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INCONSEQUENCE n. f. (du latin inconsequentia)

Défaut de conséquence. Désaccord entre les propos et les actes, les promesses et les réalisations, la suite et les prémices. C'est un illogisme des attitudes et des situations. L'inconséquence se manifeste dans les mots, les idées, le style, comme dans les procédés et les mœurs. Elle est d'ordre littéraire et artistique comme du ressort domestique ou social. Par extension, s'engager dans une affaire sans en supputer les développements constitue une inconséquence : c'est proprement un degré de l'étourderie et une marque d'imprévoyance, compliquée d'incapacité ou d'un manque de sens pratique. En matière de mœurs l'inconséquence d'une femme, par exemple, est plutôt un attribut de légèreté due au jeu d'un tempérament versatile. Plus graves sont, chez l'être humain, les inconséquences du caractère, obstacles à cette cohésion de la personnalité qui est le gage des rapports normaux. Dans le raisonnement, l'inconséquence se traduit par une insuffisance de parenté entre les termes posés et les déductions : elle engendre le syllogisme boiteux...

Des tares originelles, des dispositions natives prédisposent à l'inconséquence ; des circonstances les aggravent après en avoir favorisé l'essor. L'insuffisance volontaire, l'ignorance, la superficialité de l'esprit, une tendance - acquise ou héréditaire - à la duplicité, la poussée des passions (« les passions rendent inconséquents », dit Genlis ou - La Chaussée - « l'amour rend comme un autre un sage inconséquent ») sont des facteurs d'inconséquence. La corruption des mœurs, les troubles, les ambitions, les appétits vulgaires sont - individuellement et socialement- le bouillon de culture de l'inconséquence.

Du point de vue particulier de l'anarchisme, ceux-là qui, ayant touché les vices de l'état social et l'iniquité de ses principes, les couvrent cependant de leur silence approbateur, ceux qui ont reconnu, proclamé même la nocivité des institutions du temps et continuent à leur apporter le concours de leur collaboration ou à en demeurer les bénéficiaires, font preuve d'inconséquence. La politique est par excellence le terrain de l'inconséquence endémique, à la fois sereine et canaille. Les manifestations électorales en marquent la floraison régulière, sanctionnée par une décevante approbation populaire. Du candidat à l'élu, du programme aux légiférations s'étend la trame prévisible de la plus cynique inconséquence. Et tel qui, a posteriori, invoquera l'impuissance de sa résolution isolée, les obstacles ligués contre son bon vouloir, sait, au plus fort de ses proclamations initiales, que son effort est tout entier dans l'artifice oratoire, que l'inconséquence est le signe de ses « travaux » de demain, et ses mandants prochains ses dupes obligées...

Du délégué au parlementaire et du chef de groupe au gouvernement s'affirme, sous les auspices de la démagogie et avec la complicité veule des masses, le prestige d'une inconséquence souveraine et systématisée. Consciente et acclimatée, l’inconséquence politicienne s'institue dans les esprits lucides qu'elle obnubile, les volontés qu'elle désagrège, les natures droites dont elle brise la ligne. Elle ne provoque, d'une part, sur la face des foules trompées, que le sourire blasé des déceptions attendues. Et, d'autre part, le remords édulcoré de l'élu - s'il surnage en quelque remous - pimente plus qu'il ne trouble les béatitudes. L'inconséquence est ainsi le renfort du scepticisme stérilisant. Elle en appesantit le détachement, propice aux tyrannies admises comme une fatalité parasitaire... « Tout peut se soutenir, excepté l'inconséquence », argumentait Mirabeau aux temps de foi des assemblées. Aujourd'hui, l'inconséquence est devenue un des mensonges conventionnels de la démocratie et le règne se soutient par l'inconséquence comme la religion par l'absurde.



- L.