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FIDELITE (du latin fidelis, de fides, foi)

La fidélité est la constance dans les affections. C'est aussi l'exactitude à remplir ses engagements. Dans ces deux cas tout au moins, il s'agit bien d'une qualité précieuse, et non d'un préjugé. Une amitié fidèle est une amitié que ni le temps, ni l'adversité, ne peuvent affaiblir. Il n'est pas de plus grand réconfort au cours d'une existence tourmentée. Un amour fidèle est un amour qui domine toutes les circonstances de la vie et, malgré les ans et les déceptions, demeure attaché à son objet. Qui donc ne souhaiterait d'être aimé ainsi? La fidélité a un idéal, c'est la lutte persévérante à son service, malgré les obstacles qui s'opposent à sa réalisation. Lui préférerait-on le caprice des snobs ou le mercantilisme des « girouettes »? Quant au respect de la parole donnée, il est la condition indispensable de l'harmonie dans une société libre. Le loisir peut, en effet, demeurer sans grand inconvénient à la merci de la fantaisie, non la production industrialisée. La lutte collective, par vastes associations, pour la conquête quotidienne du maximum de bien-être, avec le minimum d'efforts, comporterait - sous peine de misère générale à bref délai - l'observation stricte de dures règles de présence et de travail, imposées non par l'arbitraire, mais par l'inéluctable nécessité. Qu'un trop grand nombre de travailleurs ne se fassent pas de l'observation de ces règles un cas de conscience, et ce serait, inévitablement, d'abord le gaspillage et la gêne, les tâches rendues plus longues ; ensuite, la révolte légitime des bonnes volontés contre l'insouciance et le parasitisme ; finalement, le recours à des moyens de force - c'est-à-dire à l'autorité - pour la préservation de la sécurité publique, les citoyens trouvant, une fois de plus, meilleur bénéfice à se replacer sous le joug de lois sévères, qu'à continuer de subir dans une liberté toute théorique, les licences de leurs voisins.

Le mot fidélité est employé fréquemment pour désigner la qualité de ce qui est de bonne foi, ou conforme à la vérité. On dit, par exemple, d'une personne qu'elle est un témoin fidèle, lorsqu'elle décrit, sans en altérer le caractère et la portée, avec le souci dominant de la réalité des faits, les événements auxquels il lui a été donné d'assister. Voici une vertu d'autant plus digne d'estime qu'elle est plus rare. C'est, en effet, un travers commun à beaucoup trop de gens que de décrire les choses - non telles qu'elles sont -­ mais telles qu'ils voudraient qu'elles fussent pour le mieux de leurs convenances personnelles. Ceci n'aboutit qu'à faire perdre du temps au monde, car l'illusion masque la réalité, mais ne la modifie point, et, tôt ou tard, la vérité se révèle à tous les veux, tel le soleil dissipant les brumes.

Dans le code du mariage, le mot fidélité se rapporte à l'obligation légale faite aux conjoints, mais tout particulièrement à la femme, de n'avoir de rapports sexuels qu'entre eux, à l'exclusion de toutes autres personnes. Et voici, en raison des circonstances qui président aux épousailles, un cas où la fidélité mérite incomparablement moins notre admiration que dans ceux qui précèdent. Certes, c'est un droit absolu pour des amants brûlant d'un amour unique, de se vouer l'un à l'autre sans partage. C'est encore leur droit de se jurer - imprudemment! - un amour éternel, et de s'efforcer de tenir parole.

Mais, dans le mariage légal, il n'est pas question de cela. La loi n'exige aucun serment de ce genre, et ne s'inquiète pas des motifs qui ont pu déterminer deux êtres à s'unir. Ils peuvent se détester dans quarante-huit heures, et se tromper en pensée tant qu'ils le voudront, elle n'en a cure.

Ce qu'elle sanctionne - et c'est là le méprisable de la chose - c'est un véritable contrat d'achat, par lequel une femme - qui agit parfois contre son désir, et sera tenue dorénavant d'obéir à son mari -­ se résigne à n'appartenir qu'à lui, en échange d'une garantie de protection et d'entretien, quelle que soit la conduite future de l'époux, quels que puissent être, par la suite, ses propres sentiments, tant que n'aura pas été rompu par la mort, ou par la décision de magistrats indifférents en l'occurrence, le lien qui les a réunis.

Il ne s'agit plus du don joyeux de soi-même, de la part de gens qui se sont accordés librement, sans cesser de s'appartenir, mais bien de l'acceptation passive d'une chaîne que l'on sera contraint de subir encore, même lorsqu'elle n'inspirerait plus qu'un dégoût profond.

Tout ceci se trouve, évidemment, en fonction des conditions actuelles de la propriété, de la responsabilité paternelle, et des dispositions concernant l'héritage. Aussi n'y a-t-il pas lieu de jeter la pierre à ceux qui s'y soumettent, surtout lorsqu'ils réduisent, en fait, l'alliance à une formalité d'assurance sociale, et à une simple cérémonie conventionnelle. Mais il n'est pas inutile de souligner que, si la fidélité sexuelle librement consentie n'a rien de ridicule et peut-être un élément de bonheur à deux, celle qui est imposée par la force, même en accomplissement de certaines nécessités économiques, n'est qu'un vestige d'esclavage.



- Jean MARESTAN