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INTERMEDIAIRE adj. (du latin intermedius : de inter, entre et medius, median)

Dans son sens propre et étymologique, intermédiaire signifie : qui est entre deux, qui tient le milieu. Exemple : espace intermédiaire ; corps intermédiaire. « Il y a des idées dont la liaison ne peut être connue que par le secours d'un certain nombre d'idées intermédiaires » (D'Alembert). Les terrains intermédiaires sont les terrains qui sont situés entre les roches des époques primitives et les couches de formation récente.

Le mot « intermédiaire » s'applique aussi aux personnes et aux collectivités humaines et dans ce cas il signifie : entremise, voie, canal, personne interposée.

Exemple : « j'ai reçu votre lettre par l'intermédiaire de notre ami X ». La caste ecclésiastique se flatte d'établir des rapports, d'assurer les relations entre Dieu et ses créatures. « Il faut être bien infaillible ou bien hardi pour se prétendre intermédiaire entre Dieu et l'homme » (Timoléon de Brissac). « La noblesse est un intermédiaire entre le roi et le peuple comme le chien de chasse est un intermédiaire entre le chasseur et les lièvres » (Chamfort).

Le commerce sert d'intermédiaire entre la production et la consommation, et tous ceux qui basent leurs moyens d'existence sur l'achat et la vente d'un produit, d'une marchandise, d'une valeur quelconque sont des personnes interposées et par conséquent des intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs. Sous régime capitaliste, ainsi que sous tout régime basé sur le profit ou bénéfice, le nombre des intermédiaires est considérable. De l'acheteur en gros qui rafle sur le marché la totalité des produits, la race pullulante des intermédiaires, passant par l'acheteur de demi-gros, s'étend à l’acheteur au détail, et il n'est pas rare que, lorsqu'il est vendu, par le détaillant, au consommateur, le prix du produit ait doublé et même triplé. Tout un monde vit sur ce scandaleux trafic (Voir Commerce). L'écart est toujours sensible, souvent fort élevé, parfois inavouable tant il est révoltant, entre le coût du produit à la source même : la production, et le prix qu'il atteint à l'embouchure : la consommation. Plus grand est le nombre de mains par lesquelles passe la marchandise et plus considérable est cet écart, chaque main s'efforçant à prélever sur le produit en circulation un bénéfice aussi élevé que possible.

Longtemps, les économistes de l'Ecole de Manchester - dite Ecole libérale - ont déclaré que la libre concurrence a pour objet et doit avoir nécessairement pour résultat de freiner cette sorte de curée au gain, en opposant une barrière aux désirs de gain immodéré des intermédiaires : vendeurs en gros, demi-gros et détail. A l'origine, il en fut ainsi dans une assez large mesure, bien que, de tout temps, les négociants disposant de gros capitaux, pouvant passer des marchés avantageux et ayant un caractère périodique portant sur un laps de temps considérable, bénéficiant d'un long crédit, aient été en mesure (et ils ne se faisaient pas scrupule d'en profiter), de faire la loi, d'influencer le cours des marchandises et de vicier à leur gré la loi de l'offre et de la demande. Mais, de nos jours, la libre concurrence a perdu sa force régulatrice ; elle a cessé d'assigner aux bénéfices exagérés une limite considérée comme « honnête » et raisonnable. Les grandes maisons de commerce en gros ont créé des firmes importantes ; ces firmes ont renoncé à se faire concurrence entre elles ; elles ont trouvé plus avantageux de s'entendre. Celles-ci, s'associant, se sont groupées avec d'autres ; celles-là, se concertant, se sont liguées avec les entreprises rivales, tout en gardant la gestion respective de leurs intérêts. Toutes ont, ainsi, constitué de vastes consortiums. Par la force de leurs capitaux, ces consortiums ont monopolisé en fait les produits : blé, sucre, café, fer, houille, papier, caoutchouc, pétrole, acier, etc. Par la puissance de leur organisation bancaire, par l'étendue de leurs relations internationales, par la multiplicité de leurs filiales, succursales et comptoirs, ils sont parvenus à dominer le marché mondial et, devenu forcément tributaire de ces colossales entreprises, le trafic ne se ressent plus des effets tant prônés de la concurrence.

Il serait puéril d’escompter l'intervention de la loi, pour supprimer, voire enrayer un tel état de choses. D'une part, il est inhérent au développement du régime capitaliste marchant vers son apogée ; il est en rapport direct de ce développement et, pour l'empêcher, il faudrait briser les rouages mêmes du Capitalisme. D'autre part, la loi n'est et ne peut être que l'expression juridique de la puissance capitaliste ; les gouvernants et les parlementaires ne sont et ne peuvent être que des fondés de pouvoir ayant pour mission de veiller à la sauvegarde des intérêts de la finance cosmopolite et au maintien de ses privilèges. Enfin, la loi elle-même n'a pour but que d'exprimer la volonté des maîtres et de justifier, par des textes ad hoc, les déprédations, confiscations et vols dont les forces d'argent se rendent coupables, au détriment de la multitude de toutes langues et de toutes couleurs.

Seule, une révolution expropriant brutalement et sans indemnité la classe capitaliste et procédant à un état de choses entièrement nouveau, supprimera l'innombrable horde des intermédiaires.

Toutefois, il existe, d'ores et déjà, un moyen de contrecarrer peu ou prou les agissements des intermédiaires. Ce moyen, c'est le coopératisme de production et de consommation. Diminuer le nombre des intermédiaires qui, sans participer à la production des marchandises, sans ajouter à la valeur de celle-ci une plus-value quelconque, vivent et s'enrichissent de la série d'opérations : achats et ventes dont ils sont les bénéficiaires, établir entre producteurs et consommateurs une sorte de ligne droite assurant la circulation directe des marchandises de producteurs à consommateurs, telle est 1a pensée qui a présidé à la formation des sociétés coopératives. Dans les pays, comme l'Angleterre, la Belgique et la Russie, la coopération est parvenue à une grande extension, le nombre des intermédiaires a proportionnellement diminué.

L'instauration d'une société libertaire supprimera automatiquement ces intermédiaires qui, bien que travaillant parfois autant et même plus que les producteurs, forment actuellement un organisme parasitaire. Reportant, alors, leur activité sur le travail créateur de richesses, cette foule d'intermédiaires allègera la tâche quotidienne des ouvriers et paysans avec lesquels ils se confondront.



- Sébastien FAURE.