Accueil


HYPOTHEQUE n. f.

Droit réel dont est grevé un immeuble, pour garantir le paiement d'une créance. L'hypothèque est un droit accessoire, qui suit le sort de la créance principale : elle est pour les immeubles ce qu'est le gage pour les meubles.

L'hypothèque, faute de paiement, donne au créancier le droit d'exiger la tradition effective de l'immeuble, et de le revendiquer même contre les tiers. En cas de vente de fonds, elle lui attribue : 1°) Un droit de préférence sur le prix, c'est-à-dire qu'il sera payé avant tous les autres créanciers qui n'ont pas une hypothèque antérieure à la sienne ; 2°) Un droit de suite, c'est-à-dire de forcer le détenteur de l'immeuble, à quelque titre que ce soit, d'abandonner l'immeuble, ou d'en subir l'expropriation, s'il ne préfère acquitter le montant intégral de la dette.

La loi déclare seuls susceptibles d'hypothèque : 1°) les immeubles par nature, y compris les mines concédées ; 2°) les immeubles par destination, qui ne peuvent être hypothéqués séparément du fonds dont ils dépendent ; 3°) l'usufruit de ces immeubles ; 4°) les actions de la Banque de France immobilisées.

L'hypothèque ne peut frapper les meubles, sauf les navires.

La forme extérieure à laquelle est assujettie la convention d'hypothèque est un acte authentique devant deux notaires, ou devant un notaire et deux témoins.

Les créanciers qui ont le privilège ou hypothèque sur un immeuble le suivent en quelque main qu'il passe, afin d'être payés suivant l'ordre de leurs créances ou inscriptions.

La nature même de l'hypothèque en fait, entre les mains d'un créancier habile, un véritable permis d'exploitation.

C'est grâce à l'hypothèque, que l'on pouvait prétendre qu'en France, la propriété était très morcelée et échappait à la concentration capitaliste.

Cette affirmation, exacte en apparence, pour certaines régions, ne résiste pas à un instant d'examen.

Certes, il y a bien un nombre considérable de petits propriétaires, et il y a une tendance très marquée vers leur augmentation. Mais ce que l'on oublie de dire, c'est que presque toutes ces propriétés sont grevées d'hypothèques. Que le propriétaire a dans sa poche un « acte de propriété » ; mais que le banquier, le capitaliste, a dans la sienne un autre « acte » qui annule le premier et rend le propriétaire tributaire du capitaliste.

Manquant de capitaux, soit pour exploiter sa propriété, soit pour pallier aux suites des mauvaises récoltes, aux fluctuations du commerce, le propriétaire est obligé de les emprunter. Il devra payer chaque année des « intérêts » très élevés et avoir constamment suspendue sur sa tête, l'hypothèque qu'il a consentie et qui peut être présentée au remboursement du jour au lendemain et lui faire vendre sa propriété.

Il n'est pas rare de voir des propriétaires et commerçants réduits à un état beaucoup plus misérable que celui de commis ou d'ouvrier.

Du point de vue de l'organisation sociale actuelle, l'hypothèque est une merveille :

1°) Elle permet aux capitalistes de « faire produire » leurs capitaux sans travailler, ou faire travailler directement ;

2°) Elle assure - à cause des intérêts à payer - un travail relativement considérable, sans contrainte apparente sur le travailleur (propriétaire), par acceptation volontaire de celui-ci, par conséquent sans crainte de grèves ;

3°) Elle assure à l'état social établi, des défenseurs qui croient qu'il est de leur intérêt - parce que propriétaires - de maintenir le statu quo. Aussi est-ce sur cette classe que compte le capitaliste, pour résister à la Révolution.



- A. LAPEYRE.