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FISC n. m. (du latin fiscus, panier)

Les anciens mettaient leur argent dans une sorte de panier appelé fiscus, de là l'origine du mot fisc, qui signifie maintenant : trésor. Le fisc est une des institutions de l'Etat. C'est l'appareil chargé de la perception des impôts votés par le Parlement ; c'est l'institution qui centralise les revenus d'une nation. Le fisc est l'organisme le plus important du ministère des finances, et par extension, le plus ferme soutien de l'Etat bourgeois, puisque en exécutant les lois financières, c'est lui qui assure les ressources d'une nation. Tyrannique et impitoyable, pour ceux qui ne peuvent se défendre, c'est-à-dire les petits, il est d'ordinaire assez indulgent pour les « gros », qui échappent assez facilement aux exigences de cette administration. Rien de plus naturel du reste, si l'on admet qu'en régime capitaliste, toutes les charges d'un Etat doivent retourner en fin de compte sur le dos des masses productrices. Les droits du fisc sont très étendus et ont été dénoncés par tous les hommes d'esprit libéral. J.-B. Say, le célèbre économiste français du XIXème siècle, disait : « C'est une chose toute naturelle que chaque homme prenne l'esprit de son état ; et c'est en même temps une chose assez fâcheuse quand ce même esprit pèse sur la société. La position des agents du fisc, depuis le ministre des finances jusqu'au dernier employé, les rend perpétuellement hostiles envers les citoyens. Tous considèrent le contribuable comme un adversaire, et les conquêtes que l'on peut faire sur lui comme légitimes. Il arrive même que les employés trouvent, à vexer le redevable, une certaine satisfaction d'amour-propre, un plaisir analogue à celui que ressentent les chasseurs, lorsqu'ils réussissent, par force ou par ruse, à se rendre maîtres du gibier. Cet esprit de fiscalité se traduit le plus souvent par l'interprétation judaïque des lois de finances dans les instructions ministérielles ou les règlements auxquels elles donnent lieu, de sorte que le législateur ne saurait trop bien préciser sa pensée. Il est, en outre, surexcité par le système qui proportionne tout ou partie du traitement des fonctionnaires au montant des recettes, et c'est un grand malheur ».

J.-B. Say se trompe, lorsqu'il s'imagine que dans une certaine mesure, le législateur peut améliorer le régime fiscal ; il faut, pour cela, supposer un législateur libre, et indépendant, non soumis aux fluctuations de la politique et détaché de tout intérêt économique. Nous savons que c'est impossible. Les débats financiers d'une assemblée législative sont généralement les plus mouvementés, car ce sont eux qui déterminent les revenus nécessaires à l'Etat et répartissent les charges de chacun. Or, chaque législateur est l'agent indirect d'un groupe d'électeurs, et son mandat est subordonné à l'attitude qu'il prend en certaines circonstances. Si, politiquement, il est possible au député de biaiser, financièrement, cela lui est plus difficile, car, lorsqu'il est question d'argent, lorsqu'il faut ouvrir son portefeuille pour alimenter les caisses du fisc, le plus conciliant des électeurs devient rébarbatif et jamais il ne pardonnerait à son représentant de ne pas avoir tenté d'amoindrir ou d'alléger sa participation aux charges de l'Etat. Si l'on sait qu'un gouvernement est le représentant politique des puissances économiques, et que le Parlement n'est qu'un composé - à part de rares exceptions - d'hommes de paille de la bourgeoisie, on comprendra que ni le gouvernement, ni le parlement, ne veulent contrarier la classe dominante, dont ils sont chargés de défendre les intérêts, et que, sous forme d'impôts (voir ce mot) directs ou indirects, ils puisent leurs ressources là même où se trouve le moins d'argent : dans le peuple. C'est donc le peuple qui est la principale victime du fisc, bien que les apparences laissent croire que c'est la bourgeoisie qui est la plus touchée, car c'est elle qui reçoit généralement les feuilles du percepteur ; cela ne doit cependant pas nous tromper, puisque nous ne pouvons ignorer que tous les impôts directs sont répartis par le commerçant ou l'industriel à son compte frais généraux et que c'est le consommateur qui paie tout cela.

Où le fisc se montre particulièrement avide, c'est lorsqu'il fait sévir contre les malheureux. Alors, il n'a plus de mesure. Qu'un travailleur se refuse à payer l'impôt sur le salaire, qu'il ne trouve pas de fonds pour payer une amende, et c'est la saisie ou la prison. Combien de pauvres bougres ont déjà vu vendre leurs quelques meubles aux enchères publiques, parce qu'ils ne pouvaient soustraire de leurs maigres salaires la forte somme exigée par l'agent du fisc? Combien de travailleurs n'ont-ils pas payé, par des jours de prison, le « crime » de n'avoir pas d'argent? Non seulement le régime fiscal est arbitraire, parce que c'est la classe productrice qui en fait tous les frais, mais le fisc est l'administration la plus cruelle à l'égard des infortunés. Et il ne semble pas que cela aille en s'améliorant, bien au contraire ; huit ans après la guerre, le fisc se montrait d'une cruauté sans précédent, au point de faire exercer la contrainte par corps à ceux qui ne pouvaient payer les amendes civiles ou politiques auxquelles ils avaient - à tort ou à raison - été condamnés.

Nous ne croyons pas en conséquence, que le législateur puisse apporter un remède à cet état de chose. De tout temps, les lois fiscales ont avantagé les possédants, et il en sera ainsi tant qu'il y aura des lois, des impôts, des imposants et des imposés, des travailleurs et des parasites, des exploiteurs et des exploités, en un mot un régime capitaliste. Les démocrates, les socialistes, les libéraux, peuvent échafauder des monuments de lois fiscales, ils ne changeront rien, sinon les apparences ; car l'égalité économique ne peut sortir d'un parlement. Chaque année, la même comédie recommence dans les assemblées législatives ; chaque année les mêmes paroles sont prononcées et le peuple paie toujours au fisc, à la sueur de son front, pour entretenir le char de l'Etat. Et il en sera ainsi jusqu'au jour où il fera sauter et le char et le parlement.