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HOMME n. m. (du latin homo)

L'homme est « un mammifère bimane, à station verticale, doué d'intelligence et de langage articulé » (Larousse). Nous pourrons dire de lui, parodiant Pascal, qu'il a les entrevisions de « l'ange » et les quotidiennetés de la « bête » et que ses évasions idéales ont plus fardé la brute que réalisé l'homme...

Partie de l'idée ancienne d'évolution vers la mutabilité et la sériation des êtres, à travers la parenté idéale de Linné, la voie scientifique de la parenté réelle fut servie par les observations de Descartes sur les conditions extérieures et de Buffon sur les milieux. Et les études sur l'essence et les prémices de l'homme devaient en être influencés. Le transformisme (ébranlé par Lamarck, repris et mis au point par Darwin, vulgarisé et amplifié par Haeckel, Huxley, Giard , Kropotkine, etc.) a émis, sur l'origine et la filiation des espèces - et l'espèce humaine notamment - des théories qui ont bouleversé les données de la science et les échafaudages de la théologie. Il a aussi porté un coup terrible à la position royale de l'homme, dans cet univers où il conservait la prétention de monopoliser l'intelligence. Si l'homme se rattache à un type primitif, s'il a sa souche en quelque espèce de transition, si les éléments de sa structure et de ses facultés sont en germe dans l'ascendance, s'il n'est que l'échelon supérieur des séries animales, un des chaînons provisoires d'une vitalité infiniment diversifiée, tombent à la fois et l'orgueil de tenir un rang à part dans la nature et le pavois où l'avaient dressé la Genèse, à mi-chemin de la matière et du divin, et les transcriptions révélées de la Bible ne sont plus qu'une pauvre invention romanesque. Mais s'éclaire sur les ruines de la « création » mystique - d'une lumière précieuse lés origines et le processus de la vie et l'interdépendance généalogique des êtres animés. Des hauteurs du « règne homme » au stade modeste de « primate », quelle chute pour ce raccourci céleste « qui se souvient des cieux » et dont la côte généreuse a engendré la femme!...

De l'embryon amorphe au complexe agrégat humain, du protoplasme initial à notre merveilleuse architecture cellulaire, quelle formidable et saisissante évolution cependant, et quel champ ouvert à nos curiosités, à notre admiration. Et quelle joie, quitte à oublier Dieu, de connaître un peu l'homme!

Aux ouvrages scientifiques spéciaux et documentés nous renvoyons tous ceux qu'attire ce passionnant problème. Quel que soit notre désir, et si tentant soit le sujet, nous laisserons de côté - au moins en tant qu'étude générale - anatomie humaine (descriptive et comparée), physiologie, biologie, anthropologie, ethnologie, ethnographie, etc. Nous frôlerons à peine ici l'homme préhistorique dont les traces fossiles apparaissent dans les formations tertiaires. Nous citerons, sans plus, l'homme quaternaire, voisin continental du renne, du mammouth, de l'ours des cavernes, du rhinocéros de Merck, etc., assez éveillé déjà pour manier, informes, l'arme et l'outil, animent des rudiments de civilisation. Nous côtoierons, avec le néolithique, les contemporains de la pierre polie, assez méthodiques et réfléchis pour substituer l'élevage prévoyant aux chasses précaires, assez industrieux pour dégrossir et aiguiser le minéral. Nous traverserons l'âge de bronze, du fer, antichambres de la période historique... Des documents grecs nous transportent cette fois vers 776 avant notre ère. Des « archives » hébraïques remontent à quarante siècles. Nous atteignons, avec les Chinois, 45 siècles, 50 avec les Egyptiens. Si l'on interroge la tradition, berceau flottant de l'histoire, elle nous entretient de faits qui se seraient passés « il y a 20.000 ans dans l'Inde, 30.000 ans en Egypte, 130.000 en Chine » !...

Ainsi, si nous sommes toujours à l'enfance de l'homme sociable, à l'évocation de l'homme « libre et fraternel », notre humanité témoigne, dans le passé, d'une prodigieuse longévité. Si vaste soit le chemin parcouru par le génie inventif des générations disparues, immense demeure la route ouverte aux réalisations - timides et comme contradictoires - qui tendent à faire de la planète un séjour « harmonieux et sain ». Et des siècles précipiteront leur implacable théorie sur nos lents et douteux « progrès »... Homo homini lupus! Verrons-nous se réduire cet adage de malédiction et, de loup, l'homme devenir l'ami de l'homme? Penché sur ses frères inférieurs, en paix au sein des espèces, apercevra-t-il enfin, pour son salut, leur solidarité lointaine? En fera-t-il l'assise de ses mœurs, la trame de ses institutions? Délivré des épuisantes luttes intestines, des alarmes de la défense et des déviations du rapt, arcbouté sur le roc de l'entraide éclairée, son demain garanti par un social intelligent, bondira-t-il d'un élan décuplé vers les conquêtes sans bornes de 1a sagesse et du savoir? D'une existence végétative, harcelée d'âpres sollicitations négatives, et comme il l'ancre sur les eaux conservatrices, tournera-t-il enfin une proue d'audace lumineuse vers la vie pleine, généreuse, illimitée?...

A travers les terres habitées du présent, bousculées par les appétits, les mêmes hommes de proie heurtent durement leurs convoitises. Et les accalmies civilisatrices sont davantage le recueillement pour les chocs amplifiés et savamment, sauvagement exterminateurs, que des quiétudes agrandies par le vouloir des hommes et des espoirs tendus vers la sécurité. Les races qui se disputent le globe n'ont pas encore refoulé en elles le « gorille », si je puis dresser sans injure les sobres et vitales batailles ancestrales de l'anthropopithèque en face des guerres canailles, atroces - et vaines en somme - du profit et de la thésaurisation. L'apalissement du teint, cette mièvre carnation, dont l'Europe s'enorgueillit comme de l'emblème de quelque supériorité, n'est pas l'indice que notre continent est, moins que les autres, sanguinaire. Chaque « tronc » (qu'il soit mongolique, caucasique, éthiopien), chaque race, qu'elle soit noire, ou jaune, ou blanche, a connu ses flambées glorieuses mais passagères et ses carnages, imbécilement destructeurs. Des tranches de « civilisation » ont couru sur l'écran du monde comme des météores. Et de leurs volcans éteints subsistent surtout des cendres d'orgueil... Egyptiens, Chinois, Perses, Grecs, Romains ont allumé, pour les assauts barbares, des feux intermittents. Et l'homme continue de passer, à travers la beauté, comme un génie dévastateur. Sa malfaisance raffinée domine les espèces, subjugue ses pareils. Si vraiment, comme disait Fénelon, « l'homme s'agite et Dieu le mène », plaignons le guide et le troupeau, l'ilote sans boussole... et le créateur. Car il nous a donné là moins qu' « un chef et qu'un roi », plutôt, sur une œuvre confuse, le « méchant animal » de Molière... Et laborieuse et lente est la gestation d'un « homme nouveau » qui ne soit plus, comme l'homo novus des Romains, le premier d'abord aux honneurs!...

Dans cette Encyclopédie, aux tâches mesurées malgré sen ampleur, nous trouverons cependant l'homme étudié en la plupart de ses particularités, de ses besoins, de ses aspirations. Nous verrons, çà et là dispersés, ses traits distinctifs, ses caractères spécifiques, ses facultés maîtresses, ses tares réductibles, ses promesses gagées. Il nous apparaîtra campé dans le présent (trouble mélange de soleil et de boue), projeté sur l'avenir ; espérances dépouillant leur gangue. Nous ferons appel à tout ce qu'il y a de meilleur dans ses possibilités, de plus droit dans ses aperceptions, de plus sûrement intelligent dans son humanité. En particulier l'enfant sera - on l'a vu déjà - un des objectifs de notre tâche vers l'homme meilleur et plus complet. « Faites des hommes et tout ira bien », disait Michelet. Des hommes et non des ombres, des hommes et non des marionnettes, des hommes et non des copies, des stéréotypes de l'humain. L'enfant est le chemin de l'individu, de « l'homme seul », de l’homme total cher à l'anarchisme. Et la cellule humaine sera partout, dans cet ouvrage, l'objet de notre attention et de nos méthodes averties. Et nos efforts tendront, pour la laisser s'épanouir, à la désentraver... Nous accompagnerons l'homme assidûment, de l'individuel au social, de l'éducation à l'économie, de l'éthique à la sociologie... Les sociétés révolues - à part, en un sens, cette claire Hellade - comme celles du temps (lourdes de matérialités) ont trop négligé l'homme, passif et douloureux rouage. Nous œuvrons pour le relever à son plan, qui est premier. ­



-S. M. S.



QUELQUES OUVRAGES INTÉRESSANTS A CONSULTER POUR L'ÉTUDE DE L'HOMME. - Ch. Darwin : La Descendance de l'Homme ; L'Origine des Espèces - E. Haeckel : Histoire de la création naturelle ; Anthropogénie ou Evolution humaine - A. Giard : Histoire du transformisme - Delage : La Structure du protoplasma et les probl. de la biologie - Le Dantec : Lamarckiniens et Darwiniens ; Théorie nouvelle de la vie ; Les lois naturelles ; La stabilité de la vie, etc. - Cl. Bernard : Les Phénomènes - H. Spencer : Principes de biologie ­- G. Le Bon : La Vie ; L'Homme et les Sociétés - Kropotkine : L'Entr'aide. - Ch. Letourneau : La Biologie - G. Mortillet : La Préhistoire. - Dr Topinard : L'Anthropologie - Dr Roule : L'Embryologie générale -­ Dr Laumonier : La Physiologie - Th. Huxley : Les Problèmes de la Biologie - C. Flammarion : Le Monde avant l'apparition de l'Homme - Elisée Reclus : L'Homme et la Terre - De Quatrefages : L'Espèce humaine - G. Piat : La personne humaine. - Schmidt : Descendance et Darwinisme - Alf. Binet : Les altérations de la personnalité, etc.