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INFAILLIBLE adj. 

Qui ne peut manquer d'arriver.

Pronostiquer un succès infaillible. Qui ne peut tromper : remède infaillible. Qui ne peut se tromper : nul n'est infaillible.

Infaillibilité (Théol.). Privilège par lequel l'Eglise et le Pape, dans l'exercice de leur ministère, ne peuvent se tromper en matière de foi. L'infaillibilité du Pape a été proclamée par le Concile du Vatican, en 1570, sous Pie IX.

Jusque vers le neuvième siècle de l'Eglise catholique, la Papauté n'existait pas, mais la Primauté. Un évêque était investi d'un prestige exceptionnel afin que les opprimés pussent s'adresser à lui et obtenir justice à l'aide de sa puissante intercession. Cet évêque était le centre de l'unité catholique et bénéficiait ainsi d'une grande puissance spirituelle. Obéissant à la loi générale de la politique, qui veut que tout homme disposant d'autorité devienne tyran, le Primat, par une sorte de révolution, se mua en Pape… Mais le jour - dit Janus dans Le Pape et le Concile (1869) - où la présidence se changea en empire, où- à la place de cet ancien évêque président, donnant l'exemple de la soumission aux lois de l'Eglise, délibérant en commun avec ses « frères » et prenant avec eux ses décisions sur les affaires ecclésiastiques - vint régner la main de fer d'un monarque absolu, l'unité de l'Eglise, jadis si forte et si compacte, se brisa pour toujours.

Les Eglises grecque, russe, etc., ne voulurent point être traitées en sœurs cadettes et se soumettre au chef suprême de l'Eglise catholique. Mais tant que le pape ne fut que le « chef » de l'Eglise catholique, tant que ses ordres purent être discutés ou éludés par des catholiques, il y avait place, au sein de l'Eglise, pour des conceptions individuelles et sociales devenues depuis inconciliables.

Cependant, dans la pratique, à cause du point de départ, l'Eglise devait s'acheminer sûrement vers une unité de doctrine, définie par une autorité - individu ou groupe - infaillible. Et, en effet, cette conception est acceptée dès les premiers âges de la chrétienté. Cela ne se discute même pas. Mais qui sera cette autorité infaillible? C’est ici que les avis diffèrent.

Depuis la faute d'Adam et Eve, l'homme naît avec le péché originel. Il ne peut posséder par lui-même la science du Bien et du Mal, la Vérité religieuse. L'Eglise est instituée précisément pour obvier à cet inconvénient, pour édicter la Loi. Or, dans l'Eglise même, deux autorités légifèrent : les Conciles et le Pape. Jusqu'en 1870, tantôt les uns, tantôt l'autre l'emportaient, ce qui aboutissait souvent à la non-observation des règles édictées. Même des conciles placés sous la présidence du Pape (conciles œcuméniques) ne furent point toujours d'accord entre eux sur des points de doctrine très importants, ce qui nuisait incontestablement à la religion.

Grégoire le Grand, évêque de Rome, plaça les 4 premiers conciles œcuméniques sur la même ligne que les 4 évangiles. Adrien VI (1523) déclarait que le pape est faillible, même qu'il y a plusieurs papes hérétiques. Il a fallu, en effet, l'impudeur et l'orgueil formidables de Pie IX, l'auteur des encycliques Qui pluribus, Quanta cura, et du fameux Sillabus de 1864 (v. Encyclique, et Sillabus), pour oser jeter à la face de la chrétienté et du monde ce dogme inouï de l'infaillibilité papale.

Certes, cela donne à l'Eglise une unité de doctrine dont elle peut tirer grand profit, mais quelles conséquences pour une théorie non scientifique, en notre époque de libre-examen. C'est l'anéantissement de tout mouvement intellectuel, de toute activité scientifique dans l'Eglise catholique, c'est la stratification de cette organisation qui régna quinze siècles sur les plus grandes nations de la terre. Toute évolution lui est interdite, elle est fermée à jamais à tout progrès. Parmi les êtres et les institutions, qui tous, sans exception, évoluent, elle sera immuable. C'est-à-dire qu'elle s'en ira rejoindre dans le temps tous les autres phénomènes individuels ou sociaux, qui n'ont pu, ou pas su, s'adapter aux nouvelles conditions de vie.

Pour faire accepter au monde catholique le dogme de l'infaillibilité du Pape, tout a été mis en œuvre par les Jésuites qui sont les véritables instigateurs du Concile du Vatican de 1870 : toutes les pressions et tous les chantages ; tous les truquages de l'histoire de l'Eglise, tendant à établir que jamais les Papes n'avaient failli. Malgré cela, au vote du 13 juillet 1870, sur le dogme de l'infaillibilité, il y eut sur 601 présents 451 pour, 88 contre, 62 votes conditionnels. 4 cardinaux avaient voté contre : Schwarzenberg, Rauscher, Hohenlohe et Mathieu. Aussi, avaient voté contre 25 évêques et archevêques français, savoir: arch.: Paris, Besançon, Lyon et Autun ; évêques : Orléans, Marseille, Ajaccio, Gap, Nice, Cahors, Perpignan, Valence, Luçon, La Rochelle, Metz, Nancy, Dijon, Chalons, Soissons, Bayeux, Saint Brieuc, Coutances, Constantine, Oran et Sura.

Mais le 18 juillet, au vote solennel et définitif en session publique, sur 535 présents il n'y eut que 2 contre, les évêques de Cajazzo et de Little-Rock. Les autres s'étaient abstenus de participer au vote.

La proclamation du dogme nouveau provoqua, en Allemagne et en Suisse, la formation du parti des « vieux catholiques », qui ne l'admettent pas.

Ce dogme est ainsi formulé : « Le Pontife romain, lorsqu'il parle ex-cathedra, c'est-à-dire lorsque, remplissant la charge de pasteur et docteur de tous les chrétiens, en vertu de sa suprême autorité apostolique, il définit qu'une doctrine sur la foi ou les mœurs doit être tenue par l'Eglise universelle, jouit pleinement, par l'assistance divine qui lui a été promise dans la personne du bienheureux Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que son Eglise fut pourvue, en définissant sa doctrine touchant la foi ou les mœurs ; et, par conséquent, de telles définitions du Pontife romain sont irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l'Eglise ». Ainsi, ce qu'un Pape a décrété il y a 1.500 ans, est encore valable aujourd'hui, le sera demain, le sera jusqu'à la fin des siècles. Cela est irréformable. Celui qui n'accepte pas ce dogme est anathémisé, est chassé de l'Eglise catholique.

Malgré les mensonges éhontés des R. P. de la Compagnie de Jésus, il faut la lâcheté intellectuelle des catholiques, ou leur pauvreté d'esprit, pour accepter pareil défi à leur conscience et à leur raison. Il suffit, en effet, de jeter un coup d'œil sur l'histoire du Vatican pour savoir avec la plus absolue certitude ce qu'il faut penser de l'infaillibilité papale. Ainsi :

- Innocent Ier et Gélase Ier, le premier dans une lettre au Synode de Milève, le second dans une épître aux évêques de Picenum, déclarent formellement, qu'il est tellement indispensable que les petits enfants reçoivent la communion, qu'ils adressent tout droit à l'enfer ceux qui meurent sans l'avoir reçue. (Concil., Coll., éd. Labbé, IV, 1178). - Doctrine couverte d'anathèmes par le Concile de Trente

- Pélage, pape, d'accord avec les deux Eglises d'Orient et d'Occident, déclarait que l'invocation de la Trinité était absolument nécessaire dans la cérémonie du baptême.

- Nicolas Ier assura aux Bulgares que le baptême au nom du Christ seul suffisait. (Ibid., VI, 548).

- Célestin III essaya de relâcher le lien du mariage en déclarant que si l'un des époux devenait hérétique, l'union était rompue.

- Innocent III rejeta cette décision, et

- Adrien VI, pour cette raison, nommait Célestin un hérétique.

On a détruit, dans la suite, cette décrétale dans les collections manuscrites des ordonnances papales, mais le théologien espagnol, Alphonse de Castro, l'a encore vue dans les manuscrits.

Voici ce que dit Le Pape et le Concile (Lacroix, éd., 1869), à la page 74 : « Le Synode de Trente avait déclaré que la traduction de saint Gérôme devait être le texte biblique authentique de l'Eglise d'Occident ; mais il n'existait encore aucune édition de la Bible latine authentique, c'est-à-dire approuvée par l'Eglise. Sixte V entreprit de la donner, et elle parut entourée des anathèmes et des moyens de répression consacrés et depuis longtemps stéréotypés. Sa bulle déclarait que cette édition, corrigée de sa main, devait être seule employée et faire foi, comme la seule vraie et authentique, sous peine pour chacun d'être mis au ban de l'Eglise ; tout changement, même d'un seul mot, entraînant la peine de l'excommunication... ». On s'aperçoit après qu'elle est pleine de fautes ; on y trouve environ 2.000 inexactitudes faites par le pape lui-même. On propose de publier une interdiction de la Bible sixtine ; mais Bellarmin conseille d'étouffer le mieux possible le grand danger où Sixte V avait mis l'Eglise ; on doit, d'après lui, retirer tous les exemplaires, réimprimer sous le nom de Sixte V la Bible corrigée à neuf, et dans la préface avancer que des erreurs s'étaient glissées par la faute des compositeurs et le manque de soins. Bellarmin lui-même fut chargé de mettre ce mensonge en circulation, mensonge auquel le nouveau pape prêta son nom pour la rédaction de la préface. Le jésuite-cardinal s'est vanté lui-même dans sa propre biographie, d'avoir rendu ainsi à Sixte-Quint le bien pour le mal, puisque le pape avait fait mettre à l'index l'œuvre principale de Bellarmin, Les Controverses, pour n'y avoir défendu que la puissance indirecte du pape sur la terre, et non sa puissance directe. Mais alors se produisit une nouvelle mésaventure. Cette biographie, qui était conservée à Rome dans les archives des Jésuites, fut connue dans la ville par quelques copies. Aussitôt, le cardinal Azzolini proposa de mettre l'écrit au pilon, de le brûler, et d'enjoindre le plus profond secret, attendu que Bellarmin injuriait trois papes, et en représentait même deux comme des menteurs : Grégoire XIV et Clément VIII.

Ainsi, notre raison n'est pas seule à protester contre le dogme le plus effrontément stupide, et l'histoire enregistre la farce grotesque qui plie, aux pieds du Pape-Dieu, tout le catholicisme.



- A. LAPEYRE.