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FIN n. f. (du latin finis)

Terme, extrémité, bout. Le commencement est la partie que l'on considère comme la première, la fin, celle que l'on considère comme la dernière. La fin de la guerre ; la fin d'un voyage ; la fin d'un livre, la fin du jour ; la fin d'une conspiration ; la fin d'un discours. « En toutes choses, il faut considérer la fin » (La Fontaine). Au figuré : le but que l'on se trace. « La plupart des hommes, pour arriver à leurs fins, sont plus capables d'un grand effort que d'une grande persévérance » (La Bruyère). Proverbes : « La fin justifie les moyens. Qui veut la fin veut les moyens ».

« La fin du monde ». D'après l'évangile, la fin du monde, c'est-à-dire la destruction de la terre et du genre humain surviendra à une époque indéterminée, et sera suivie par un jugement général et public. L'église avait déjà annoncé la fin du monde pour l'an 1.000, elle s'était trompée. Aussi, aujourd'hui est-elle plus sage et ne fixe-t-elle pas de date. De cette façon, elle ne craint aucune erreur et peut reculer cette fin du monde indéfiniment.

L'homme est un animal paresseux. Une chose le frappe particulièrement : la mort ; et comme bien souvent il ne s'explique pas ce phénomène, il en conclut que tout doit mourir. L'homme a cru pendant des milliers et des milliers d'années que le monde avait été créé pour lui, et par conséquent il ne concevait pas que, lui ayant un commencement et une fin en tant qu'individu, le monde pût n'avoir ni commencement ni fin. Sur l'ignorance, il fut aisé de bâtir toutes les religions, et il n'est pas étonnant que durant des siècles l'humanité ait été aveuglément dirigée par un être supérieur, d'une puissance surnaturelle. Il coule de source que, si l'on accepte le principe de la création, on accepte forcément celui de la fin. Les deux n'en forment qu'un seul. Admettre un commencement, c'est prétendre qu'à une époque aussi lointaine que puisse la calculer l'imagination humaine, rien n'existait, et qu'un jour, une heure, de ce rien fut créé le tout, par la simple volonté d'un « Créateur ». « Avec rien, on ne fait rien, on ne peut rien faire, nous dit Sébastien Faure dans son Imposture religieuse ; de rien, on ne fait rien, on ne peut rien faire, et l'inoubliable aphorisme de Lucrèce : ex nihilo nihil, demeure l'expression d'une certitude indéniable et d'une évidence manifeste.

Je pense qu'on chercherait en vain une personne douée de raison qui puisse concevoir et admettre que de rien on puisse tirer quelque chose, et qu'avec rien .il soit possible de faire quelque chose » (S. Faure, l'Imposture Religieuse, p. 22).

Et, en effet, cela est inconcevable. Logiquement, raisonnablement, il faut donc conclure que si rien n'a été créé, il n'y eut pas de commencement, qu'il n'y aura pas de fin, que le monde a toujours existé, qu'il existera toujours, mais qu'il subira indéfiniment des transformations.

L'espèce humaine n'est pas l'unique qui peuple la terre, et l'individu qui rapporte tout à soi et ne peut concevoir l'extinction de la race humaine sans y associer immédiatement la « fin du monde », ne se base pas sur la science et la raison, mais sur l'erreur et l’ignorance. Le globe a subi et subira encore des modifications. La forme de la vie n'a pas toujours été ce qu'elle est aujourd'hui, elle ne sera peut-être pas la même demain. « Il est difficile d'avoir toujours présent à l'esprit, écrit Darwin, le fait que la multiplication de chaque forme vivante est sans cesse limitée par des causes invisibles, inconnues, qui, cependant sont très suffisantes pour causer d'abord la rareté et ensuite l'extinction. On comprend si peu ce sujet, que j'ai souvent entendu des gens exprimer la surprise que leur causait l'extinction d'animaux géants, tels que le mastodonte et le dinosaure, comme si la force corporelle seule suffisait pour assurer la victoire dans la lutte pour l'existence. La grande taille d'une espèce, au contraire, peut entraîner dans certains cas, ainsi qu'Owen en a fait la remarque, une plus prompte extinction, par suite de la plus grande quantité de nourriture nécessaire. La multiplication de l'éléphant actuel a dû être limitée par une cause quelconque avant que l'homme habitât l'Inde ou l'Afrique » (Darwin, L'Origine des espèces, pp. 395, 396).

L'homme qui prétend possible la destruction de la terre et du genre humain, raisonne comme aurait raisonné un mastodonte ou un dinosaure prétendant que tout allait finir parce que son espèce s'éteignait. Le mastodonte et le dinosaure ont disparu, le monde existe toujours, comme il existera encore si l'espèce humaine s'éteint à son tour. Il n'y a pas eu de commencement, il n'y aura pas de fin. Dieu n'a pas créé l'homme, il n'a pas créé la terre, il n'a rien créé, il ne peut rien détruire. Seule la nature indifférente, agit sans but, sans raison, parce que c'est sa nature d'agir, parce qu'elle est immense et que ce qui est immense n'a pas de but. « Si nos yeux, dit Guyau, pouvaient embrasser l'immensité de l'éther, nous ne verrions partout qu'un choc étourdissant de vagues, une lutte sans fin parce qu'elle est sans raison ; une guerre de tous contre tous. Rien qui ne soit entraîné dans ce tourbillon ; la terre même, l'homme, l'intelligence humaine, tout cela ne peut nous offrir rien de fixe à quoi il nous soit possible de nous retenir, tout cela est emporté dans des ondulations plus lentes, mais non moins irrésistibles ; là aussi, règnent la guerre éternelle et le droit du plus fort » (Guyau, Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction. p. 52).

La vie de l'homme a un terme, comme elle a un commencement, mais la vie de la nature est éternelle et c'est parce que nous savons que la nature est infinie et indifférente, qu'après sa mort l'individu est entraîné, englouti par cette nature, que la mort de l'homme est la fin de « l'homme en soi », qu'il ne peut y avoir pour lui de jouissances ultra terrestres, de paradis ni d'enfer, qu'il entre dans le grand tout, que sa vie spirituelle est intimement liée à sa vie corporelle et matérielle, que nous voulons que durant son court passage sur le globe en tant que personnalité, en tant qu'individu fini, il partage avec ses semblables toutes les jouissances que peut procurer la nature. Incroyants, athées, nous ne voulons pas, nous ne pouvons pas attendre l’illusoire jugement dernier, la fin du monde, pour gagner le paradis. La fin du monde ne vient jamais, ne viendra jamais, mais ce qui vient, c'est la fin de l'homme. Nous voulons qu'il goûte au bonheur durant sa vie, et à cette fin nous travaillons sans cesse pour voir se réaliser une société où l'humanité enfin rénovée sera infiniment heureuse.