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JALON n. m.

Tige de fer, piquet, bâton, baguette on tout autre objet qu'on enfonce dans la terre pour pren­dre un alignement, marquer le tracé d'un chemin, indi­quer le point où l'on en est, etc. Au figuré, jalon signifie un ou plusieurs pas faits dans une voie quelconque. La carrière dans laquelle on entre, à laquelle on consacre ses connaissances, son activité, ses talents comporte parfois de multiples jalons. Ceux-ci désignent les progrès successifs qui se sont succédés au cours de celte carrière.

On peut considérer que chaque fois que, dans un domaine quelconque, les hommes ont réalisé un pro­grès dans la voie qui les conduit vers le mieux, ils ont planté un jalon. « Nous avons poussé nos investigations et nos conquêtes jusqu'ici. Nous confions à nos suc­cesseurs la mission de les poursuivre et de planter, ainsi, un jalon de plus dans la voie que nos prédécesseurs avaient ouverte et que nos travaux ont élar­gie, embellie ou poussée plus avant. » Tel est, ici, le sens du mot Jalon.

Longue, excessivement longue, rude, terriblement rude, est la route qui, lentement, conduira l'humanité au but de ses efforts : la vie moins dure progressivement étendue à une fraction de plus en plus considérable de la population, jusqu'à ce que la joie de vivre succède, pour la totalité des individus, à la douleur d'exister. Ce but admirable sera atteint ; les anarchistes en ont l'indéfec­tible certitude. Ils savent que la route qui y mène est à peine tracée ; que, comparée à la voie spacieuse et facile où s'engouffre le troupeau sous la conduite de ses mau­vais bergers, le chemin dans lequel ils se sont engagés et travaillent à entraîner les déshérités est étroit, rugueux, hérissé d'obstacles, extraordinairement difficultueux. Mais ils savent aussi que la grande voie aboutit à une impasse ; tandis que, s'élargissant peu à peu, s'embellissant sans cesse, graduellement débarrassé des obstacles qui obstruent, ralentissent et rendent pénible la marche en avant, le petit chemin doit aboutir, aboutira aux plaines fertiles et verdoyantes, aux altitudes majestueuses et sereines.

C'est pourquoi, inaccessibles au découragement, ils poursuivent d'arrache-pied l'accomplissement du labeur qu'ils ont délibérément entrepris ; ils ne songeront au repos que lorsque, tous obstacles brisés, toutes résistances vaincues, apparaîtront aux yeux des hommes ayant définitivement brisé le cercle de fer où l'Autorité les emprisonne, ces plaines vastes et fécondes dont les produits assureront le bien-être de tous et ces altitudes magnifiques d'où la pensée devenue libre s'élèvera tou­jours moins inquiète et plus rayonnante.

Chaque génération d'anarchistes plante un ou plu­sieurs jalons sur la route douloureuse que suit l'huma­nité en marche vers les devenirs de Justice, d'Egalité sociale, de Savoir, de Concorde, de prospérité et d'indépendance. Dans cette tâche aussi rude que sublime, ils sont déjà et ils seront de plus en plus secondés par tous les hommes de bonne volonté. Ils adjurent de joindre leurs efforts aux leurs tous ceux qui peinent, souffrent, gémissent et dont les jours sont tissés de privations et de servitudes ; tous ceux aussi dont la conscience se révolte et dont le cœur s'émeut au spectacle de l'iniquité et de la souffrance imméritées qui accablent les classes laborieuses, tandis que les satisfactions de l'estomac, les joies du cœur et les fêtes de l'esprit restent l'apanage de la classe parasitaire. Ils ne rejettent le concours de personne, hormis l'aide intéressée des intri­gants, des ambitieux, des arrivistes qu'ils laissent volontiers aux partis politiques, maîtres d'hier, d'aujourd'hui ou de demain.