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GAZ n. m.

On donne le nom de gaz à tout corps invisible, élastique qui, sous l'influence de la pression atmosphérique, reste à l'état de fluide. Gaz d'éclairage ; gaz pauvre ; gaz à l'air ; gaz asphyxiant.

C'est bien à tort que l'on prête à l'ingénieur français Philippe Lebon l’invention des gaz d'éclairage. En réalité, dès 1667, les expériences du chimiste anglais Boyle avaient démontré la combustibilité des gaz provenant du bois et de la houille. Philippe Lebon ne fit que poursuivre les travaux de ses prédécesseurs et de trouver des applications pratiques d'utiliser les gaz pour l'éclairage. En France, on ne voulut pas l'entendre, et il alla porter ses découvertes en Angleterre et, lorsque ce système d'éclairage passa en France, il était déjà très répandu de l'autre côté de la Manche. Le gaz a rendu et rend encore d'immenses services, tant au point de vue domestique qu'au point de vue industriel ; mais l'utilisation du gaz, tout au moins en ce qui concerne l'éclairage et la force motrice, doit faire place à l'électricité, plus moderne, plus pratique et plus propre. Pour le chauffage, l'électricité, quant à présent, ne menace pas le gaz, mais il n'est pas douteux qu'avec le progrès, l'électricité sera le mode de chauffage de demain et que le gaz trouvera une autre utilisation.

Disons que les gaz d'éclairage et de chauffage sont des sous-produits de la houille.

A côté de ces gaz utiles à tous, il y a les gaz inutiles, les gaz criminels, destinés à détruire l'humanité, et que le génie malfaisant de l'homme a mis au service des dieux de la guerre. « Les gaz de guerre ou de combat, dit le Larousse, proviennent de substances diverses, les unes naturellement gazeuses, d'autres liquides ou solides, mais susceptibles de se volatiliser plus ou moins rapidement à l'air. Ils ont été utilisés sous forme de vagues, ainsi que dans les projectiles de tranchées, de canon et d'obusier. Parmi les substances employées, les unes sont suffocantes, déterminant la toux et la mort par asphyxie (chlore, brome, bromacétone, chlorosulfonate de méthyle, chloroformiate de trichlorométhyle, ou palite, phosgène, rationite) ; d'autres sont toxiques, agissant par arrêt d'un organe fonctionnel (acide cyanhydrique, chlorure de phénilcarbine) ; lacrymogènes, provoquant le larmoiement (chlorure et bromure de benzile, chloropicrine, iodacétone, acroléine) ; sternutatoires (éthylcarbazol, cyanure de diphénylarsine). Beaucoup de ces substances possèdent les pouvoirs suffocants et lacrymogènes ; le sulfure d'éthyle dichloré ou ypérite, est à la fois suffocant, lacrymogène et vésicant. Pour garantir le combattant, on a utilisé des masques protégeant les yeux et les voies respiratoires. »

On se garde bien, dans la grande presse, d'initier le peuple aux ravages qui résulteront de l'emploi des gaz asphyxiants en temps de guerre. On trouve, dans cette encyclopédie, au mot « désarmement » (pp. 527, 528, 529 et 530), des rapports officiels établis par des maîtres de la science pour la Société des Nations, et­ qui attirent l'attention des hommes d'Etat sur l'impossibilité matérielle qu'il y aurait à garantir les populations civiles contre ces gaz. Malgré cela on continue, dans toutes les grandes nations, à fabriquer des gaz asphyxiants, bien que sachant que leur emploi conduirait le monde à la ruine.

Contre de tels procédés de barbarie, prémédités, préparés consciemment par les forces mauvaises de la société, la classe ouvrière ne fait rien, parce qu'elle ignore et, ceux qui savent, se rendent complices, par leur silence, des crimes monstrueux qui se préparent.

Comment peut-il se trouver encore, dans des pays civilisés, en un siècle où les hommes savent lire, et surtout à une époque qui a été bouleversée par le plus terrible des cataclysmes pendant quatre ans et demi, des ouvriers qui consentent à fabriquer des gaz asphyxiants ? Comment peuvent-ils ne pas être troublés à la pensée que ces gaz sèmeront la mort sur leur passage, que leurs femmes, que leurs enfants en seront les premières victimes et qu'ils fabriquent eux-mêmes leur plus terrible outil de guerre ? Et comment comprendre que des chimistes, des physiciens, des savants, soient assez lâches pour mettre leur savoir à la disposition de minorités grisées par leurs appétits et qui n'hésiteront pas demain à détruire la moitié de l'humanité pour conquérir de nouveaux privilèges ? Si la classe ouvrière n'y prend garde, rien n'arrêtera ses maîtres, ses oppresseurs sur le chemin du carnage, et les gaz qu'elle fabrique ne serviront pas seulement en temps de guerre, mais aussi pour écraser le peuple lorsqu'il voudra se révolter et mener la lutte contre son patronat.