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JAUNISSE n. f.

Pris dans le sens syndicaliste, la Jau­nisse n'a rien de commun avec une coloration maladive de la peau. Un ouvrier est atteint de jaunisse quand, par manque de cœur, de loyauté ou de courage, il aban­donne la cause des syndiqués rouges qui est la sienne pour épouser celle des Jaunes, s'acheminant ainsi, à l'encontre de ses intérêts de classe, vers la bassesse et la servilité.

Les principes sur lesquels se basent les meneurs de la Jaunisse en France sont bien particuliers par les espoirs chimériques offerts à leurs adhérents et par les hypocrites promesses de paix sociale prévues à leur programme.

L'on en peut juger par les formules de Jaunisse émises:

1° Associations uniquement professionnelles, en dehors de la politique, d'ouvriers et de patrons ;

2° Refus absolu de profiter du droit acquis par les travailleurs de faire usage de la grève pour revendi­quer mieux-être ou dignité ;

3° Hors de l'Etat, par l'entente des ouvriers et des patrons, par l'harmonie de leurs intérêts, mener les travailleurs à l'accession de la propriété.

Et voilà toute la profondeur et l'originalité du pro­gramme de la Jaunisse.

Ceux qui parlent ainsi d'associations uniquement pro­fessionnelles d'ouvriers et de patrons savent qu'ils men­tent effrontément. Les patrons, en effet, ont formé des associations professionnelles entre eux, par crainte uni­que des syndicats professionnels de leurs ouvriers. En outre, il a été démontré, au mot Jaune, que la seule entente qui exista entre patrons et ouvriers fut conclue avec les déserteurs de l'atelier et de la lutte ouvrière, avec les stipendiés du patronat, détachés de la cause ouvrière, et pactisant avec ses pires ennemis.

Quant à l'accession de la classe ouvrière à la pro­priété individuelle, c'est aussi contraire au syndicalisme ouvrier que le pourrait être la thèse qui consisterait à faire croire aux peuples que l'accroissement des matériaux de guerre n'a d'autre but que la paix.

Le syndicalisme, qui tend à la transformation écono­mique, n'a pas pour but de fortifier la société bourgeoise et de perpétuer un règne d’injustice sociale et d'iniquité.

D'ailleurs, l'ouvrier rêve d'abord d'un salaire lui per­mettant de vivre et ne se groupe point en syndicat pour obtenir le privilège menteur de posséder de quoi para­lyser à jamais son esprit de lutte, son action combative et revendicatrice.

La Jaunisse n'a pas de prise sur le véritable syndica­liste parce qu'elle est basée sur l'inconscience et l'abdi­cation. Elle participe de la résignation et de l'abaisse­ment qui rivent davantage les chaînes du travail, et elle justifie la spoliation qui est à la base du régime. Son seul avantage est, d'une part, de rapporter à ceux qui s'en font les préconisateurs et les agents et de concourir à entretenir, d’autre part, la misère et l'infériorité des autres pour la plus grande satisfaction des privilégiés sociaux. Et ce n'est pas l'accession accidentelle - nous pourrions dire providentielle si ce mot ne jurait sous notre plume de mécréant - de quelques ouvriers aux biens convoités, l'élévation isolée de quelques unités sur le plan patronal qui solutionne l'état de défaveur et d'injustice du grand nombre. La jaunisse prolonge peut-être le capitalisme, mais elle ne sauve pas le tra­vail, la masse besogneuse.

Elle ment aussi, la jaunisse, qui prétend se cantonner sur le terrain économique et mépriser politique et poli­ticiens. Les actes, toute la vie des jaunes influents, sont là typiques. Leur histoire - faite par eux-mêmes -­ nous les montre en perpétuels accords, en incessantes et louches combinaisons avec le clergé, les royalistes, les industriels puissants et les politiciens tarés de toute nuance. Le mouvement jaune n'est qu'intrigue et dupli­cité. Ses groupements « professionnels et ouvriers » n'existent qu'à l'instant d'un coup à faire contre des travailleurs en grève. Ils n'ont rien de commun avec l'enthousiasme réel des syndicats sincèrement chrétiens comme l'ont été les sillonnistes, par exemple. La jaunisse n'a rien à voir avec un idéal. Elle n'a d'ailleurs pas d'action propre et se contente d'être à la remorque des groupements patronaux, d'obéir à leurs suggestions. Les meneurs, dans la « jaunisse », n'ont jamais été considérés par ceux-mêmes qui les employaient, leur versait l'argent de Judas, autrement que comme de sinistres individus, et par tous ceux qui les connaissaient autrement que comme des coquins méprisables.

La jaunisse n'a pas été autre chose qu'une affaire, une arme de diversion et de retard, maniée avec des pincettes par le patronat dont elle servait la cause. Il flotte à sa surface des éléments sincères, mais ses dessous sont d'infamie. Elle est une excroissance vénéneuse d'un système qui fait, pour se maintenir, flèche de tous bois et s'appuie sans vergogne sur la vénalité.

- G. Y.