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LABYRINTHE n. m. (étymologie probable : latin labyrinthus ou grec laburinthos, même sens. Certains le rattachent aux deux mots égyptiens labari et thi, ville ou monument de Labari, roi d'Egypte)

On donnait ce nom dans l'antiquité à des salles et galeries souterraines, suites de tombeaux, exagérément ramifiées, et cette appellation s'est étendue, plus tard, à des édifices conçus sur le même plan ou à des agencements qui rappelaient le dédale trompeur des labyrinthes anciens. Des cinq plus fameux dont on a conservé les noms, deux appartiennent à l'Egypte : le labyrinthe de Mendès, dans l'île du lac Mœris et le labyrinthe des Douze, ainsi nommé parce qu'il fut construit, vers 660, par les douze seigneurs qui régnaient alors sur l'Egypte. Il y avait aussi le labyrinthe de Crète, près de Gnosse, construit dans les carrières et destiné à la sépulture des rois : la fable l'attribuait à Dédale et y plaçait le Minotaure ; puis le labyrinthe de Lemnos, qui semble avoir été une grotte de stalactites, abri mystérieux du culte des Cabires, et enfin le labyrinthe de Clusium, que l'on attribuait à Porsenna, et qui dut être un de ces hypogées étrusques dont on a découvert un si grand nombre de nos jours...

De ces labyrinthes, les auteurs antiques abondent en descriptions enthousiastes et ils en vantent la richesse. Mais il est curieux qu'aucun de ces édifices n'ait laissé de traces et qu'on ne soit d'accord sur aucun de leurs emplacements. Verrons-nous un jour des fouilles exhumer ces substructions grandioses?... Hérodote a décrit celui des Douze, qu'il dit avoir visité au milieu du Vème siècle av. J.- C. et il lui attribue, outre douze grandes salles parallèles précédées d'un portique de colonnes monolithes, plus de trois mille chambres dont la moitié, souterraines, servaient, assure-t-il à la sépulture des rois et des crocodiles sacrés. Pline en parle également et Strabon, qui déclare l'avoir connu encore sous Auguste. Mais Hérodote, Strabon, Pomponius, Diodore de Sicile, Manéthon, Démostélès, Lycéas sont en désaccord - si l'on s'attache à leurs récits - quant au fondateur dont une pyramide abritait la momie.

Le plus fameux des labyrinthes antiques, si 1'on en croit les poètes qui, à profusion, l'ont chanté, fut celui de Crète. Selon la mythologie, il aurait été construit, par ordre du roi Minos, pour servir de repaire au Minotaure. Dédale en aurait tracé le plan, d'après celui du labyrinthe qu'il avait vu en Egypte, près du lac Mœris. C'était un édifice élevé sur le sol à ciel ouvert. Thésée, guidé par le fils d'Ariane, parvint jusqu'à la retraite du Minotaure et le tua. Ovide, qui le dépeint dans ses Métamorphoses, nous conte que l'inventeur put à peine en sortir tant son art fut extrême. Demoustier, dans ses Lettres à Emilie, le compare au cœur de l'infidèle. Les Pline, les Diodore, n'en voient de trace que dans la légende et il semble qu'on puisse se trouver en présence d'une tradition purement poétique

Les églises offrent souvent, vers la fin du XIIème siècle, des ornements en forme de labyrinthes. La cathédrale de Chartres en possède un en sa nef, qu'on dénommait la lieue et où se voyaient, jadis, Thésée et le Minotaure. Il en est aussi en celles de Reims, Poitiers, Auxerre, Amiens, etc. Certains y ont vu des réminiscences païennes, d'autres des rappels d'emblèmes du temple de Jérusalem. Plus simple nous paraît de les attribuer à une fantaisie, familière aux artistes du temps, dont l'imagination se donnait, à travers les œuvres sacrées, si souvent libre cours et qui dotèrent les édifices du culte des scènes les plus audacieuses et les plus hétéroclites...

Les labyrinthes optiques sont des enchevêtrements de glaces qui donnent naissance à des perspectives que le visiteur prend tour à tour pour des chemins. L'horticulture a ses jardins-labyrinthes dont les plus célèbres furent ceux de Versailles et de Choisy. Du premier seulement nous restent des plans et gravures, des descriptions (proses de Perrault, fables de Benserade) et un poème de Delille.

Au figuré, on appelle labyrinthe une complication d'objets parmi lesquels la pensée tâtonne et se fourvoie. Des difficultés, des questions obscures, un réseau d'idées enchevêtré, voire de propositions contradictoires sont aussi qualifiées de labyrinthe : « Le système général des sciences et des arts, dit d'Alembert, est un labyrinthe où l'esprit s'engage sans connaître la route qu'il doit tenir ». Lemercier proclame que « le doute fut le premier pas vers les découvertes, dans le labyrinthe de la vérité ». Du cœur humain, Voltaire dira qu'il est « un labyrinthe dont il n'est pas aisé de démêler les tours et détours ». Dans l'inextricabilité du labyrinthe, le philosophe voit l'image de l'esprit humain en proie aux illusions et aux égarements multipliés : « Nous naissons, dit à ce sujet Condillac, au milieu d'un labyrinthe où mille détours ne sont tracés que pour nous conduire à l'erreur ». Balzac estime aussi qu' « il n'est pas un fourré qui ne présente quelque analogie avec le labyrinthe des pensées humaines ». Nombreuses sont les tournures littéraires qui font appel à des comparaisons similaires.



- L.