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INTRANSIGEANCE n. f.

Système de ceux qui ne transigent pas, qui ne veulent faire aucune concession. Qualité ou défaut, selon l'objet.

Dans un monde où tout est relatif, il paraît absurde de parler d'absolus. Sans cesse, dans l'univers, tout change, tout se modifie, les végétaux et les minéraux, comme les animaux, comme les idées, comme les sociétés. Ne pas transiger demande une certitude que seuls les sots affirment immuable. La certitude que l'on détient une règle de conduite parfaite, ne saurait être que momentanée.

S'attacher à un dogme, à une loi, à une idée, définitivement ; être intransigeant avec soi-même, ne pas tenir compte ni des faits nouveaux, ni des contingences sociales, c'est œuvre de sectaire. Cela nie la liberté de l'individu et affirme l'impuissance de la raison.

Que le pape, prétendant parler au nom d'un Dieu éternel, immuable, ne transige pas, cela se conçoit ; ­ à condition que soit démontrée auparavant l'existence de ce Dieu et la réalité du lien qui, dit le pape, les unit tous deux, - hors cette démonstration il n'y a qu'imposture. Mais qu'un autre individu soit intransigeant sur une quelconque question, cela ne saurait s'admettre que jusqu'à preuve qu'il erre. Cette preuve fournie, l'homme se doit de modifier l'objet de son intransigeance.

En outre et quand il s'agit de passer de la théorie à la pratique, c'est folie que de ne pas tenir compte des résistances à combattre, des possibilités de réalisation.

Si tous se cantonnent dans leur intransigeance, toute mesure est la force. Le sectaire est presque toujours un fripon ou un ignorant, il est dangereux pour tous et doit être sévèrement écarté des compétitions sociales. Il y a en lui, à l'état latent, un dictateur, un maître.

Or, « notre ennemi c'est notre maître ». Les anarchistes, destructeurs impitoyables des fausses valeurs sociales ou individuelles, ne sauraient être des sectaires. Intransigeants avec leur conscience, oui, certes, mais toujours prêts à se rallier au point de vue qui, après mûre réflexion, leur paraît le meilleur.



- A. LAPEYRE.