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INTERNATIONAL adj. (du latin inter, entre, et de national)

Chose qui s'accomplit entre nations. D'où :

INTERNATIONALE (subst. fém.), association des travailleurs de tous les pays.

En la préconisant, les précurseurs socialistes furent au-dessus du mot propre pour arriver à une entente générale des peuples, surpassant les nationalités, et conçue en vue d'une révolution sociale universelle.

L'idée internationale fut surtout concrétisée par les premières associations d'ouvriers des différentes parties du monde, pour des revendications sociales.

En 1843, Mlle Flora Tristan proposait une société universelle. Dans un congrès à Londres, en 1847, Marx et Engels en jetaient les bases en disant : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous! » En 1862, à Londres, des rapports s'établirent entre ouvriers anglais et français. En 1864, on discuta et arrêta le projet d'une fédération internationale. Le premier Congrès pour l'Association Internationale se tint à Genève en 1866 et des statuts furent adoptés.

Entretemps, en 1865, était fondée la Fédération romande, imbue des idées étatistes, radicales-socialistes, coopératistes et législatives. Karl Marx en était le grand animateur très écouté. La maxime : Affranchissement des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes fut lancée.

Dans ce but, un deuxième Congrès a lieu à Lausanne en 1867. Cette même année se tient à Genève le Congrès pour la Paix et la Liberté. Bakounine y émet sa théorie de la destruction des Etats et de la libre Fédération des Communes.

En 1868, au troisième Congrès à Bruxelles, on déclare que tout doit appartenir à l'Etat régénéré et à la Collectivité : sol, sous-sol, chemins de fer, etc. Le même mois, à Berne, au second Congrès pour la Paix et la Liberté, la minorité s'en détache et constitue : l'Alliance de la démocratie socialiste et déclare adhérer à l'Internationale. Son programme était :

Abolition des cultes ; substitution de la science à la foi ;

Egalisation politique, économique et sociale des individus des deux sexes ; abolition du droit d'héritage ; la terre, les instruments de travail, comme tout autre capital, devenant propriété collective de la société ne pourront être utilisés que par les associations agricoles et industrielles ;

3° Egalité des moyens d'entretien, d'éducation et d'instruction pour les enfants des deux sexes ;

4° Repousser toute action politique n'ayant pas pour but immédiat et direct le triomphe de la cause des travailleurs ;

5° Union universelle des libres associations remplaçant les Etats actuels ;

6° La solidarité internationale des travailleurs substituée à cette rivalité des nations qu'on appelle patriotisme ;

7° Association universelle de toutes les associations locales par la liberté.

Parmi les membres élus au Comité directeur était Bakounine. En Italie, en Espagne, en France, des groupes se constituèrent de suite. Les sections de la Suisse romande forment une fédération... L'Alliance demande au Conseil général de Londres son admission dans l'Internationale ; l'admission est refusée. C'est alors que sur les instances de Bakounine, l'Alliance supprime ses bureaux nationaux et est admise tout en conservant son programme théorique, elle n'est plus qu'une section de l'Internationale avec son siège à Genève.

Au quatrième Congrès à Bâle, en 1869, les rapports sur l'abolition du droit d'héritage et sur l'organisation de la propriété collective, présentés par Bakounine et Robin, soutenus par Varlin, sont adoptés. K. Marx est mis en minorité par 32 voix, contre 19 et 17 abstentions. De là datent les premiers dénigrements de Marx contre Bakounine.

Au Congrès romand de la Chaux-de-Fonds, en 1870, on essaie de ne pas admettre la section de l'Alliance de la fédération romande ; la majorité est pour l'admission. C'est la scission, la minorité se retire.

Dans sa partialité, le Conseil général de Londres reconnaît à la minorité siégeant à Genève le titre de Comité fédéral romand, et, à la majorité siégeant à la Chaux-de-Fonds, la laisse libre d'un autre titre ; Comité fédéral du Jura fut adopté, puis Fédération jurassienne.

Bakounine voulait profiter de la guerre de 1870 pour tenter la révolution. A cet effet il lança un manifeste à toutes les sections de l'Internationale, provoquant un soulèvement à Lyon en septembre et un autre à Marseille le 31 octobre, prologues de la Commune de Paris et des insurrections de Lyon, Marseille et Narbonne les 18, 19, 20 mars 1871.

En novembre 1871, la Fédération Jurassienne tient le Congrès de ses sections à Sonvillier, les sections romandes y sont invitées. Dans les statuts qui sont établis on relève : 1° Que le Comité fédéral n'est investi d'aucune autorité, il est simplement un bureau de renseignements, de correspondance et de statistique ; 2° Les sections conservent leur autonomie absolue, toute latitude est laissée à celles qui veulent former entre elles des fédérations locales ou spéciales ; 3° Le Congrès annuel de la Fédération ne s'immisce en aucune façon dans l'administration intérieure des sections, etc., etc.

La scission n'est pas officielle mais se confirme en 1872 par les intrigues de K. Marx, qui fait décider la tenue du prochain Congrès à La Haye ; Bakounine ne peut s'y rendre sans traverser la France et l'Allemagne d'où il est expulsé par suite de ses condamnations.

Puis, c'est le Conseil général de l'Internationale qui est transféré à New-York. Marx craignait qu'en restant à Londres les réfugiés français de la Commune y prissent la haute-main.

Le socialisme international s'affirme autoritaire avec Karl Marx et libertaire avec Bakounine. L'Internationale est divisée en deux sans que le fait soit reconnu par un Congrès.

Chacun fait sa propagande. En 1873, à Genève Congrès de la Fédération Jurassienne, suivi d'un Congrès général le 1er septembre, où sont représentées la Belgique, l'Angleterre, la Hollande, la Suisse, l'Italie, l’Espagne, la France, l'Amérique. On y décide la suppression du Conseil général.

Voici quelques extraits des nouveaux statuts de l'Internationale :

« L'émancipation des travailleurs doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes.

Tous les individus adhérant à l'Internationale reconnaîtront comme devant être la base de leur conduite envers les autres hommes : la vérité, la justice, la morale.

Les Fédérations et Sections conservent leur complète autonomie.

La mission du Congrès annuel est de mettre en présence les aspirations des travailleurs des divers pays et de les harmoniser par la discussion. Les questions de principe ne pourront jamais être l'objet d'un vote. Les décisions du Congrès général ne seront exécutoires que pour les Fédérations qui les auront acceptées, etc. »

Les marxistes tiennent leur Congrès à Genève.

A Bruxelles, en 1874, c'est le Congrès des fédéralistes. En 1876 à Berne a lieu le Congrès antiautoritaire, sous le nom de huitième Congrès de l'Internationale dans lequel est votée la motion italienne ci-après : « La Fédération italienne croit que le fait insurrectionnel, destiné à affirmer par des actes les principes socialistes, est le moyen de propagande le plus efficace et le seul qui, sans tromper et corrompre les masses, puisse pénétrer jusque dans les couches sociales les plus profondes et attirer les forces vives de l'humanité dans la lutte que soutient l'Internationale ».

Il serait trop long d'énumérer ici tous les procès dont souffrit l'Internationale.

En 1877, le gouvernement italien dissout les fédérations et groupes de l'Internationale.

A Verviers se tient le neuvième Congrès. Kropotkine en fait partie.

En même temps a lieu à Gand un Congrès universel de l'Internationale où se rencontrent autoritaires et libertaires. La conciliation ne peut se faire, la division est de plus en plus évidente.

En 1878, au Congrès de la Fédération Jurassienne, Elisée Reclus développe un rapport d'où nous extrayons : « Nous sommes révolutionnaires parce que nous voulons la justice... Jamais un progrès, soit partiel, soit général, ne s'est accompli par simple évolution pacifique : il s'est toujours fait par une révolution soudaine. Si le travail de préparation se fait avec lenteur dans les esprits, la réalisation des idées a lieu brusquement... Et comment procéder à cette révolution?... Commencerons-nous par abdiquer pour devenir libres? Non, car nous sommes des anarchistes... qui n'ont personne pour maître et ne sont les maîtres de personne... En supprimant l'Etat, nous supprimons aussi toute morale officielle... Il n'y a de morale que dans la liberté..., etc. ».

En 1879, à la réunion de la Fédération Jurassienne, les bases idéales de l'anarchie sont définies et sanctionnées en 1880 au Congrès de la Chaux-de-Fonds. Kropotkine y montre la nécessité de la propagande dans les campagnes.

Deux Congrès en 1881, l'un à Paris, l'autre à Londres.

L'une des dernières réunions de la Fédération Jurassienne se tient à la Chaux-de-Fonds.

L'Internationale agonise sous le coup des différents procès, des expulsions et des interdictions de réunions dans presque tous les pays depuis 1869. Elle disparaît par le grand procès de Lyon en 1883, où 46 prévenus sont traduits en cour d'assises sous l'accusation d'internationalisme, ils sont condamnés à de nombreuses années de prison.

Tous les gouvernements ont senti que l'Internationale entamait leur vitalité. La société dissoute n'en existe pas moins dans les esprits, l'Idée fait son chemin malgré tous les obstacles.

En ce moment maints partis politiques se déclarent internationalistes, préconisant un vague socialisme à base étatiste. Les dirigeants les tolèrent parce qu'en fait leur action continue à s'exercer dans le cadre des patries dont ils ne répudient pas les frontières. Ils abusent les peuples sur le caractère « international » de leur action. Et chacun, à la Société des Nations, s'avère le protagoniste d'un nationalisme agissant et s'ingénie, perfidement, à conserver pour son pays le privilège des armements. Le système de ces partis n'est international et pacifiste que par habile phraséologie.

Le vrai internationaliste est celui qui ne se prête à aucun compromis national. Tel l'anarchiste qui dit que la Terre est sa patrie et que les frontières tracées par des conquêtes ou des ambitions financières n'existent pas pour lui, et qu'il n'acceptera pas d'être lié par elles.

Cet internationalisme, le seul logique, regarde comme frères les humains de toutes les couleurs. Pour lui, jaunes, noirs ou blancs ont un intérêt évident à l'entraide et ne peuvent, dans les haines, les hostilités et les guerres, que favoriser les tyrans et réduire leur part individuelle de bien-être et de joie.



- L. GUERINEAU.