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INSTITUTION n. f. (du latin institutio)

C'est le terme vaste qui désigne tout ce qui est inventé, instauré. Il convient à la fois à l'action même et à la chose établie : l'Eglise se prétend d'institution divine. L'Armée est une institution néfaste. Institution a aussi le sens - aujourd'hui vieilli - d'action de former et d'instruire, « Vous faites de l'institution des enfants un grand objet de gouvernement » (Voltaire), voire d'éducation. « La bonne institution sert beaucoup pour corriger les défauts » (Descartes). Le mot s'applique encore couramment, de nos jours, aux écoles, aux maisons d'éducation : les institutions laïques, congréganistes, etc. En jurisprudence, c'est une disposition, testamentaire ou autre, qui fixe qualité d'héritier : institution contractuelle. En droit canon, c'est la mise en possession d'un office et de la juridiction afférente, c'est pour le clerc une investiture ecclésiastique...

Les lois fondamentales qui régissent un Etat, les œuvres et les établissements caractéristiques d'un régime sont leurs institutions. Elles en constituent l'armature et en reflètent plus ou moins fidèlement l'esprit. La vitalité des institutions les meilleures dépasse presque toujours leur utilité : les sociétés sont souvent paralysées par des institutions caduques. Et la routine des hommes au service du conservatisme des règnes entrave l'effort des novateurs attachés à réaliser des institutions nouvelles. Le désaccord entre la nature humaine, ses besoins, ses aspirations et les institutions des sociétés modernes est le reproche essentiel que leur adresse l'anarchisme. Il s'oppose aux institutions particularistes qui visent à assujettir la prédominance des castes et à perpétuer le privilège, à entretenir, en système, le conflit permanent des intérêts au lieu d'en rechercher l'équilibre. On trouve, dans l'Encyclopédie, à la fois du point de vue de leur principe et de leurs applications, dans leur bloc plus ou moins cohérent comme en leurs exemples typiques, avec leurs traits communs et leurs dissemblances, l'exposé critique des institutions que notre philosophie dénonce et dont elle poursuit la disparition. C'est à la base même des institutions, dans l'esprit qui les anime, dans les intentions qui président à leur réalisation qu'il faut chercher les raisons de leur nocivité, interroger aussi leur viabilité. Les pires institutions ont besoin de rencontrer dans la mentalité et les mœurs ambiantes des sympathies complices et des correspondants harmoniques : les institutions d'autorité trouvent dans l'ignorance et surtout la passivité leurs possibilités d'instauration et la garantie de leur durée. La conjonction, dans le peuple, de la conscience de ses droits et des énergies adéquates, aurait raison, sans retour, des institutions qui exercent sur lui une compression séculaire.



- L.