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FERMAGE n. m.

Le fermage est la redevance, le loyer, qu'un locataire d'un bien ou d'une propriété agricole doit verser au propriétaire pendant toute la durée du bail fixé d'un commun accord entre le locataire et le propriétaire. Le locataire s'appelle le fermier.

Le fermier peut se comparer au tâcheron, avec cette différence qu'il a beaucoup plus de risques que celui-ci. En effet, un tâcheron accepte de faire à la tâche un travail déterminé, alors que bien souvent dans les contrats de fermage, le fermier s'engage à verser à son propriétaire, soit en argent soit en nature, une valeur supérieure à ce que la terre et sa ferme lui rapporteront. Il est à la merci d'une bonne ou d'une mauvaise récolte et, ayant toutes les charges de la ferme, il n'en a pas les bénéfices. Le fermage, qui, au lendemain de la Révolution française, devait s'éteindre par suite de la répartition de la terre entre les petits paysans, s'étend aujourd'hui de plus en plus. La terre devient une industrie comme l'automobile ou l'aviation, et est exploitée par des puissances d'argent qui en tirent des ressources incalculables. D'autre part, les descendants de la vieille aristocratie française achètent à prix d'or toute la terre qui se trouve à vendre et la grosse bourgeoisie ne dédaigne pas non plus cette catégorie de revenus. Cependant, ni la bourgeoisie, ni l'aristocratie ne consentent à abandonner la ville pour la campagne ; ils afferment donc leurs propriétés agricoles pour une somme déterminée, à charge pour l'affermataire, s'il veut réaliser des bénéfices, de fournir un rendement, une production supérieure à la valeur du fermage.

Il est évident que l'affermateur cherche à retirer de son exploitation le plus large revenu possible, et le fermier qui ne possède ni terre, ni bétail est contraint d'accepter toutes les conditions, aussi onéreuses soient-elles, qui lui sont imposées. Il en résulte que, la plupart du temps, le fermier ne travaille uniquement que pour son propriétaire, car une fois qu'il a payé son fermage, il ne lui reste plus rien. Et c'est ainsi que, toute son existence, il arrachera des richesses à la terre, sans jamais en profiter, sans jamais avoir à lui un petit lopin.

Il y a plusieurs catégories de fermiers : les gros et les petits. Les gros sont naturellement du côté des propriétaires et exploitent également les petits. C'est dans l'ordre des choses. Le petit fermier, quoi qu'il fasse, ne peut être qu'écrasé en régime capitaliste ou tout s'achète avec de l'argent. La Révolution française, en distribuant la terre, n'a pas aboli la propriété, et il était inévitable qu'à la longue cette terre retournât aux possédants de la richesse sociale. Le « fermage », tel qu'il s'exerce dans nos pays démocratiques, démontre qu'une révolution qui repose sur le principe de la propriété et qui laisse subsister après elle la puissance d'argent, est une révolution incomplète, puisqu'elle laisse la possibilité d'acquérir et de reconstituer ce qu'elle entendait détruire. Le fermage : c'est la féodalité, et l'affermateur est un véritable seigneur qui ne fait rien et qui n'a d'autres soucis que d'encaisser le produit du travail des autres.

Dans l'industrie, un usinier peut prétendre fournir un travail quelconque représentant une certaine valeur ; dans le fermage, le propriétaire ne peut rien invoquer, sinon sa propriété. Il gagne de l'argent sans rien faire. C'est logique, puisque nous sommes en société capitaliste.

Faut-il dire que la situation précaire du fermier rend plus misérable celle du simple travailleur des champs? Tiraillé par les exigences du propriétaire, le fermier devient à son tour exigeant en ce qui concerne ses ouvriers. Pour arriver à boucler son budget, il demande à ceux qu'il emploie, de longues heures de travail pour de maigres salaires, et cela explique peut-être l'abandon de la terre par la jeunesse campagnarde. Si le fermage n'était pas une honteuse exploitation, il est probable que la culture ne manquerait pas de bras, ainsi qu'on se plaît à le dire.