.
Si on a affaire à une minorité - individuelle ou collective - qui voit
plus juste et plus loin que la majorité, il n’est pas douteux qu’elle
aura rapidement raison, que son point de vue, rejeté hier, sera adopté
demain, après expériences, puisque aucune opposition d’intérêts ne
dresse l’une contre l’autre la majorité et la minorité et que toutes
deux, au contraire, tendent à réaliser une même chose, à atteindre un
même but.
La minorité deviendra donc majorité. Détentrice de la vérité, elle sera
un élément de succès, à la condition, toutefois, qu’elle accepte les
décisions de la majorité, qu’elle les applique, qu’elle agisse dans
leur cadre.
Ce sont les événements eux-mêmes qui lui donneront raison. Elle doit
être disciplinée. Elle comprendra d’autant mieux la nécessité de cette
discipline, qu’il est certain d’avance qu’elle donnera elle-même
naissance, un jour prochain, à une majorité issue de son propre sein.
N’est-ce pas là le résultat d’une évolution naturelle incontestable
contre laquelle aucun argument ne peut être apporté ? Si, au contraire,
on a affaire à une minorité d’arrière-garde retardataire, figée,
convient-il de l’écouter ? Non. Il faut s’efforcer de la faire évoluer,
sans la brimer et de l’amener à rythmer son action sur celle de la
majorité d’avant-garde, sans la brusquer, en utilisant, pour cela, la
leçon des faits. Les événements ne tarderont guère à lui démontrer son
erreur.
La loi du nombre est donc la seule qu’une association puisse accepter.
Et ceux qui ne l’admettent pas ne peuvent participer effectivement à
l’oeuvre commune. Cela veut-il dire que l’individu abdique toute
liberté, toute initiative ? Du tout ; au contraire, l’individu est
pleinement libre de discuter sur toutes les questions qui se réfèrent à
la vie de l’association ; il a le droit d’exprimer son point de vue,
son opinion sur toutes les questions et de tenter de faire prévaloir
cette opinion, ce point de vue.
Mais lorsque tous les associés qui désirent user de ce droit - qui est
en même temps un devoir - ont discuté et qu’il fautdécider, la
discipline s’impose à tous.
La décision de la majorité ne souffre aucune discussion. Il faut
l’appliquer. Ainsi, en pleine souveraineté, l’association adiscuté et
décidé. Il lui reste à agir. Tous les associés doivent le faire, dans
le cadre des principes d’abord, suivant les décisions ensuite.
Discussion, décision et action caractérisent donc les stades successifs
que traverse toute idée dont l’association a reconnu la nécessite
d’application pratique.
Au premier stade se place le droit, au deuxième, l’expression de ce
droit, au troisième, le devoir.
Ce n’est qu’en utilisant le premier, qu’en exprimant le second et en
acceptant le troisième, que les associés pourront permettre à
l’association de vivre, de se développer naturellement et normalement,
en marchant constamment vers ses buts.
La solidarité et l’entr’aide, bases morales de l’association
permettront à l’individu de recevoir de ses associés ce qui lui est dû,
en même temps qu’elles assureront à ces derniers le concours du premier.
On peut donc dire que l’association est la loi fondamentale, parce que
naturelle et scientifique, qui s’impose aux hommes qui veulent vivre en
société.
Quant aux autres, s’ils ne veulent rien devoir au milieu, ils doivent,
en revanche, ne rien lui demander.
C’est l’évidence même.
L’association engendre automatiquement l’alliance, le fédéralisme.
En effet, si une association est forcément limitée à un milieu
restreint, un très grand nombre d’associations peuvent avoir une
communauté de vue, d’intérêts matériels et moraux, immédiats et futurs.
Ceci les oblige à se réunir, à reconnaître l’identité de leurs buts, à
déterminer les moyens à employer pour les atteindre, à se donner une
doctrine commune, à établir un contrat, à dresser un statut pour agir
ensemble.
A ce moment, le fédéralisme est né. Les nécessités économiques, à
chaque époque, lui assignent la forme convenable.
C’est ainsi que, de nos jours, le monde, partagé en deux classes
rivales, est obligé de se donner une organisation fédérative, que les
syndicats, patronaux et ouvriers, sont devenus la forme-type de cette
association. Les uns œuvrent pour conserver les privilèges
capitalistes, les autres pour établir l’égalité sociale. C’est entre
ces deux forces, qui représentent les classes en présence, que se
livrera la véritable bataille sociale. Le succès de l’une sera fait de
l’écrasement de l’autre. Celle qui triomphera sera celle qui aura le
mieux compris le fédéralisme associatif.
En dehors d’elles, rien d’autre n’existe vraiment. Tout leur est
obligatoirement subordonné, et l’accessoire : le politiquetend de plus
en plus à disparaître devant le principal : l’économique. Et le jour
n’est pas éloigné où les partis : bourgeois ou ouvriers, de même que
les gouvernements qui en sont les conséquences, devront disparaître
devant les classes ayant rassemblé toutes leurs forces : politiques,
économiques et sociales dans de vastes associations, fédérées entre
elles, chacune sur son propre plan.
Il n’est pas exagéré de dire dès aujourd’hui que le syndicalisme
révolutionnaire et anti étatiste exprime la synthèse de la force de
classe ouvrière, comme il est déjà la synthèse du mécanisme social de
l’avenir.
Il a dû, tout naturellement, se préparer à la tâche qui lui incombera
et s’efforcer de fonctionner dès maintenant, selon les principes qu’il
veut appliquer intégralement plus tard.
Il s’est donc donné, pour cela, une structure adéquate à la besogne à
accomplir et dotée des organismes qui doivent lui permettre de réaliser
sa tâche.
Ces organismes sont : le syndicat fonctionnant sur la base des comités
d’atelier et des conseils d’usine ; l’union locale, l’union régionale,
la confédération générale du travail et l’internationale syndicale.
Pour accomplir la partie technique de son programme, il a institué des
fédérations nationales et internationales d’industrie qui doivent, dès
que possible, donner naissance à un comité économique du travail, sur
le plan national et international.
Tous ces rouages se meuvent suivant les principes-fédéralistes, de la
base au faîte et du faîte à la base, accomplissant ainsiun cycle
complet formé de deux courants : l’un ascendant, l’autre descendant.
Le courant ascendant va de l’individu à l’internationale, en passant de
l’unité au nombre, du simple au complexe, par l’intermédiaire des
rouages existants, en désindividualisant de plus en plus l’intérêt
particulier pour le transformer de plus en plus en intérêt collectif
social.
Le second, descendant, va de l’internationale à l’individu, en passant
du nombre à l’unité, du complexe au simple, par l’intermédiaire des
mêmes organismes, en restituant à chacun des rouages sa liberté
d’action dans le cadre général et en donnant à chaque rouage et, en
définitive, à l’individu, une pleine liberté, dans le cadre particulier
de son activité, en complet accord avec les principes et les décisions
de l’association à ses divers degrés.
C’est ainsi qu’on retrouve à tous ces degrés les trois principes qui se
dégagent du fédéralisme : discussion, décision etaction, dont la
continuation constante assure la bonne marche pratique de
l’organisation.
Pour que les individus associés puissent participer comme il convient à
la vie de l’association constituée par eux, on procède de la façon
suivante :
Dans le syndicat, tous les syndiqués discutent en assemblée générale
les questions qui les intéressent. Après ample discussion, l’assemblée
prend une décision, à l’unanimité ou à la majorité, en ayant soin de se
tenir dans le cercle des principes déterminés par le groupement général
fédératif, auquel le syndicat appartient.
Dès que cette décision est prise, tous les syndicats doivent
l’appliquer dans leur sphère d’activité, et mettre tout en œuvre pour
atteindre les buts fixés. Il n’y a plus de majorité, ni de minorité,
mais un groupement tout entier qui agit après avoirdiscuté et décidé.
En ce qui concerne l’union locale, qui est composée de tous les
syndicats d’une même localité et de ceux qui appartiennent à sa zone de
rayonnement préalablement déterminée, les syndiqués participent à la
vie de cet organisme par une représentation directe nommée par les
assemblées générales des syndicats, et contrôlés constamment par ces
assemblées.
Toutefois, dans les localités de peu d’importance, il ne serait pas
mauvais que les délégués fussent nommés par l’ensemble des syndiqués
réunis en assemblée, et même que tous les syndiqués puissent participer
directement à la gestion syndicale ou sociale.
Les décisions prises au sein de l’union locale soit par les délégués
directs dûment mandatés ou par tous les syndiqués sont applicables par
l’ensemble des syndicats et des syndiqués composant l’union locale,
suivant les principes déjà exposés pour le fonctionnement- du syndicat.
La vie de l’union régionale et le fonctionnement de cet organisme sont
assurés de la même façon que ceux de l’union locale et les décisions
prises sont appliquées de la même manière, dans les mêmes conditions.
Toutefois, on comprendra que, devant l’impossibilité de réunir tous les
syndiqués d’une région, on soit dans l’obligation de s’en tenir aux
délégations directes des syndicats, nommées et contrôlées par les
assemblées générales.
Enfin, de même que tous les syndicats d’un pays se réunissent en
congrès fédéral industriel pour fixer leur action sur plan et préparer
la besogne technique de l’ensemble de l’association, ces syndicats se
réunissent, dans les conditions fixées par eux lors de l’établissement
du statut de l’organisation, en congrès confédéral national.
Dans ces assises, où les syndicats sont représentés par des délégués
directs nommés par les assemblées générales des syndiqués, on discute
et on décide de la ligne de conduite générale de l’organisation, de
l’association de tous les syndiqués. On établit un plan d’action
général, en laissant place aux formules régionales, locales et
syndicales qui, de proche en proche, viendront s’ajouter à ce plan et
en faciliter l’application par le jeu des unions régionales et locales,
des syndicats, conformément aux nécessités, et suivant la situation
particulière des régions, unions locales et syndicats.
Pour fixer l’action internationale de la classe ouvrière de tous les
pays, dont la solidarité doit être totale dans tous les domaines, les
centrales nationales, les groupements de tous les syndiqués de chaque
pays affilié, se réunissent en congrès international et là, par le
canal des délégués nommés par les congrès nationaux, s’établit le plan
d’action international de tous les associés, unis sans distinction de
nationalité.
Les décisions prises sont d’ordre général. Elles sont applicables à
l’ensemble des associés dans tous les pays.
C’est la première partie du cycle, le courant ascendant qui a permis de
discuter et de décider à tous les échelons, suivant les mêmes méthodes.
Et on peut dire que, directement ou par des délégués nommés par lui et
constamment contrôlés, l’associé participe à la marche de l’association
et au contrôle de tous ses rouages.
Pour que s’accomplisse la seconde partie du cycle, par le courant
descendant, après avoir discuté et décidé, il faut que les associés
agissent. Ils le font par la mise en mouvement en sens inverse de tous
les rouages fédérés, sur le plan social et sur le plan industriel, dans
le cadre des principes de l’association, et suivant les décisions
prises.
C’est ainsi que l’Internationale syndicale indique à la C. G. T. de
chaque pays l’action générale à entreprendre et que cette dernière
détermine, dans le cadre arrêté par le Congrès international, la forme
d’action particulière qui correspond le mieux à la situation de ce pays
qui constitue le lieu de son activité.
De même, étant mises en possession de la décision de l’Internationale
et du plan national arrêté par le Congrès national confédéral, chaque
fédération, dans le domaine industriel, et chaque région, dans le
domaine social, établit en conformité des décisions prises, sa formule
d’action la plus appropriée.
Les unions locales et les syndicats opèrent de façon identique. Ainsi,
dans le cadre des décisions d’ordre général, de l’Internationale
syndicale viennent prendre place normalement, à leur heure précise,
toutes les décisions particulières prises successivement par les C. G.
T., unions régionales et locales, fédérations et syndicats, organes de
consultation et de liaison de l’association de la base au faîte et du
faîte à la base.
A ce moment, le syndiqué se trouve, en pleine communauté avec tous ses
associés, en possession de toutes les décisions prises par eux. Il lui
reste à agir suivant les principes et les décisions, à se diriger vers
les buts indiqués en utilisant les moyens d’action indiqués, par ordre
descendant, par les divers rouages de l’association.
Il dépendra alors complètement de lui, de son intelligence, de son
courage, de sa compréhension, de son initiative, du sentiment qu’il
aura de sa responsabilité, que le succès ou l’insuccès couronne ses
efforts.
En définitive, l’associé seul agit, mais il agit en accord avec tous
les autres associés avec lesquels il s’est préalablement uni et on peut
déclarer que l’initiative et la responsabilité, qui sont les facteurs
essentiels à la réalisation de toute œuvre, quelle qu’elle soit, lui
appartiennent constamment, que c’est lui, avec ses associés et fédérés,
qui exerce, dirige et exécute.
Mais, pour que le fédéralisme porte tous ses fruits, un tel système
doit fonctionner sans à-coups, normalement et à plein rendement.
Pour cela, chaque associé, chaque groupement, doit accomplir
intégralement sa tâche, toute sa tâche, mais rien que sa tache, sans
empiéter sur celle du voisin d’à-côté, au-dessous ou au-dessus.
Toute négligence d’un associé, tout arrêt dans le fonctionnement d’un
rouage, tout ralentissement ou tout rythme trop vif dans le
fonctionnement d’un rouage risquent de rompre l’harmonie de l’ensemble.
Cette négligence, cet arrêt, ce ralentissement, ce rythme désordonné,
auraient pour conséquence fatale de détraquer le système infiniment
sensible qu’est ce fédéralisme.
L’insouciance des associés d’un syndicat, d’une union locale et
régionale, leur désintéressement de la bonne marche de l’association,
du respect des décisions prises auraient pour conséquence
l’établissement, par voie de substitution, d’une sorte de dictature
collective, qui pourrait fort bien, par la suite, se transformer pour
les mêmes raisons, en dictature de clan - ou de parti - pour aboutir à
une véritable dictature individuelle.
Donc, pour naturel qu’il soit, le fédéralisme est bien le système le
plus difficile à appliquer, parce qu’il requiert, pour cela,l’activité
constante de tous : individus et groupements.
Adversaire irréductible de la théorie du moindre effort, il nie
l’utilité et surtout la possibilité d’existence des messies, des
hommes-providence. Il n’attend de réalisations que de l’individu et de
ses associés, et il affirme ne pouvoir rien obtenir que par eux.
Lui seul garantit la liberté dans le groupement et ne limite pas son
expansion ; lui seul permet d’établir entre les individus, entre les
groupements et les individus, entre les groupements entre eux, des
rapports véritablement normaux. Il apparaît comme le système de
l’avenir très proche. L’humanité ne sera libérée que par son
application, et la société de demain ne verra la suppression des
classes, l’abolition du salariat, la disparition de l’inutile Etat, par
le nivellement des classes, l’intégration de tous les individus dans la
production, que par le fédéralisme, seul capable d’assurer à la fois,
la liberté, de chacun et le bien-être de tous dans l’harmonie et
l’égalité sociale réalisées.
Pierre BESNARD.